Une aire de relation de l’Union européenne : la Méditerranée.
En 2008, Nicolas Sarkozy, alors en charge de la présidence de l’Union européenne proposait la mise en
place d’une Union pour la Méditerranée
pour, officiellement, promouvoir la coopération et l’échange entre les
différentes rives de la grande bleue. De façon moins explicite, il s’agissait
aussi de proposer une alternative à
l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Cette proposition repose sur le
constat d’un inégal développement
mais aussi d’une complémentarité réelle entre des nations finalement
interdépendantes. Cependant, certains lui ont reproché de ne pas tenir compte
de la nature des régimes auxquels une collaboration était proposée. D’autres
ont remarqué que la question des migrations internationales n’était pas
abordée. Ces flux sont cependant une réalité de l’interface méditerranéenne. A
l’heure où les peuples du pourtour méditerranéen réclament la démocratie pour
les uns, la fin des politiques d’austérité pour les autres, l’Union pour la Méditerranée qui
rassemble 44 Etats est étonnamment discrète. Comme si le processus de Barcelone
(autre nom de l’Union pour méditerranéenne) était en panne.
Il faut dire que l’espace méditerranéen (à ne pas confondre avec
l’Union pour la Méditerranée) est vaste et contrasté. Il s’étend sur 4000 km
d’est en ouest et sur 800 km du nord au sud. Il comprend en réalité entre 18 à
25 Etats que l’on peut véritablement qualifier de méditerranéens compte tenu de
leur situation et de leur domaine bio-climatique. Sa population est comprise entre 200 et 250
millions d’habitants. On peut donc chercher dans la diversité de cette région
du monde des facteurs expliquant la difficulté de mise en œuvre de l’Union pour la Méditerranée.
La Méditerranée est-elle
effectivement une aire de relation entre l’Union européenne et les pays de la
rive sud ? Existe-il des limites à ces relations ?
Climat méditerranéen :
climat caractérisé par des étés chauds et des hivers doux, des maxima de
précipitations se situant au printemps et en automne.
I En dépit de
discontinuités N-S….
a)
Une opposition nord-sud du
point de vue du développement.
Les pays européens du nord de la
méditerranée sont en moyenne plus
développés que les pays du Sud. Mais l’espace méditerrranéen ne saurait être réduit à une opposition
Nord-Sud. En effet, la rive Nord n’est pas homogène du point de vue du
niveau de développement. Les IDH des pays de l’ouest européens sont en effet plus élevés que ceux des pays de l’est.
Sur la rive Sud et Est de la Méditerranée, Israël
apparaît comme un pays développé. 0.930 en 2006. Il convient de noter également
que la faiblesse des IDH des pays de la
rive sud de la Méditerranée est relative
puisqu’aucun IDH n’est inférieur à 0.700. Il n’y a pas de PMA dans l’espace
méditerranéen.
b) Une grande diversité culturelle.
On peut distinguer deux grandes aires religieuses dont la
répartition pourrait être schématisée de la façon suivante :
Mais la réalité est plus complexe. Il existe un Islam autochtone des Balkans (Bosnie, Albanie, Kosovo) et des communautés chrétiennes très anciennes au
Proche-Orient et en Afrique du nord. (Coptes d’Egypte, Araméens du
Proche-Orient). Par ailleurs, le christianisme comme l’Islam sont des religions
divisées. On peut distinguer une Europe méditerranéenne catholique d'une Europe
méditerranéenne orthodoxe. Concernant l’Islam, il y a 90 % de sunnites, mais il faut compter
également avec des minorités chiites
notamment au Liban.
Enfin, l’espace méditerranéen
n’est pas un espace homogène du point de vue des langues. Les langues de la
rive nord de la Méditerranée sont pour la plupart d’origine indo-européenne mais elles ne sont pas toutes latines (le grec par exemple). Au sud,
les langues sont pour la plupart
d’origine chamito-sémitique (l’Arabe et l’Hébreu langue réinventée en
partie au XX° s). Cependant le Turc
n’appartient pas à ces deux familles de langues car il est d’origine ouralo-altaïque.
c) Des systèmes politiques différents.
Comme la
France, la Tunisie de Ben Ali et l’Egypte de Moubarak étaient des républiques. Comme l’Espagne, le Maroc
est une monarchie constitutionnelle.
Cependant, on ne peut pas dire que jusqu’à il y a peu, le pourtour méditerranéen ai été l’espace d’une démocratie
généralisée. Dans les prisons marocaines, algériennes, tunisiennes, libyennes
et égyptiennes sont enfermés ou ont été enfermés des opposants politiques. La
Turquie est certes une démocratie et
elle a fait des progrès dans le domaine des droits de l’homme.
