Etats et religions dans la
politique intérieure américaine depuis 1945.
Aux États-Unis la laïcité à la française est
souvent perçue comme liberticide. De ce côté de l’Atlantique, nous avons
souvent du mal à comprendre le poids de la religion dans la société et la vie
publique américaine.
Pb : Quelles sont les particularités du sécularisme
américain ? Dans ce pays, quelles sont ses relations entretenues par l'Etat
et la religion ? Peut-on parler de laïcité dans le cas étasunien?
I Le sécularisme américain repose sur…..
a) …une séparation stricte entre l'état et la religion.
Premier amendement à la constitution des EU (1791) : "Le congrès ne pourra
faire aucune loi ayant pour objet l'établissement d'une religion ou interdisant
son libre exercice de limiter la liberté de parole ou de presse, ou le droit
des citoyens de s'assembler pacifiquement et d'adresser des pétitions au
gouvernement pour qu'il mette fin aux abus. "
Les Etats-Unis ont été fondés à la fin du XVIIIème siècle par des colons protestants fuyant les
persécutions religieuses qu'ils subissaient en Europe. Il en résulte que le
texte de la constitution rédigée en
1787, appliquée en 1789 et amendé à
partir de 1791 est jalousement attaché à la
liberté de conscience, à la liberté
de culte, au pluralisme
religieux et à la séparation de
l'eglise et de l'état. Ce principe affirmé par le
premier amendement de 1791 (Bill of Rights),
est repris en 1802, par Thomas Jefferson, l'un des pères fondateurs des
EU lorsqu'il évoque "un mur de
séparation entre l'Etat et les Eglises". L'Etat ne pouvant s'immiscer
dans les affaires de l'Eglise et réciproquement. Il n'y a pas aux États-Unis de religion d'état. Cependant, les États-Unis
sont un Etat fédéral. Dans ces
conditions, chaque Etat conserve les compétences lui permettent de définir le
contenu des enseignements. A ce titre, les états de la bible belt se distinguent par leur
attachement à l’enseignement de la théorie
créationniste ou à celle du dessein
intelligent contre les thèses
évolutionnistes.
Amendement : modification
donnée à la constitution.
Etat fédéral : Etat
caractérisé par deux niveaux de pouvoir. Celui des Etats fédérés qui conservent
une large souveraineté dans les domaines de la justice et de l’éducation par
exemple. Celui de l’Etat fédéral auquel les Etats fédérés ont délégués des
compétences en matière de commerce international, de monnaie, de diplomatie et
de défense.
Bible belt : Etats du Sud Est des Etats-Unis où se concentre une forte
proportion de protestants fondamentalistes.
b) … mais aussi sur une forte présence de la religion dans la sphère
publique.
Les américains ont hérité de leurs origines et de leur histoire, la conviction
d'être un peuple élu de Dieu et
chargé d'une mission universelle.
Ceci explique les nombreuses références
officielles à la religion dans la vie politique américaine. Par exemple, au
moment de son investiture le président des États-Unis prête serment sur un livre saint. On peut
donc parler dans le cas des États-Unis de religion civile. Ceci explique la distinction faite par Jean Baubérot qui définit le sécularisme américain comme une laïcité de reconnaissance, alors qu'à ses yeux la laïcité à la
française est une laïcité de séparation.
Laïcité de séparation : laïcité qui
reconnaît la liberté de conscience
mais qui affirme la séparation de
l'église et de l'état en excluant l’expression
religieuse de la sphère publique.
Laïcité de reconnaissance : laïcité
qui reconnaît la liberté de conscience
et qui affirme la séparation de l’église
et de l'état tout en acceptant
l'expression religieuse dans la sphère publique.
Dénomination : nom donné à une
religion, une confession aux États-Unis.
Religion civile : ensemble des symboles et des manifestations religieuses
dans la vie publique aux États-Unis qui crée une forme de religiosité
fédératrice, unificatrice.
