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Acteurs et enjeux de l'aménagement des territoires

               

 

Un aménagement est le résultat d’une modification volontaire de l’organisation de l’espace. Cette modification peut être le fait d’un ou plusieurs acteurs. On désigne alors comme acteur tout agent,  de l'individu à l'État et aux structures transnationales, en passant par l'entreprise, les collectivités locales et les associations,  susceptible d'avoir, directement ou indirectement, une action sur l'espace. Tout espace aménagé peut donc être considéré comme un territoire car il est le produit de la société qui l’occupe.  Les enjeux désignent l’ensemble des personnes,  des biens, des équipements, des éléments de l’environnement, des  activités sur lesquels un aménagement ou un aléa peut avoir des répercutions.

 

 

Territoire : espace produit, construit, habité, vécu et approprié  par une société.

 

Problématique : Quels sont les enjeux et les acteurs de l’aménagement du territoire ? Ces enjeux évoluent-ils ? Si oui, comment expliquer cette évolution ?  Entraîne-t-elle un changement d’échelle d’intervention entre le local et le niveau européen ? 

 

En réalité, il serait erroné de présenter le film de l’aménagement du territoire comme une succession de phases où les acteurs interviendraient les uns après les autres en disant des textes différents.  En réalité l’évolution du contexte, qu’il soit national ou européen, de croissance ou de crise, entraine une augmentation du nombre des intervenants ainsi que des problèmes à régler.

 

I L’Etat, acteur premier de l’aménagement du territoire…..

a)             …..Cherche à mieux répartir

 

Cet aspect de la politique d’aménagement du territoire apparaît très tôt. L’État cherche alors avant tout, par l’intermédiaire du Commissariat au plan et de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR-1963),  à réduire les inégalités entre les territoires. Pour l’un des ministres de la reconstruction et de l’urbanisme de l’époque, Eugène Claudius-Petit, l’aménagement du territoire c’est alors : « … la recherche, dans le cadre géographique de la France, d’une meilleure répartition des hommes en fonction des ressources naturelles et des activités économiques. » Cette politique passe par le découragement de certaines localisations d’activités industrielles (région parisienne)  et par la promotion de nouveaux lieux d’installation (primes). On note aussi la création d’espaces associés à différentes fonctions (des espaces touristiques- Languedoc Roussillon à partir de 1963, la côte landaise à partir de 1967,  des villes nouvelles -L’Isle d'Abeau, Vaudreuil, Etang de Berre, Villeneuve-d’Ascq, Cergy-Pontoise, Evry, Saint-Quentin en Yvelines, Marne-la-Vallée, Melun-Sénart,  des espaces industriels-Fos-sur-Mer). Des métropoles d’équilibre sont aussi définies pour faire contrepoids face à Paris (Lille-Roubaix-Tourcoing, Nancy-Metz, Strasbourg, Lyon-Grenoble-Saint-Etienne, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes-Saint-Nazaire puis Rennes, Clermont-Ferrand, Dijon, Nice).

 

b)             ....puis à réparer, 

 

La crise qui débute dans les années 70, met en difficulté un certain nombre de régions industrielles. La politique d’aménagement du territoire s’apparente alors à une démarche de réparation. En 1984 sont mis en place des pôles et zones de reconversion  (Valenciennois, bassin de la Sambre, Vallée de la Meuse, Pays Haut Lorrain, Nancy, Montluçon, Saint-Etienne, Decazeville, Carmaux et les zones industrialo-portuaires (ZIP) de La Ciotat, Saint-Nazaire, Dunkerque, Le Havre et Fos).

 

Conversion, reconversion : Transformation des activités d'un territoire en vue de son adaptation à un nouvel environnement économique, technologique, géopolitique.

 

c)              …et à protéger,

 

Le premier parc naturel national est celui de la Vanoise. Il a été créé en 1963. On en compte aujourd’hui 10 sur le territoire national. En  1975 est crée le conservatoire du littoral.  Il vise à protéger les terrains côtiers de l’exploitation et de l’urbanisation abusive.   Aujourd’hui,  il possède plus de 138800 ha sur 1200 km de côtes). Enfin, l’Etat joue désormais un rôle majeur dans la protection et ou la réintroduction de grands prédateurs dans les régions de montagne. Depuis des Parcs Naturels Régionaux ont été créés comme le PNR des Landes de Gascogne menacé semble-t-il par le projet de LGV.