Cependant, elle mène toujours une politique très dure vis-à-vis d’organisations
comme le Parti Communiste Turc ou le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan)
considéré comme une organisation terroriste. Les chutes récentes de Ben Ali (14
janvier 2011) et d’ Hosni Moubarak (11 février 2011), donnent l’espoir de
l’avènement de régimes plus justes en Afrique du Nord. Mais la situation en
Libye est plus incertaine…
d) Un espace de tensions géopolitiques.
En effet,
le soulèvement libyen (15 février 2011) n’a pas encore permis de faire tomber
le colonel Kadhafi, malgré l’intervention à partir du 19 mars 2011 d’une
coalition internationale sous mandat de l’ONU initiée par la France. Il faut savoir par ailleurs que ce n’est pas le seul point chaud de l’espace méditerranéen. Il y a et il y a eu des conflits internes liés à des revendications nationalistes : Corse,
Ex-Yougoslavie (Depuis 1991, dans la violence de plusieurs conflits, la
Yougoslavie a éclaté en 5 (accords de
Dayton (1995) : RFY (Serbie et Monténégro), Croatie, Slovénie,
Bosnie-Herzégovine, Macédoine) puis 6 (indépendance du Monténégro en 2006),
puis 7 Etats (proclamation d’indépendance du Kosovo en 2008). Au Sahara Occidental et à Chypre, les conflits liés à des revendications nationalistes sont
rendus encore plus complexes par l’implication
d’Etats voisins. En ce qui concerne le Sahara
occidental, cette ancienne colonie espagnole partagée entre le Maroc et la
Mauritanie fait l'objet d'un conflit entre le Front Polisario (mouvement pour l'indépendance soutenu par
l'Algérie), le Maroc et la Mauritanie. Chypre
est peuplée à 80% de grecs et à 17 % de turcs. L’île est déchirée, depuis 1974 en particulier, par l'affrontement
des communautés et par l'intervention des Etats
Turc et Grec. Depuis l'île est
partagée. Le règlement de la question chypriote est un préalable de
l'adhésion de la Turquie dans l'Union européenne. Au Proche Orient, il est possible d’évoquer le conflit israélo-palestinien (intervention de l’armée Israélienne à
Gaza fin 2008) et le Liban (deuxième
guerre du Liban en 2006). Il faut noter également l'existence de revendications frontalières entre la Libye,
la Tunisie, et l'Egypte. Enfin, l'eau
peut aujourd'hui être un enjeu de conflits. C'est le cas entre Israël, le Liban, et la Syrie au sujet
du contrôle des eaux, du Yarmouk, du
Jourdain et du plateau du Golan. Des tensions existent également entre la Turquie et la Syrie au sujet de
l'utilisation des eaux du Tigre et
surtout de l'Euphrate.
II …l’Union européenne et
les pays de la rive sud de la
Méditerranée sont en relation et tentent de coopérer.
a) Des flux migratoires
Ce sont essentiellement des flux
Sud-Nord. Ces flux traduisent la
recherche de meilleures conditions de vie dans le nord. Il s’agit donc
pour l’essentiel de migrations
économiques. On observe que les flux et les champs migratoires
traditionnels sont en cours de
recomposition. Par
exemple, la France qui accueillait traditionnellement une immigration en provenance
d’Afrique du Nord devient aussi un pays
de transit pour l’immigration à destination du Royaume-Uni malgré la fermeture du centre de Sangatte en 2002.
Les pays de la rive Sud de la Méditerranée comme le Maroc, la Tunisie ou la
Libye deviennent à leur tour des pays de
transit pour une immigration plus
lointaine en provenance des PMA de
l’Afrique sub-saharienne. Enfin, des
pays de départ comme l’Espagne ou l’Italie deviennent eux aussi des pays d’accueil. Sur le sujet de
l’immigration, les pays européens de l’espace Schengen ont signé des accords
avec le Maroc ou la Libye afin que ses pays renforcent les contrôles de
migrants pour placer les clandestins
dans des centres de transit. En contrepartie,
ces pays bénéficient de l’aide européenne. Ils essayent aussi de mettre
en place un codéveloppement pour réduire la pauvreté dans le pays du Sud.
Champ migratoire : zone d’origine
de la plupart des migrants que les
différents pays d’accueil attirent de façon privilégiée.
b) Des flux touristiques.
