Tracer des frontières : les frontières du continent africain et la colonisation

Etude de cas : la conférence de Berlin

 

 

L'une des dernières dyades dessinées dans le monde, le fut en 2011 en Afrique. Pour comprendre à quoi servent les frontières, on peut se pencher sur ce continent pour comprendre les circonstances dans lesquelles elles furent tracées.

 

La question se pose notamment de savoir si, sur ce continent, les frontières sont le résultat du partage colonial.  

 

I A l'évidence les frontières africaines sont un héritage de la colonisation car ...

 

a)...avant même de détenir les territoires, les puissances occidentales ont déterminé les règles du partage de l'Afrique,

En novembre 1884, le Chancelier Allemand Bismarck réunit à Berlin les puissances occidentales. Quand débute la conférence, le processus de colonisation du continent africain connaît une réelle accélération. Longtemps cantonnées aux littoraux, les puissances européennes soutiennent l'exploration des territoires intérieurs. C'est la grande époque des expéditions de Livingston, Savorgnan de Brazza  ou Stanley. A cette époque, les occidentaux ne savent que peu de choses sur ces terres inexplorées. A la fin de la conférence, le 26 février 1885,  le texte défini par  les occidentaux en l'absence de tout représentant africain établit des règles de conquête coloniale. Prétendant agir pour le bien être moral et matériel  des populations locales, les puissances européennes interdisent l'esclavage et la traite négrière.  Il est décidé que les fleuves doivent rester libre de circulation. Il est dit également que les puissances qui imposent leur domination sur un territoire doivent en informer les autres. En outre, il est décidé que tout territoire revendiqué doit faire l'objet d'une occupation effective. Donc à Berlin les puissance coloniales ne se partagent pas l'Afrique mais définissent entre elles et à leur bénéfice les bases de leur domination  sur le continent. Elles définissent aussi des aires d'influences.

 

Ethnie : ensemble de personnes ayant conscience d'avoir en commun des origines et une culture. 

 

b) Les frontières africaines sont ensuite délimitées.

 

Par la suite, les puissances européennes négocient entre elles les frontières africaines sans tenir compte la plupart du temps des entités politiques préexistantes et des réalités ethniques. Dans certains cas, ces frontières correspondent à des limites naturelles comme autour du fleuve Congo. En 25 ans, de 1885 à 1910,70 % des frontières sont tracées par les puissances coloniales. Elles marquent ainsi leurs possessions sur le continent. On parle de processus de territorialisation. Pour cela des traités internationaux sont signés, des limites sont précisées sur le terrain, des bornes sont posées. Des cartographes consignent ces délimitations sur des cartes. Dans certains cas, des tensions opposent les puissances coloniales comme à Fachoda au Soudan. Les colonisateurs rencontrent également des résistances. Pour rappel, Samory Touré, chef Malinké de l'empire Mandingue et Behanzin, roi du Dahomey opposent une résistance féroce à la colonisation. Le premier est fait prisonnier en 1898 et déporté au Gabon où il y meurt en 1900, le second est capturé traitreusement  et déporté en Algérie où il meurt en 1906. Ceci rappelle donc qu'il existait des autorités politiques en Afrique avant l'arrivée des Européens. Ces derniers mènent des "guerres de pacification" pour affirmer leur domination là où elle est contesté comme par Abd el Krim au Maroc

 

c) En réalité l'essentiel des frontières africaines est constitué par des frontières intra-impériales

Par exemple, les délimitations rectilignes entre l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Mauritanie, le Mali et le Niger est le résultat de la partition administrative que voulait la France qui souhaitait distinguer les protectorats, les départements algériens, les territoires du Sud algérien  et les territoires d'administration directe d'Afrique occidentale française.

 

 

II Mais il convient de nuancer ce constat en précisant que ....

 

a) ...pendant la période coloniale, certaines frontières sont  négociées en tenant compte des réalités précoloniales.

 

C'est ce qu'avance Michel Foucher après avoir étudié des documents diplomatiques. Il considère que 1/6ème des frontières a été négocié par les puissances coloniales en tenant compte des caractéristiques ethniques. Mais cela ne concerne qu'une petite partie d'entre elles.

 

b) Après la colonisation, ce sont les Etats issus de la décolonisation qui font le choix de conserver les frontières coloniales.

 

Au moment des indépendances dans les années 50-70, les frontières héritées de la colonisation sont conservées.  C'est ainsi que l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) opte le 21 juillet 1964 en faveur du « principe de l’intangibilité » des frontières en Afrique. Ce principe « déclare solennellement que tous les Etats membres s’engagent à respecter les frontières existant au moment où ils ont accédé à l’indépendance ». Pour les pays favorables à cette décision, cette dernière a l'avantage d'établir des Etats stables à l'intérieur de limites reconnues internationalement.

 

Principe d'intangibilité : état de ce qui ne peut être modifié, qui ne peut être changé.

 

c) Des frontières sont apparues depuis les indépendances.

Certaines frontières internationales ont été contestées depuis. On peut donner l'exemple de la frontière litigieuse entre le Maroc, l'Algérie et la Mauritanie qui a fait l'objet de plusieurs conflits et qui a été modifiée avec la création du Sahara Occidental.  C'est n'est qu'un exemple parmi tous ceux qui caractérisent la zone sahélo-saharienne.

Par ailleurs des frontières sont apparues du fait de tensions sécessionnistes. C'est ainsi que l'Erythrée se sépare de l'Ethiopie en 1993. Depuis un conflit a opposé les deux pays notamment sur la question des frontières jusqu'en 2018. Aujourd'hui encore l'Ethiopie ne reconnait pas le tracé de ces frontières.  Le Soudan offre un autre exemple de ce type de division. En 2011, à la suite d'un long conflit interne le Soudan du Sud se sépare du reste du pays. Aujourd'hui encore les deux pays se disputent au sujet de certains territoires. Aujourd'hui, ce sont les touaregs qui réclament la création d'un Etat notamment au Mali où ils espèrent l'avènement de l'Azawad.

 

Conclusion : Les frontières servent donc à s'approprier et à se partager des territoires. C'est pour cela qu'en Afrique, pour l'essentiel, les frontières sont un héritage colonial. Au moment de leur délimitation au 19ème siècle, il s'agit de limites géopolitiques qui ne correspondent que très peu aux réalités locales. Cependant, les frontières issues de la période coloniale sont volontairement conservées par les Etats issus de la décolonisation. Au moment des indépendances, elles apparaissent généralement comme des facteurs de stabilité sur le continent. Cependant, depuis, le tracé de certaines frontières a été redéfini du fait de tensions interétatiques ou de conflits sécessionnistes.