Définir l'Histoire

 

Activité : Pourquoi les Suganas sont ils arrivés à Mirande ? : confronter un témoignage et un document d'archive.

 

Le mot histoire a plusieurs sens. Il désigne à la fois un simple récit distractif, le passé d’une communauté humaine et la discipline qui l’étudie. Dans ce cas là, on parle d’Histoire avec un grand « H ». Le même mot est alors utilisé pour qualifier le travail de l’historien et son sujet. Ici, l’histoire est une science humaine qui cherche à étudier et faire le récit du  passé de façon objective.

Pour commencer, l'historien se pose des questions. Sa démarche est problématisée. Il lui arrive de formuler des hypothèses. Il multiplie les sources d'information (témoignages, documents d'archives et autres) qu'il soumet à la critique. Il les confronte ensuite pour établir la vérité. Il peut alors construire un récit qui permet de comprendre le passé, de lui donner  du sens. Ce récit peut être renouvelé par l'apport de la recherche.

 

Pour en savoir plus (cette partie n'est pas à apprendre)  

 

Avec quoi fait-on l'histoire ? 

Ch.V. Langlois et Ch. Seignobos  à l’origine de l'”école méthodique” croient aux documents. Pour eux, “l’Histoire se fait avec des documents. Les documents sont les traces qu’ont laissés les pensées et les actes des hommes d’autrefois”. Ils pensent alors essentiellement aux traces écrites. Mais tous les documents ne sont pas fiables. Il existe des faux célèbres en  Histoire. La Donation de Constantin, datée prétendument du IVème siècle est sensée être la preuve du legs de l’empereur au pape de. Ce document a été utilisé par la suite à partir du Xème pour assoir les revendications territoriales et politiques papales. Certains manuels scolaires reproduisent de faux documents. C’est le cas de la photographie célèbre Mort d’un poilu  ou Verdun 1916. Il s’agit en réalité un photogramme extrait d’un film de fiction produit en 1928 pour le dixième anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale : Verdun, vision d’Histoire. de Léon Poirier.

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Photogramme du film de 1928

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DVD : Apocalypse VERDUN

Alors que faire lorsqu’on n’ a pas de documents ?  Lucien Febvre propose une solution dans Combat pour l’Histoire : “L’ Histoire se fait avec des documents écrits, sans doute. Quand il y en a. Mais elle peut se faire avec tout ce que l’ingéniosité de l’historien peut lui permettre d’utiliser… donc des mots, des signes, des paysages et des tuiles. Des formes de champs et des mauvaises herbes. Des éclipses de lune et des colliers d’attelage”. On peut également utiliser des témoignages directs. Mais l’historien Marc Bloch conseille la plus grande prudence dans ce domaine. Il écrit dans Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre: « Il n’y a pas de bon témoin […]Sur quels points un témoin sincère et qui pense dire vrai mérite-t-il d’être cru».

Mais le bon historien, lui,  sait choisir ses documents.

Dès le 15ème siècle la Donation de Constantin fait l’objet d’une critique rigoureuse du texte (herméneutique). On retrouve cette démarche au 19ème siècle,  Ch.V. Langlois et Ch. Seignobos  définissent une méthode qu’ils veulent rigoureuse. Depuis, tout historien soumet ses sources à une double critique. Cette critique est externe (D’où proviennent les documents ? Sont-ils de première main ou des copies des adaptations ? ) et interne (Que disent-ils ? Que peut-on retenir comme véridique dans le document ? ). On vérifie ainsi la validité des documents. La rigueur de cette démarche amène Ch.V. Langlois et Ch. Seignobos  à penser que « l’Histoire est une science ».

Alors comment fait-on l'histoire ?

La science progresse en posant des hypothèses. Par des calculs elle en imagine les résultats. S'ils sont confortés par des expériences répétées, il est possible d'en faire des lois.  En histoire, c’est différent. Paul Veyne souligne que : “L’histoire […]ne peut déduire et prévoir “. Il prend l’exemple de la Révolution française. Il dit qu’il n’existe pas de “théorie générale de la révolution d’où se déduirait 1789”.

Cependant, l’historien n’utilise pas les documents au hasard, au “petit bonheur la chance” de ses découvertes.  Il définit des problèmes, des questions auxquelles il tente de répondre en choisissant et en  analysant de nombreux documents choisis. C’est ce que François Furet appelle dans L’Atelier de l’Histoire :  l'”Histoire-problème“.

Prenons un exemple simple. Si nous nous posons la question de savoir si, à Mirande, les conditions d’accueil des Harkis étaient bonnes. Celui qui se contentera des comptes-rendus officiels pourrait avoir le sentiment qu’elles étaient satisfaisantes au risque de chagriner des témoins dont les souvenirs de cette période sont plutôt sombres. Il convient donc de constituer un corpus documentaire riche et varié pour se faire une idée exacte des conditions de vie dans le hameau de Harkis de Mirande et répondre ainsi  à la question initiale.

Comment raconte-t-on l'histoire ? 

Pour l’Allemand du 19ème siècle, Léopold Von Ranke, la réponse est simple : L’historien doit  seulement montrer “ce qui s’est réellement passé » Il doit donc objectivement faire le récit de la vérité. Mais alors quels faits faut-il retenir dans ce récit ? François Furet  note qu’: « il n’y a pas de fait « pur » : le fait historique est un choix intellectuel ». Autrement dit tout récit est le fruit de la sélection de fait déterminée par la personnalité de l'historien.   Paul Veyne finit donc par dire que   : “L’histoire est anecdotique, elle intéresse en racontant, comme le roman."  Cependant contrairement au romancier l'historien est obligé de dire la vérité.  Arlette Farge le dit mieux que moi dans Des lieux pour l’histoire : ” De l’histoire, il faut dire à quel point son récit est indispensable car aucune société ne peut se passer de son statut de véridicité et des protocoles de recherche qui en assurent à la fois la cohérence, la fiabilité, l’éthique. Même reformulée, revisitée sans cesse parce que réinterrogée par le présent, l’histoire est à chaque époque le récit raisonné des événements, celui qui en évite la falsification et la honte des dérapages flagrants ou des dénégations mortifères”.

S’il est indéniable que tout historien reste influencé par sa sensibilité ce qui le rend subjectif, la diversité des récits s’explique aussi le plus souvent par l’évolution de l’état des connaissances. Le récit historique est donc une construction sans cesse renouvelées. Lucien Febvre écrivait ” L’historien n’est pas celui qui sait mais celui qui cherche “. Pierre Nora ajoute dans Les lieux de mémoire : « L’histoire est la reconstruction toujours problématique et incomplète de ce qui n’est plus ».

Ce récit n'est pas la simple description d'une succession de faits. L'histoire essaie d'expliquer les évènements en les inscrivant dans le contexte du moment mais aussi dans différentes temporalités. . C'est à dire des durées plus ou moins longues. Elle identifie les acteurs de ces événements et les relations qu'ils entretiennent. Elle repère des continuités mais aussi des ruptures, des points communs et des différences. En résumé, elle essaie de donner un sens au passé.

 

 

Auteur : Nérée Manuel

 

Dernière mise à jour :08 /19

 

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