L’espace méditerranéen est un
important espace touristique. Il reçoit en effet 30% des touristes internationaux. Dans
l'espace méditerranéen, les principaux pôles sont les suivant : l'Espagne
méditerranéenne (46 millions de touristes/an) , la France méditerranéenne (17
millions), la Tunisie ( 4 millions) , le Maroc ( 2.2 millions). Mais attention, les flux touristiques dominants restent des flux nord/nord, même si les
flux Nord-Sud se développent compte
tenu de la proximité et de l’héliotropisme. Il convient de
remarquer que si le tourisme se développe ce n’est pas sans poser des problèmes pour l'environnement :
surexploitation et bétonnage des littoraux (Benidorm en Espagne) et concurrence
pour l'eau. En 2005, la Croatie a dû adopter des lois pour protéger son rivage
contre l’urbanisation massive. Il faut noter aussi que le tourisme est une activité aléatoire. Par exemple, la
fréquentation a baissé en Egypte après l’attentat perpétré au Caire en février
2009 dont une jeune touriste française fut la victime.
a) Les flux commerciaux et financiers.
Le trafic de marchandises est intense dans
l’espace méditerranéen. Ainsi 6000 navires transitent chaque jour entre
Suez et Gibraltar. Autre exemple, 60 % du pétrole importé en Europe transite
par la Méditerranée. Mais ces échanges
sont dissymétriques. Les flux
dominants sont des flux N-N. Les
flux N-S sont secondaires (les exportations des pays du nord méditerranéen
vers le sud représentent 4 % de leur activité commerciale) et les flux S-S ne représentent que 3 à 4 %
des échanges dans l'espace méditerranéen. La répartition des échanges est également inégale. Certes les pays de
l’Union européenne exportent essentiellement des produits manufacturés vers les
pays du pourtour méditerranéen mais les produits industriels sont aussi
majoritaires dans les exportations des pays du sud de la méditerranée. Il
s’agit d’ailleurs souvent de pays
ateliers qui bénéficient de délocalisations ou d‘activités de
sous-traitance. Renault vient d’installer une usine Logan au Maroc alors que ces
véhicules sont déjà produits en Roumanie et en Turquie. Les pays du Nord de la Méditerranée dépendent en partie
(27 % de leurs importations) des exportations énergétiques des pays du sud
(pétrole et gaz algériens et libyens). Mais les pays du Sud peuvent aussi dépendre d’exportations de produits
primaires en provenance du Nord. 80% des céréales consommées en Algérie
proviennent du Nord. L’Egypte dépend aussi des importations alimentaires en
provenance du nord. Marseille avec plus
de 100 millions de tonnes de marchandises échangées en 2006 est le premier port méditerranéen. Même si ils
ne sont pas les plus importants, les pays de la rive sud de la méditerranée
réalisent les deux-tiers de leurs échanges avec l’Union européenne.
Les investissements de l'UE vers les PSEM,
sont relativement faibles. Ils ne représentent que 5 % des IDE des pays de
l'UE. Mais, ils augmentent. Les pays du Sud de la méditerranée reçoivent 8
milliards d’euros de soutien de l’Union européenne pour la période (2007-2013)
Conclusion : L’espace
méditerranéen est animé par de nombreux flux mais ces flux sont profondément
dissymétriques.
b) Une
difficile intégration régionale.
Il n'existe pas d’organisation rassemblant l'ensemble
de pays de l'espace méditerranéen. Cependant, les relations entre l'UE et les
pays du pourtour méditerranéen (PPM) s’organisent. D’abord dans les années 80,
à l’initiative de François Mitterrand a été établi une instance de discussion
entre cinq pays de l’Union du Maghreb arabe (l’Algérie, la Libye, le Maroc, la
Mauritanie, la Tunisie) et cinq pays de l’Union européenne (l’Espagne, la
France, l’Italie, Malte et le Portugal). En
1995, la conférence de Barcelone, établit les bases d'une zone de libre échange dans la zone méditerranéenne. Des accords d'association sont signés avec le
Maroc, la Tunisie, Israël.
Prenant
acte de la mise au point-mort du
processus de Barcelone, Nicolas Sarkozy a proposé la mise en place d'une Union méditerranéenne. Cette
organisation aurait une dimension politique sans concurrencer les institutions
européennes. Elle devrait favoriser la coopération des 27 états européens avec 17
états du pourtour méditerranéen, dans les domaines de l'eau, de
l'environnement, du transport et de l'énergie.
PPM (pays Partenaires méditerranéens) : Pays méditerranéens qui sont liés à l'Union européenne par des
accords de partenariat et de coopération.
Conclusion : Les échanges entre
la rive nord et la rive sud de la méditerranée sont donc nombreux. On constate
même une situation d’interdépendance entre les pays partenaires européens. Des
instances et des accords cherchent à organiser ces relations et à renforcer la
coopération dans différents domaines. Mais ces échanges connaissent des limites
et les tentatives d’organisation régionale peuvent connaitre des temps
morts.
Bibliographie :
HAMOUR
F-N., L’espace méditerranéen, une interface nord-sud, zoom géo, Ellipses.
FOUCHER
M. (sd), Europe, Europes, La
documentation photographique, La documentation française, n°8074, mars-avril
2010.
Dernière mise à jour : 05/12