 

 

d)            ….Quand sa prééminence est de plus en plus contestée.

 

En effet, l’Etat entend ne plus être le seul acteur de l’aménagement du territoire. Il met en avant ses capacités limitées par la dette, les demandes des élus locaux destinées à accroitre les compétences des collectivités territoriales et les axes fixes par l’Union européenne qui privilégie la région comme échelle d’intervention.

 

II  … permet le développement du rôle des collectivités territoriales.

a)             …avec la décentralisation. ..

 

A partir de 1982, la France s’engage dans une politique  de décentralisation. L’Etat vise à transférer plus de pouvoirs aux collectivités territoriales. Les régions sont dotées d'instances gouvernementales et de plus de pouvoirs. Ainsi, par exemple,  le pouvoir des régions est accru (rôle de réflexion et d'impulsion en matière de planification). Elles peuvent négocier avec l'Etat et obtenir des fonds de l'Union européenne.

 

Décentralisation : transfert de pouvoirs du centre vers les échelons infra nationaux  du suffrage universel.

Collectivités territoriales : en France, différentes divisions administratives en dessous de l’Etat

 

b)             …qui étend les compétences de chacune des collectivités,

 

Désormais les compétences des collectivités territoriales se définissent de la façon suivante :

Les 35460 communes sont chargées de l’enseignement primaire (équipement), de l’action sociale, de l’animation économique, de la culture, des sports et loisirs. Pour organiser à l’avance le territoire communal elles établissent un Plan local d’urbanisme (PLU).

Les 101 départements ( Mayotte) s’occupent d’action sociale en direction des personnes âgées, des handicapés, de la petite enfance, de l’insertion par l’emploi, des collèges (équipement), des routes (transfert de certaines portions de nationales). Elles peuvent éventuellement mettre en place un Agenda 21 en faveur de l’environnement et du développement durable.

Les régions interviennent dans les domaines du  développement économique  et la formation professionnelle. Elles peuvent gérer de grandes infrastructures, et les transports (TER). Elles équipent également les lycées. Elles peuvent anticiper sur l’avenir en établissant en collaboration avec les associations, forces économiques et politiques de la région un schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT). Elles signent avec l’Etat des contrats de plan qui permette sur 5 ans de définir et financer les projets prioritaires.

 

c)             …quitte à susciter un débat sur leur empilement.

 

On le voit à des niveaux différents, les différentes collectivités territoriales interviennent parfois dans les mêmes domaines (action sociale, éducation, formation, développement économique). Aussi certains se demandent-ils s’il n’y a pas une échelle d’intervention en trop. Le département fait l’objet des plus vives attaques,  car sa  taille est considérée comme trop modeste.  Il n’empêche que ces collectivités, pour certaines anciennes (communes, départements), ont l’avantage de reposer sur un mode de désignation démocratique. Les maires, les présidents et différents conseillers sont élus au suffrage universel. Au final, les départements ont été conservés mais le nombre de régions métropolitaines est passé de 22 à 13 en 2015. Désormais, Midi-Pyrénées et le Languedoc-Roussillon forment l'Occitanie-Pyrénées Méditerranée). Après un certain nombre de regroupements , le nombre de communes est passé en 2015 sous la barre des 36000.

 

III Désormais, l’aménagement des territoires s’inscrit dans un contexte européen….

a)             Avec  la mise en place d’un outil de projet.

 

Pour planifier l’aménagement  du territoire, l’Union européenne s’est dotée d’un Schéma de Développement  de l'Espace Communautaire (SDEC). Celui-ci préconise une approche polycentrique articulée autour de plusieurs centres de gravité. Elle vise à assurer une parité d'accès aux infrastructures et au savoir et promeut un développement durable.

 

a)             Le développement de l’aide régionale.

 

Depuis 1975, le Fonds européen de développement régional (FEDER) s'occupait  des régions en retard de développement «objectif 1»  ou les régions industrielles en difficulté «objectif 2». Désormais, ses priorités sont les suivantes : la convergence (rattrapage du retard de certaines régions), la compétitivité et l’emploi et la coopération territoriale. 

