Titre : L'industrie aéronautique et spatiale française,
un système
productif intégré à plusieurs échelles
Comment
fonctionne le système productif aéronautique et spatial en France et en Europe
? Dans le domaine aéronautique la France court-elle le risque d'une
désindustrialisation ?
I Une intégration régionale ....
a)
Sur la base de
tissus industriels locaux ...
On constate qu'en France la
production aéronautique et spatiale se concentre sur trois pôles, l'Ile-de-France,
la région toulousaine et Bordeaux. Dans la métropole toulousaine, Airbus
emploie 27000 personnes et génère 85 000 emplois de sous-traitance. À Bordeaux, le secteur de l’aéronautique rassemble
actuellement 6 282 salariés. Dans ces deux villes, l'activité n'est pas
nouvelle. Elles sont toutes les deux riches d'un passé aéronautique de renom
avec des entrepris comme Dassault, Bréguet, Dewoitine ou encore Latécoère. Dès 1936, l'Etat a
cherché à contrôler et/ou concentrer ces entreprises dans le cadre de nationalisations ou de stratégies territoriales. C'est ainsi
par exemple qu'il a soutenu le développement de Sud-Aviation à Toulouse. Cela contribuait d'ailleurs à en faire une
métropole d'équilibre. Dans la
périphérie de la ville rose, les activités se concentrent autour des zones d'aménagement concerté (ZAC)
comme Aéroconstélation et Andromède.
Au total, en France, l'
aéronautique civile et militaire représente 300000 emplois directs et indirect
( 2017) Pour un chiffre d'affaire de 54
milliards d'euros ( 90% réalisés à l'export) . 3000 entreprises sous traitantes
accompagnent cette activité.
Nationalisation : opération par laquelle l'Etat prend le contrôle
d'une entreprise qui était privée à l'origine.
Métropole d'équilibre : expression utilisée dans les années 60-70 pour
désigner des villes qui devaient faire contrepoids à Paris dans le cadre de la
politique d'aménagement du territoire.
b)
....se sont
développées des logiques de production et de coopération européennes.
Très
vite, la nécessité de travailler dans le cadre de coopérations européennes s'est fait sentir. C'est ainsi, par
exemple qu'après avoir développé le Caravelle,
Sud-Aviation a travaillé avec British Aircraft
Corporation pour produire 20 Concordes
à partir de 1962. En 1971, est
créé Airbus industrie, un consortium
Franco-Allemand qui réunit les principales
entreprises du secteur. Progressivement d'autres entreprises européennes du secteur,
notamment espagnoles, se sont associées pour former en 2000 le groupe European Aeronatique Defense and Space(EADS). En
2014, ce regroupement devient tout simplement Airbus Group. Désormais, la production des avions se fait sur
plusieurs sites dispersés dans toute l'Europe. Les ailes sont
fabriquées au Royaume-Uni, le fuselage est fait en France, la cabine intérieure est réalisée
en Allemagne, l'essentiel de la queue en Espagne, Hambourg et Toulouse se
partagent l'assemblage des modèles. Cela implique une importante logistique de transport pour rassembler les éléments.
Chaque année 1200 rotations se font par avion avec le Beluga et 650 par bateau.
Dans
le domaine militaire, après le Rafale,
Dassault travaille aussi à l'échelle européenne comme pour la production de
l'avion de combat du futur baptisé système
aérien de combat du futur (SCAF) qui se fera avec les Allemands.
La
coopération européenne concerne aussi l'aérospatiale. En 1973 est crée le
programme de lanceurs européens Ariane. En 1975 est fondée l'Agence spatiale
européenne (ESA).
Consortium : regroupement d'entreprises.
c)
Elles peuvent
s'appuyer sur des réseaux régionaux d'entreprises efficaces.
Pour
donner un exemple, en 2010 est créé le pôle
de compétitivité à vocation mondiale Aerospace
Valley. L'idée de l'Etat est alors de s'associer
aux régions concernées pour favoriser le
travail en réseau des entreprises de
toutes tailles du secteur. Il s'agit également de renforcer les liens avec les établissements d'enseignement, de formation
et de recherche. L'espoir est de renforcer ainsi la compétitivité du territoire en favorisant les synergies et l'innovation.
Désormais,
dans le Grand Sud Ouest, Aerospace Valley représente
1 900 établissements, 146 000 emplois industriels, 8 500 chercheurs et 13000
étudiants. 59% des emplois sont localisés dans la zone Toulousaine. 13% autour
de Bordeaux. Mais concrètement sur le territoire, on voit se former également
des pôles secondaires comme la Mecanic valley
autour de Figeac où, à lui seul, Ratier représente 1200 emplois et 445 millions
d'euros de chiffre d'affaire. Pau et Tarbes sont deux autres exemples de pôles secondaires avec Turbomeca ou encore Daher -Socata
Réseau : ensemble des liens et/ou des infrastructures qui mettent en relation
de façon matérielle et immatérielle des territoires et des acteurs.
