Séries :
1L, ES, 1S
Titre : Définir
l’Europe : entre unité, diversité et limites discutées
En
2005, un sondage établissait que pour
55% des européens, la Turquie appartenait géographiquement à l’Europe,
il apparaît que pour 42 % d’entre eux, elle partage avec l’Europe une Histoire commune
mais elle en est trop éloignée par sa culture pour 54%. Les enjeux de
l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne apparaissent clairement dans
cette enquête. Mais cette interrogation révèle que pour trancher, il convient
de régler un préalable celui de la définition de l’Europe.
Problématique : Comment définir l’Europe ? Peut-on la considérer comme un
ensemble culturel homogène inscrit dans un continent aux contours bien
définis ?
I Les difficultés d’une
définition selon les principes de la géographie physique.
a) l’Europe et le continent.
Le
continent est une très vaste étendue de terre entourée d’océans. On
considère en général que la terre compte 5 continents (Europe, Asie, Afrique,
Amérique, et Océanie). Mais seuls l’Eurasie, l’Afrique et l’Antarctique
correspondent parfaitement à cette définition.
L’Europe
n’est pas un continent. C’est une péninsule du bloc continental eurasiatique.
Péninsule : il s’agit d’une presqu’île de grande étendue.
b) les limites de
l’Europe.
Elles
sont difficiles à déterminer. Des territoires posent problème.
Au
nord, il s’agit des terres de l’Arctique (Spitzberg (Norvège) , Groenland
(Territoire autonome rattaché au Danemark)) éloignées de la terre ferme mais
possédant des liens politiques et historiques forts avec l’Europe.
Au
sud, les territoires espagnols de Ceuta et Melilla sont des enclaves
européennes sur le territoire africain.
A
l’ouest, les îles comme l’Islande, les Açores, les Canaries (Espagne depuis
1475) , et Madère ( Portugal).
La
limite Est est la plus problématique. On a longtemps admis que l’Europe
s’étendait jusqu’aux monts Oural et au Caucase au Sud. Mais la Russie s’étend
de part et d’autre de l’Oural en Europe et en Asie après les conquêtes menées
en particulier sous Pierre Le Grand au 18ème siècle. Remarque, certains géographes
d’Europe occidentale ont, un temps, contesté l’appartenance du Caucase à
l’Europe car cela faisait du Mont Elbrouz 5633m, le point culminant du
continent au détriment du Mont Blanc (4 808,75).
Les
contours de l’Europe sont flous. Il existe donc plusieurs visions de l’Europe.
Par exemple, dans la carte définie par Isidore de Séville en 623, elle est
semble-t-il délimitée par le Dniepr ou le Don à l’Est. Bien plus tard Vassili
Tatichtchev, géographe de Pierre le Grand puis le général De Gaulle, ont arrêté
l’Europe à l’Oural.
c) une définition
conventionnelle de l’Europe.
On
admet cependant que l’Europe s’étend de l’Atlantique à l’Oural et qu’elle est
comprise entre la Méditerranée, le mer Noire, la mer Caspienne et l’Océan
Glacial Arctique. Son étendue est d’environ 10 392 855 km2. L’Europe
serait donc le plus petit des continents si on admettait qu’elle en était un.
d) l’absence d’unité
bioclimatique.
Si
à l’exception des régions les plus septentrionales, l’Europe appartient à la
zone tempérée. On observe une grande
variété de milieux en Europe.
Du
point de vue du relief, l’Europe est divisée en trois ensembles plus ou mois
parallèles.
Au
nord, on trouve la moyenne montagne qui correspond souvent à un socle ancien.
Au
sud, on trouve une Europe alpine plissée et souvent caractérisée par de hautes
altitudes.
Chaîne plissées :
montagnes de formation récente soulevées et plissées par les mouvements de l’écorce
terrestre. (Pyrénées, Alpes, Carpates, Apennins). Elles sont souvent
constituées de roches cristallines( granite) et de roches sédimentaires (
calcaire) .
Au
centre, on trouve des plaines (bassin parisien, bassin aquitain, grande plaine
d’Europe du nord), des massifs hercyniens (Massif Central, Massif armoricain,
Ardennes) très anciens, fortement érodés et constitués parfois en plateaux.
Le
climat, lui aussi est varié. A l’exception du nord, les climats sont tempérés.
Au
nord, on trouve un climat polaire froid toute l’année. Au sud, le climat est
méditerranéen. Les étés sont chauds et secs, les hivers sont plutôt doux. Les
maxima de précipitation correspondent à l’automne et au printemps.
Au
centre, il y a une graduation d’ouest en est. A l’ouest, le climat est
océanique, c’est à dire humide et doux, soumis à l’influence maritime. A l’est,
s’étend le climat continental caractérisé par de fortes amplitudes thermiques,
des hivers froids et enneigés, des étés chauds et orageux.
Ces
climats déterminent des formations végétales spécifiques si bien qu’on peut
effectivement parler de diversité des milieux bioclimatiques.
Amplitude thermique : différence entre la température du mois le plus
chaud et la température du mois le plus froid.
Milieu naturel: ensemble des éléments de la nature ( climat, eaux,
pentes, formations végétales, etc…) présents et associés en un lieu.
Conclusion : Paradoxalement, l’Europe surnommée « vieux
continent » est un espace géographique difficile à définir. Existe-t-il
alors une définition culturelle de l’Europe ?
Voir une représentation
schématique des milieux européens.