 

 

b)             La promotion des grandes régions et des coopérations transfrontalières.

 

La politique d'aménagement européenne s'adresse à des territoires et non à un territoire. Elle encourage l'ouverture des frontières nationales et la coopération entre régions (regio trirhena ou Regio Basiliensis Bâle-Mulhouse-Fribourg) afin de créer des régions fortes (Interreg, mise en place des eurorégions-eurorégion Pyrénées-Méditerranée). C'est pour elle l'échelon pertinent de l'aménagement et du développement. L’Union européenne cherche par ailleurs à faire coopérer les métropoles dans le cadre de réseaux.

 

Interreg : fonds destiné à promouvoir la coopération entre régions européennes.

 

Eurorégions : organisme de coopération transfrontalière de plusieurs régions appartenant à des Etats différents en Europe.

 

c)             Un problème de continuité dans l’articulation entre politiques européennes et régionales.

Seulement cette politique d’aménagement à dominante régionale vue de Bruxelles est confrontée à plusieurs problèmes. D’abord, elle vise à faire coopérer des régions de part et d’autre des frontières. Cependant le plus souvent, ces institutions n’ont pas, d’un pays à l’autre, le même poids économique et politique. Les capacités de la généralité de Catalogne sont largement supérieures à celles de la région Midi-Pyrénées. Ensuite, cette politique a changé de priorités avec l’élargissement de l’Union européenne. Avec  l’aide aux régions en difficulté des anciennes démocraties populaires, certaines régions de l’ouest craignent d’être désormais délaissées.

 

 

IV ……..et mondial avec la multiplication des territoires de projet et des partenariats public-privé.

a)             Désormais, l’aménagement du territoire prétend concilier attractivité et compétitivité des territoires….

 

En 2005, la DATAR devient la DIACT, Délégation Interministérielle à l'Aménagement et à la Compétitivité des Territoires. Le décret qui définit ses missions ajoute à celle de la cohésion territoriale : « [le développement des] partenariats et les synergies avec les acteurs de l'aménagement du territoire : collectivités territoriales au premier chef, entreprises, associations, en utilisant la voie contractuelle et l'incitation ». Depuis 2009, elle a repris son nom mais sa mission reste inchangée. L’Etat cherche donc plutôt à orienter plutôt qu’à réaliser : « faire faire » plutôt que « faire ». Il se positionne en tant que stratège territorial.

 

b)             … en promouvant l’intercommunalité et les pays…

 

Commencé en 1984 avec la loi sur les Syndicats intercommunaux,  le regroupement de communes est encouragé à partir des années 90. La loi Chevènement (1999) a permet la formation  d'Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI : communautés de communes, communautés d'agglomération, communautés urbaines). Les EPCI peuvent alors percevoir une taxe professionnelle unique (TPU). Les intercommunalités peuvent également établir un Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) pour anticiper sur l’aménagement des territoires. Actuellement, 90% du territoire relève de structures intercommunales.

Dans les années 90 également (La loi de 1995 a été modifiée en 1999), on accepte l’idée que des territoires cohérents fonctionnant comme des bassins de vie puissent s’organiser en pays. Par ailleurs, la réforme territoriale de 2010, autorise la fusion de communes et permet la création de  métropoles de plus de 500 000 habitants avec des compétences qui jusqu’alors étaient celles des départements et des régions.

 

Cette politique met en avant l’avantage qu’il y aurait à s’appuyer sur des acteurs de proximité, connaisseurs des enjeux locaux. Elle évoque également les synergies, les économies qui résulteraient de cette coopération. Elle cherche également à développer les partenariats avec le secteur privé.

 

c)             …et en développant les partenariats public-privé.

Aujourd’hui, un peu sur le modèle italien des systèmes productifs locaux ou sur celui américain des clusters, la tendance est au soutien des pôles de compétitivité spécialisés (71 en France dont 7 mondiaux)  et des districts industriels où coopèrent acteurs publics et privés. Par ailleurs, l'Etat développe des partenariats public-privé (PPP). Par exemple, une portion de la  LGV Paris-Bordeaux a été confiée à un consortium privé constitué  autour de l'entreprise Vinci. La SNCF paie 7000 € par passage à la société qui elle a pris en charge l'essentiel des travaux.