Pôles de compétitivité : un pôle de compétitivité est sur un territoire donné,
l’association d’entreprises, de centres de recherche et d’organismes de
formation, engagés dans une démarche partenariale (stratégie commune de
développement), destinée à dégager des synergies autour de projets innovants
conduits en commun en direction d’un (ou de) marché(s) donné(s).(source http://www.competitivite.gouv.fr)
II ....pour des logiques mondiales.
a)
Un contexte
très concurrentiel....
Le
secteur de l'aéronautique est un secteur très
concurrentiel. Cependant le nombre d'acteurs majeurs est finalement limité.
Le duopole Airbus/Boeing se livre à une concurrence
acharnée pour dominer le marché des gros porteurs civils. Par exemple en
2017, Airbus pouvait se flatter d'avoir un carnet de commandes pour 1109
appareils contre 912 pour Boeing. En 2018, Boeing passe devant Airbus avec 893
appareils contre 747 pour Airbus. Pour s'imposer, les deux avionneurs ont absorbé les concurrents de second plan.
Airbus a racheté la Cseries du groupe canadien
Bombardier. Boeing a pris le contrôle du secteur aviation civile du brésilien Embraer. Mais de nouveaux concurrents apparaissent. En mai
2017 l'avionneur chinois COMAC annonçait
le vol de son premier avion le C 919. Peu de temps après il annonçait la
commande 700 appareils de ce modèle.
Sur le marché des lanceurs
de satellites aussi la concurrence est redoutable. Le nombre d'Etats capables
de lancer des satellites augmente et des acteurs privés ont fait leur
apparition sur le marché comme Space-X du
milliardaire Elon Musk,
désormais deuxième lanceur mondial en 2018 .
b)
.....implique
des logiques de production désormais mondiales.
Désormais,
les stratégies de production se
définissent à l'échelle mondiale. Par exemple, Airbus a récemment intégré les Cseries
canadiens dans son catalogue en les baptisant A220. Ils sont donc assemblés au
Canada En 2015, le consortium européen a
également inauguré sa première chaine de
montage à Mobile en Alabama. Il s'agit de produire des éléments des A220 et des
A320 puis A319, et A 321.Il faut savoir aussi que des A 320 sont aussi produits
à Tianjin en Chine dans le cadre de l'accord conclut au moment de la commande.
c)
Mais les stratégies
adoptées peuvent susciter certaines inquiétudes.
Les
premières inquiétudes sont liées à des erreurs
de stratégie. Par exemple, le 4 février 2019, Airbus a décidé d'arrêter la
production de l'A380 à partir de 2021. Depuis 2001, il n'y a eu que 320 commandes alors que l'avionneur misait sur un marché de
1200 très gros porteurs sur 20 ans. Airbus annonce qu'il n'aura pas de
conséquences pour l'emploi dans le groupe. Mais des sous-traitants comme
Latécoère s'inquiètent de la rentabilité de leurs usines de Gimont, de
République Tchèque ou de Tunisie dans
ces conditions. Dans le Gers, l'Itinéraire
Grand Gabarit créé à cette occasion pour acheminer les éléments perd ainsi
sa vocation.
On
peut également s'interroger sur les conséquences sur l'emploi en France de la
montée en puissance des productions délocalisées
hors d'Europe Certes, la production d'avions nécessite un savoir-faire
particulier mais il n'est pas interdit que l'industrie aéronautique développe
les mêmes stratégies de production que les constructeurs automobiles français.
Aujourd'hui seule une voiture sur quatre de marque française est produite en
France. Cela peut inquiéter dans des régions comme la notre qui ont beaucoup
misé sur ce secteur sans être pour autant en situation de monoproduction.
Dernier point le transport
aérien est très polluant. Le mouvement de ceux qui décident de ne plus prendre
l'avion ne menace pas encore ce mode de transport. Mais les avionneurs
cherchent désormais à créer des avions plus économes en carburant et moins
polluants pour tenter de répondre aux nouvelles exigences.
Conclusion : il faut donc une approche à plusieurs échelles
pour comprendre le fonctionnement de l'industrie aérospatiale et aéronautique
en France. L'entreprise Airbus par exemple est intégrée dans des espaces de
production qui vont du local au mondial. Cela procure des avantages au groupe
dont l'expansion se poursuit. Mais cette intégration croissante ne va pas sans
susciter quelques interrogations comme le suggère le schéma suivant : schéma.
Auteur :
Nérée Manuel
Dernière mise à jour : 03/20