Des relations de natures différentes entre États et religions sur le plan du droit public

(Séparation, religion officielle…) à partir d’exemples

 

Près de 80% des habitants de la planète se réclament d’une religion. Le monde compte près de 197 Etats. Par Etat, on désigne les entités adoptées par des sociétés pour s’administrer et assoir leur souveraineté sur le territoire.

La question peut donc être posée de savoir si tous les Etats entretiennent les mêmes relations avec les religions présentes sur leurs territoires. En creux, la question est aussi posée de savoir si la laïcité à la française est un modèle courant en Europe et dans le monde.

Cette étude peut donner lieu à une forme de typologie des Etats en fonction des relations qu’ils entretiennent avec la ou les religions, du statut de ces dernières et de l’importance de la religion dans la société.

I Une première distinction concerne la séparation de l’Eglise et  l’Etat

a)     Une inégale sécularisation des sociétés

Si pendant plusieurs décennies au 20ème la tendance a été à la sécularisation des sociétés. Cette dernière est désormais inégale. Dans un certain nombre de pays la religion garde une certaine influence sur les sociétés, sur les comportements.  En Pologne par exemple, 90% de la population se réclame du catholicisme tandis qu’en France plus de 78% de la population n’est pas affilié à une religion.

Sécularisation : affaiblissement d l’influence de la religion dans la société. Elle conditionne moins les comportements des individus dans la société.

b)     Mais dans un  certain nombre  d’Etats il n’y a pas de séparation de la religion et de l’Etat.

On dénombre près de 42 Etats où il existe une religion d’Etat. Parmi ceux-ci, on peut citer le Royaume-Uni, l’Arabie Saoudite ou encore le Cambodge. Il s’agit d’Etats où  la croyance majoritaire est reconnue par le droit public avec un statut privilégié en tant que religion d’Etat.  En Grèce, par exemple,  pour l’instant, il n’y a pas de séparation de l’église et de l’Etat, l’article 3 de la constitution stipule que : « La religion dominante en Grèce et celle de l’Eglise orthodoxe orientale du Christ ».

Qui dit religion d’Etat ne signifie pas forcément absence de liberté de culte et de conscience. Par exemple, en Tunisie, l’Islam est la religion d’Etat mais le pays reconnait la liberté de culte dans sa constitution adoptée en 2014 à la suite du Printemps arabe (article 1 et 6).

Religion d’Etat : religion dont se revendique officiellement un Etat.

Liberté religieuse : liberté garantissant à chacun le droit de croire et de pratiquer la religion de son choix.

Liberté de culte : liberté de pratiquer la religion de son choix.

Liberté de conscience : liberté d’avoir les convictions de son choix qu’elles soient de nature religieuse ou pas.  .

 Athéisme : fait de ne pas croire en une divinité.

c)     Certains d’entre eux sont des théocraties.

Un petit nombre d’Etats peuvent être qualifiés de théocraties. C’est le cas notamment de l’Iran. Dans ce pays à la suite de la révolution islamiste chiite de 1979 a été établi un régime, la République Islamique d’Iran, où l’organisation politique est soumise à l’autorité religieuse et où l’essentiel du droit est inspiré par la charia. Dans ce type d’Etats, l’apostasie est impossible.

Théocratie : régime politique dans lequel la religion est le fondement de l’autorité de l’Etat et du pouvoir.

Charia : dans l’Islam loi religieuse qui codifie la vie publique et privée, ainsi que les interactions sociales. Son application est très variable selon les lieux et les époques.

Apostasie : principe de renoncer à sa religion.

d)     Dans une majorité d’Etats, la religion est séparée du pouvoir politique.

Dans près de 107 Etats, il existe une séparation officielle entre Etat et religion. Dans ces pays, l’Etat est séparé des religions et les règles de droit sont indépendantes des normes religieuses. Cette séparation est souvent  établie dans la constitution. Il est possible de donner pour exemple dans ce domaine le Mexique. Dans ce pays la séparation est établie par la loi depuis 1859, c’est-à-dire avant la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat française qui date, elle, de 1905. Depuis 2012,  cette séparation est inscrite dans la constitution mexicaine comme en France.

e)     Certains Etats se montrent hostiles aux religions.

