Comparaison
entre démocraties et régimes autoritaires à partir d’exemples.
«La démocratie est le
pire des systèmes, à l'exclusion de tous les autres.» Winston Churchill
En 1936, Staline affirmait
que la constitution dont il venait de doter son pays était « la plus
démocratique » du monde. Mais comment définir la démocratie ? Pour
faire simple, pour reprendre la formule d'Abraham Lincoln, c’est le «
gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».
Dans le détail, qu’est-ce
qui distingue les démocraties des régimes autoritaires, voire
totalitaires ? Un régime autoritaire peut-il avoir les apparences d’une
démocratie ? Une démocratie peut-elle contenir dans sa constitution les
germes d’une dictature ?
Démocratie :
du
grec kratos (pouvoir) demos (peuple), système politique dans lequel la
souveraineté émane du peuple.
I
La démocratie …
a)
… a des principes
«
Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des
choses le pouvoir arrête le pouvoir. » MONTESQUIEU (1689-1755), L’Esprit des
Lois (1748)
Etymologiquement, le terme de démocratie vient du grec
kratos (pouvoir) et demos (peuple), De ce point de vue, en première analyse, la
démocratie se pense donc comme un système
politique dans lequel la souveraineté émane du peuple. Ainsi à titre
d'exemple, la Constitution française de la Vème République de 1958, rappelle
dans son article 3 que " La souveraineté nationale appartient au peuple
qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum".
Les principes qui fondent le caractère démocratique d'un
régime sont au nombre de cinq.
1/
Des élections libres et régulières
(ou des référendums) doivent permettre au peuple d’exprimer sa souveraineté.
Plusieurs sensibilités politiques doivent pouvoir s’exprimer librement à
l’occasion de ces suffrages.
2/
Pour cela, le pluripartisme doit
être établi. Dit autrement, le pluralisme politique doit être assuré par la
présence de partis politiques nombreux et divers censés représentés la
diversité des opinions des citoyens (voir l'illustration de la pluralité des
partis politiques en France dans le cours).
3/ Les libertés fondamentales doivent être
garanties (liberté d'opinion, liberté d'expression, liberté de la presse,
liberté de manifestation, liberté d'association, etc.).
4/
L’Etat de droit permet d’assurer l’égalité
des citoyens devant la loi.
5/
Enfin, les trois pouvoirs, l’exécutif,
le législatif et le judiciaire sont séparés, équilibrés et théoriquement au
moins indépendants l'un de l'autre.
Dans la plupart des démocraties, pour éviter
l’arbitraire, une constitution
définit le rapport entre les citoyens et les institutions et le rapport des
institutions entre elles. C'est bien sûr le cas de la Constitution française de
la Vème République : https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/2021-09/constitution.pdf
Une vidéo courte sur notre Constitution
https://www.youtube.com/watch?v=30tkGSOMkt8
Il existe cependant des exceptions. Le Royaume-Uni et
Israël par exemple n’ont pas de constitution. Cependant, dans les deux cas des textes
au caractère normatif font office de constitution.
b)
… déclinés selon différentes modalités.
On retrouve ces principes
démocratiques dans des régimes politiques différents. Il s’agit dans certains
cas de républiques (= forme
d’organisation politique où la souveraineté est conférée par le corps social.
Pour le dire autrement, dans ce cas la souveraineté n’est pas héréditaire) ou
dans d’autres de monarchies parlementaires ou constitutionnelles. Ici il
importe donc de bien avoir à l'esprit que la démocratie peut trouver sa place
dans d'autre régime qu'une République comme c'est le cas pour la France. République et Démocratie ne sont donc pas
des synonymes et ne vont pas nécessairement de concert (la Chine est
officiellement une République mais est-ce une démocratie ?). A titre d'exemple,
bien qu'il s'agisse d'une démocratie, "la forme politique de l'Etat
espagnol est la Monarchie parlementaire'
comme précisé dans l'article 1er de sa Constitution.
De même, bien que la
caractéristique commune à toutes les démocraties du monde soit la souveraineté
du peuple comme détenteur du pouvoir politique, les modalités d'exercice de ce
pouvoir varient selon que l'on se trouve dans une démocratie directe ou une démocratie représentative. Ainsi lorsque
les citoyens participent directement aux institutions et donc aux décisions on
parle de démocratie directe. Dans ce
premier cas de figure, les citoyens sont donc associés aux décisions au moyen
de consultations ou de délibérations. A l'inverse, lorsque les citoyens délèguent
ce pouvoir à des représentants élus (députés, sénateurs), on parle alors de démocratie représentative. Il faut
cependant avoir à l'esprit que ces deux modalités d'exercice du pouvoir
politique par les citoyens ne s'excluent pas : en France nous sommes très largement dans une démocratie représentative
mais la possibilité d'organiser des référendums confère aussi à notre
démocratie une dimension de démocratie directe.