II L évolution de la place des religions
aux États-Unis.
a) Le rôle politique de la religion de 1945 à 1981 dans le contexte de la guerre
froide.
« Je prête allégeance au drapeau des Etats-Unis d’Amérique et à la République
qu’il représente, une nation unie sous l’autorité de Dieu, indivisible, avec la
liberté et la justice pour tous ». Serment d’allégeance au drapeau.
Dans le contexte de la guerre froide, face à l'athéisme du communisme, les États-Unis renforcent les manifestations publiques de religiosité. C'est par
exemple sous Dwight Eisenhower que la mention «under god» est ajoutée au serment d'allégeance au drapeau américain en 1954. En 1957, la
devise « in god
we trust» remplace la locution latine «e pluribus unum»
(la diversité dans l'unité). Mais le
principe de séparation de l’Eglise et de l’Etat reste protégé par la Cour
suprême des Etats-Unis. En 1962, la elle donne tort à l'Etat de New York
qui avait instauré dans les écoles publiques une prière " sans référence
confessionnelle".
Mais c'est aussi en 1955, que le pasteur Martin Luther King s'engage
dans la lutte pour les droits civiques. D’autres comme Casius
Clay ou Malcolm X considèrent que le christianisme
est la religion de la domination. Ils se convertissent à l'islam. Cette tendance explique le succès d’un
mouvement comme la nation of islam.
Dans les années 70, la droite chrétienne
conservatrice se rapproche des candidats républicains supposés mieux défendre
leurs valeurs et leur combat contre
l'avortement et le mariage homosexuel. C'est ainsi que Richard Nixon
est élu en 1969, avec le soutien du télévangéliste Billy Graham. Ronald
Reagan sera élu dans les mêmes conditions en 1981.
b) Les
transformations du paysage religieux américain.
Pour commencer, le paysage religieux
américain se diversifie. C'est ainsi qu'avec l'immigration hispanique, la religion catholique est devenue
majoritaire devant le protestantisme dans certains États des États-Unis.
D'autres religions ou convictions comme l’islam ou le bouddhisme sont désormais
mieux représentées.
Dans le même temps, la proportion d'Américains se déclarant «sans religion» (Nones) augmente
passant de 14% de la population en 2008 à 22,7 en 2014. Ils sont même 7.6
% à se dire athées ou agnostiques. On assiste semble-t-il à un processus de sécularisation de la société
américaine dont le mouvement pastafarien est peut-être une illustration.
Cependant, certaines sphères religieuses
aux États-Unis deviennent de plus en plus conservatrices à l’occasion d’une
forme de repli identitaire. Certains mouvements comme les Born again ou les Moral Majority sont
le reflet de ce retour au religieux. Cette droite chrétienne a contribué à
l'élection successivement de George W. Bush et de Donald Trump.
Pastafarisme : parodie de religion vénérant un dieu
spaghetti créateur du monde pour dénoncer l'obscurantisme et les injonctions
religieuses.
Athée : personne qui ne croit pas en
l'existence ce Dieu.
Agnostique : personne qui estime ne pas
être en mesure de démonter l'existence de Dieu
Sécularisation : perte d’influence
de la religion dans la société américaine.
Conclusion : Le sécularisme
américain n'est donc pas identique à la laïcité à la française. Il a de commun
avec elle l’affirmation la liberté de conscience et la séparation de l'église
et de l'état. Mais il accepte l'expression de la religiosité dans la sphère
publique. Compte tenu de ce principe et de l'héritage laissé par les fondateurs
de cet Etat, la religion joue un rôle politique important aux Etats-Unis.
Cependant, le pays connait aussi un processus de sécularisation auquel répond
des formes de crispations identitaires et religieuses. L'alternance
démocrates/républicains à laquelle nous assistons depuis quelques temps
s'explique aussi peut être en partie par l'évolution du rapport de force entre ses
tendances divergentes.