II Une définition
culturelle de l’Europe.
La carte culturelle de
l’Europe fait apparaître une certaine diversité :
a) diversité
linguistique.
En ce qui concerne les
langues, on compte au total 43 langues
principales et on distingue trois groupes linguistiques différents.
Les langues germaniques se
trouvent essentiellement au nord-est, les langues romanes dominent au
sud-ouest. A l’est, on trouve essentiellement des langues slaves. Mais, il
existe également de nombreuses minorités linguistiques : basque, celte,
magyar, turc.
Cependant, les linguistes
s’accordent à trouver à ces langues une origine commune. La plupart de ces langues ont une racine
indoeuropéenne.
Indo- européen : peuple ancien au sujet duquel sont développées
deux théories.
Pour la théorie classique,
Il s'agirait de peuples guerriers, semi-nomades, originaires d’Asie centrale au
nord de la mer noire. Leur société aurait été très hiérarchisée dominée par le
chef de famille (le pater familias en latin). Ces peuples auraient “rencontré”
les peuples dits de la “vieille Europe” entre 4000 et 3000 avant JC.
Pour la théorie nouvelle,
les indo-européens viendraient du sud de la mer noire. Leur civilisation liée
au développement de l’agriculture, et leur population se seraient lentement
étendues jusqu’à toucher l’Europe vers 7000 ans avant JC.
Si l'on prend les mots les
plus fondamentaux de toute civilisation, à savoir les vocables qui désignent
les relations de parenté, on peut constater que [mère] se disait mater en
latin, d'où it. et esp. madre, fr. mère, mêtêr en grec, matar en sanskrit,
motar en gotique, d'où all. Mutter, angl. mother, mathir en vieil irlandais,
modir en islandais, macer en tokharien, mayr en arménien.
b) Diversité religieuse.
D’un
point de vue religieux, le christianisme domine en Europe malgré l’existence
d’un islam autochtone dans les balkans. Cependant, il faut faire deux remarques
à ce stade de l’exposé.
D’abord, le christianisme est divisé. En 1054, un
schisme divise la chrétienté entre d’une part l’église orthodoxe et l’église
catholique. Enfin, en 1517, le moine Luther publie ses thèses à l’origine de la
réforme et du protestantisme. L’Europe
du sud-ouest est essentiellement catholique. L’Europe du nord est à dominante
protestante. La religion orthodoxe s’est imposée à l’Est.
Cependant
cette diversité ne doit pas faire ignorer l’héritage commun partagé par les
européens. L’Europe fut en effet soumise à des influences majeures. Les grecs
ont largement diffusé leur civilisation. Les romains furent souvent les
vecteurs de cette diffusion dans un empire qui embrassa quasiment toute
l’Europe. Cette extension facilita également la diffusion du christianisme à
partir du moment où il devint religion tolérée puis officielle. Les influences byzantines et musulmanes
marquèrent largement l’Europe méridionale jusqu’à la fin du Moyen-âge.
L’identité
européenne est donc le résultat d’une construction historique.
c) des valeurs et des
références communes.
Les
européens partagent également des références communes, parmi lesquelles on
compte un certain nombre de valeurs. Les européens sont attachés à la
démocratie, les droits de l’homme et le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes. Ils en ont même fait des critères d’adhésion à l’Union européenne.
Dans
le domaine économique, c’est d’abord en Europe que fut amorcé le processus
d’industrialisation. L’Europe est
également le berceau du libéralisme économique comme du marxisme et du
socialisme. Il existe donc tout de même
une identité européenne. Au final, en 2007, 67% des Européens considéraient que
les pays d’Europe ont beaucoup en commun sur le plan culturel et sur le plan
des valeurs (paix, tolérance, respect des libertés fondamentales)
Conclusion : L’Europe est donc une entité difficile à définir. Du
point de vue de la géographie physique, elle ne correspond pas à la définition
d’un continent, ses contours sont flous et elle ne présente pas d’uniformité
bioclimatique. D’un point de vue culturel, on constate que l’Europe rassemble
une multitude d’identités. C’est la raison pour laquelle pour jacques Lévy, l'Europe est avant tout un
problème géographique. Les Européens sont cependant réunis autour de valeurs et
de références communes. C’est peut-être cette vision de l’Europe qui permet de
construire une Union européenne. Pour Michel Foucher, l’Europe apparaît donc
comme un espace conventionnel (Europe géographique) , une Union dotée
d’institutions, une civilisation multiséculaire , un idéal ou une utopie
politique, un projet géopolitique. Finalement, l’Europe est peut-être avant
tout, un mouvement un processus. Ainsi le conseil européen de Lisbonne la
définissait ainsi « Le terme « européen » associe des éléments
géographiques, historiques, et culturels qui, tous contribuent à l’identité
européenne. Un tel partage d’idées, de valeurs et de liens historiques ne peut
être condensé en une formule définitive. Il est au contraire redéfini par
chaque génération successive ».
Auteur :
Nérée Manuel
Bibliographie :
LEVY J., L'Europe,
une géographie, Hachette Supérieur, 1997 .
ZRINSCAK G. L’Europe médiane, La documentation
photographique, 1999
BARROT J., ELISSALDE B.,
ROQUES G., Europe, Europes, espace en
recomposition, Vuibert, 1995
FOUCHER M. (sd), Europe, Europes, La documentation
photographique, La documentation française, n°8074, mars-avril 2010.
Dernière mise à jour : 04-12