Nous reviendrons, par la
suite dans ce thème (axe 1), sur la distinction entre ces deux formes
d'exercice du pouvoir politique par les citoyens.
II
…et les autres régimes.
a)
Le cas de la constituions soviétique de
1936.
En 1936 Staline souhaitait
faire passer la nouvelle constitution d’URSS pour celle d’une démocratie.
Certes, elle avait l’apparence d’un Etat
fédéral reposant sur le suffrage
universel mais en réalité la démocratie populaire ainsi créée
n’était autre qu’un régime totalitaire.
Il s’agissait en effet d’une dictature à parti unique. Car dans les faits, au
sommet du parti, Staline dirigeait seul
le pays. Il était secrétaire général du PC, président du conseil de ministres
et maréchal de l'armée rouge. Il contrôlait toutes les nominations des cadres
du parti. Les organisations politiques étaient peu ou rarement réunies.
L’opposition était éliminée au moyen de
la terreur. Cet exemple historique
permet de montrer que le fait d’être une république reposant sur une
constitution ne suffit pas à faire une démocratie.
Démocratie
populaire : régime ou le parti communiste est censé représenter
les travailleurs et à fortiori l’ensemble du peuple
b)
Typologie des régimes contemporains.
S’il est facile d’opposer
l’idéal de démocratie libérale mis
en avant par la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis à la réalité totalitaire de la Corée du Nord,
les choses deviennent plus complexes à l’étude détaillée du fonctionnement de
bien des régimes. Par exemple, la
République Populaire de Chine se revendique comme un modèle d’Etat où
s’exprime librement le suffrage
universel. Mais pour le moins ce régime est autoritaire compte tenu de la répression de toute forme d’opposition.
On peut même l’assimiler à un régime
totalitaire quand on observe le caractère
dominant et exclusif du parti communiste et de son idéologie. En Russie
Vladimir Poutine défend son système politique en rappelant que les dirigeants
y remettent régulièrement en jeu leur mandat au cours d’élections au suffrage
universel. Il insiste sur
l’existence d’une assemblée, la Douma où s’exprime l’opposition. Mais pour beaucoup cette opposition reste
une opposition loyale pour ne pas dire servile, tandis que les vrais
adversaires de Vladimir Poutine comme Alexei Navalny sont sévèrement réprimés.
Le moins que l’on puisse dire c’est que le système poutinien est certainement illibéral et surement autoritaire. On retrouve ce caractère
illibéral dans des démocraties conquises par les populistes. C’est le cas notamment de la Hongrie de Viktor Orban ou
de la Turquie d’Erdogan. Ainsi s’allonge progressivement actuellement la liste
des démocratures dans un contexte de
crise des démocraties. Pour finir, les démocraties les plus anciennes connaissent des imperfections elles aussi.
Elles ne sont pas non plus à l’abri de glissements
autoritaires quand des situations de crises imposent des mesures
exceptionnelles. Un exemple nous en est donné par les EU, lorsque des pratiques
inhumaines ont servi au recueil de renseignement pour lutter contre la menace
terroriste. Peut-être n’est-il pas besoin d’aller si loin dans la recherche de
menaces sur le fonctionnement démocratique des institutions. Ce constat appelle
à la plus grande vigilance des citoyennes et des citoyens dans leurs
démocraties respectives.
Démocratie
libérale : régime reposant sur le pluripartisme, la garantie
des libertés fondamentales, la séparation et l’équilibre des pouvoirs,
l’expression de la souveraineté nationale.
Régime
totalitaire : pour faire simple ici, un régime totalitaire est
un régime autoritaire qui entend créer et gérer une société strictement conforme
à une idéologie dominante. Cela suppose un effacement de l’individu face à
l’Etat et un monopole des autorités sur les moyens de communication et de
répression.
Régime
autoritaire : régime ou les trois pouvoirs sont contrôlés par
une seule personne ou par un petit nombre de personnes et où l’opposition ne
peut s’exprimer.
Démocrature :
régime ayant certaines des caractéristiques de la démocratie comme le
pluripartisme mais dirigé de façon dictatoriale.
Etat
illibéral : système politique dans lequel des élections sont
maintenues mais où les libertés fondamentales sont réduites.
Conclusion :
il est donc facile de définir et d’opposer l’idéal démocratique à la réalité
d’un autoritarisme ou d’un
totalitarisme. Mais une approche plus
fine peut révéler que les régimes les plus totalitaires peuvent se dissimuler
sous un vernis démocratique. On constate également qu’il existe une grande
diversité de modèles démocratiques. Il convient également de garder à l’esprit
qu’il faut être vigilant face à toute dérive autoritaire dans les démocraties,
même les plus installées.