C’est le cas notamment de la Chine qui multiplie les mesures vexatoires et répressives notamment dans la province du Xinjiang au détriment de la communauté musulmane des Ouïghours. Pour rappel, l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme stipule que : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience  et de religion ». Mais la Chine conteste le principe d’universalité des droits de l’homme.

II Une seconde distinction concerne le modèle de séparation de l’église et de l’Etat adopté.

Selon l’essayiste Jean Baubérot, il est possible de distinguer trois types de laïcités.

a)     Certains Etats ont adopté une laïcité de reconnaissance.

Un certain nombre d’Etats ont fait le choix de concilier une séparation de l’Eglise et de l’Etat avec une reconnaissance de la place de la religion dans la société. Les Etats-Unis offrent un bon exemple de ce type d’accommodement. Dans ce pays, la séparation est établie par la constitution mais le président prête serment sur un livre religieux (il ne s’agit pas forcément la bible) au moment de son investiture. Les Etats-Unis font l’objet d’une étude plus approfondie dans un autre chapitre.

Laïcité de reconnaissance : il s’agit d’une laïcité qui  accorde de l’importance à la reconnaissance des diverses expressions publiques de la liberté de conscience

b)     D’autres ont fait le choix d’une laïcité de séparation

 

Dans d’autres Etats, le choix est fait de séparer strictement la sphère religieuse de la sphère politique et publique. La loi de 1905 en France établit ce principe. Le Mexique avait fait le même choix précédemment. Dans ces Etats, l’influence de la religion sur  la vie publique est volontairement limitée. Par exemple, en France seul le mariage civil est reconnu légalement. 

 

Laïcité de séparation : importance majeure accordée à la distanciation entre la sphère politique et la sphère religieuse. Les institutions publiques doivent être le reflet de la neutralité étatique.

 

c)     Certains ont mis en place une laïcité de coopération

Les Etats ayant adopté ce type de modèle ne reconnaissent pas de religion d’Etat mais ils considèrent les groupes confessionnels ou les institutions religieuses comme des partenaires dans les domaines considérés d’utilité sociale comme l’éducation ou la charité. En Europe, les Pays-Bas sont peut être un exemple de ce type de laïcité. Dans ce pays, il n’y a ni religion d’Etat ni reconnaissance officielle des confessions religieuses. Cependant, ces dernières conservent un rôle important dans l’organisation de la société. On parle de pilarisation (piliers) de la société. Par exemple, l’article 23 de la constitution néerlandaise adoptée en 1917 établit un financement total par l’Etat des écoles avec une identité religieuse. Aujourd’hui encore aux Pays-Bas, l’école et l’audio-visuel sont largement structurés par ce principe de pilarisation. En Allemagne, un impôt est prélevé pour financer les cultes. Aussi, chaque citoyen allemand est-il amené à signaler son appartenance religieuse dans sa déclaration fiscale. 

 

Pilarisation : système dans lequel  l’organisation sociale est largement structuré par la distinction de communauté religieuses avec des usages différents mais respectant des valeurs communes à l’ensemble de la nation.

Conclusion : La religion n’a donc pas la même place dans toutes les sociétés du monde. Le niveau d’influence des préceptes religieux sur les populations est différent d’un pays à un autre Par ailleurs, les Etats n’entretiennent pas non plus les mêmes relations avec les religions. Certains sont organisés selon des principes religieux, d’autres conservent des religions d’Etat. A l’opposé, dans certains pays, est affirmé le principe de séparation du politique et du religieux.  Mais ils n’adoptent pas tous les mêmes modalités d’organisation de ce principe.  On observe donc différents régimes de laïcité et la laïcité « à la française » est loin d’être commune dans le monde.