 

Pôles de compétitivité : un pôle de compétitivité est sur un territoire donné, l’association d’entreprises, de centres de recherche et d’organismes de formation, engagés dans une démarche partenariale (stratégie commune de développement), destinée à dégager des synergies autour de projets innovants conduits en commun en direction d’un (ou de) marché(s) donné(s).(sourcehttp://www.competitivite.gouv.fr)

 

Clusters : sur un territoire relativement limité (vallée ou périphérie d’une ville par exemple), où s’est formée une grappe d’entreprises et d’établissements ayant développé dans un domaine réclamant un important savoir-faire des liens de complémentarité et/ou de coopération. 

Partenariat public-privé : forme de contrat par lequel l'Etat confie le financement et la gestion d'un équipement nécessaire au service public à une entreprise privée. En contrepartie, le prestataire privé peut être rémunéré par l'Etat, les collectivités territoriales ou les usagers.

 

d)            Non sans susciter quelques interrogations.

 

Le premier problème posé est politique. Avec l’importance croissante de l’Union européenne et de l’intercommunalité émergent des instances de gouvernance  gérées par des responsables désignés pour cette tâche mais non élus directement par les citoyens. Depuis 2014, le conseil des communautés de communes est élu au suffrage universel direct dans la plupart des intercommunalités.

La deuxième interrogation concerne les conséquences territoriales du nouvel aménagement des territoires. Malgré la mise en avant du principe de cohésion territoriale, la volonté d’augmenter  l’attractivité et la compétitivité de certains pôles risque de renforcer les territoires les mieux armés et de renforcer certains enclavements. La métropolisation favorisée par cette nouvelle politique d'aménagement des territoires risque d’accentuer les disparités entre villes et campagnes, entre régions dynamiques et bien insérées dans les flux et les transports et les autres, les périphéries délaissées ou exploitées. La disparition de certains services publics dans les campagnes (postes, écoles primaires) est peut-être la traduction de ce changement de priorités. Certaines métropoles craignent même une forme de ré-enclavement en restant à l'écart des lignes grande vitesse. Il y aurait les gagnants et les perdants de la compétitivité territoriale.

 

 

Conclusion :

 

Le nombre d’acteurs responsables en matière d’aménagement des territoires a donc connu un accroissement remarquable. A l’Etat s’ajoutent et se substituent parfois les communes, les intercommunalités, les départements, les régions, et l’Union européenne.  Il s’agit d’abord de réduire les inégalités en matière de développement et de répartition des activités et des infrastructures. Mais la crise rend nécessaire l’intervention de l’Etat et de l’Union européenne pour la reconversion des régions en difficultés. La mondialisation et l’intégration européenne mettent les territoires en compétition. Pour renforcer  l’attractivité des territoires, on développe les territoires de projet et les partenariats avec le secteur privé. Désormais l’approche est plutôt polycentrique et réticulaire (en réseau). On préfère parler d’aménagement des territoires que d’aménagement du territoire. Le risque est de voir se rompre, malgré toutes les annonces, les solidarités territoriales. 

 

Schéma :

 

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Auteur : Nérée Manuel

 

Bibliographie :

BORNE D., SCHEIBLING J., Le territoire français, permanences et mutations, Hachette Sup., 2003.

LINGER S., Formation SAFCO. 

GUIGOU Jean-Louis, Aménager la France de 2020, DATAR, 2002.

Historiens et Géographes, n° 373.

RENARD . J, RIALLAND-JUIN C., Le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes : les rebonds d’un aménagement conflictuel, Géoconfluence, 04/02/2013. http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/territ/FranceMut/FranceMutDoc17.htm

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/tgv-sud-ouest-un-debat-d2019amenagement-du-territoire

https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2013-1-page-95.htm

http://www.occitanie-tribune.com/articles/2999/occitanie-lgv-bordeaux-toulouse-carole-delga-contre-la-fracture-territoriale/

 

 

 

 

Dernière mise à jour : 09-18

 

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