1 L, ES et S
Définir l’Europe
Cette année (2010), Istanbul est la capitale
européenne de la culture, mais si en 2005, un sondage [eurobaromètre63]
établissait que pour 55% des européens,
la Turquie appartenait géographiquement à l’Europe, il apparaît que pour 42 %
d’entre eux, elle partage avec l’Europe une Histoire commune mais elle en est
trop éloignée par sa culture pour 54%. Les enjeux de l’adhésion de la Turquie à
l’Union européenne apparaissent clairement dans cette enquête. Mais cette
interrogation révèle que pour trancher, il convient de régler un préalable
celui de la définition de l’Europe.
Problématique : Comment définir
l’Europe ? Peut-on la considérer comme un ensemble culturel homogène
inscrit dans un continent aux contours bien définis ?
I Les difficultés d’une définition selon les
principes de la géographie physique.
Sur les 510 millions de km2 de surface
terrestre, la terre ferme n’occupe que 149 millions de Km2.
Problématique :
Que représente l’Europe dans
cet ensemble de terres émergées ? L’Europe est-elle un continent ?
a)
l’Europe et le continent.
Le continent est une très vaste
étendue de terre entourée d’océans. On considère en général que la terre compte
5 continents ( Europe, Asie, Afrique, Amérique, et
Océanie). Mais seuls l’Eurasie, l’Afrique et l’Antarctique correspondent
parfaitement à cette définition.
L’Europe n’est pas un continent. C’est une
péninsule du bloc continental eurasiatique.
Péninsule : il
s’agit d’une presqu’île de grande étendue.
b) les limites de l’Europe.
Elles sont difficiles à déterminer. Des
territoires posent problème.
Au nord, il s’agit des terres de l’Arctique ( Spitzberg ( Norvège) , Groenland (Territoire autonome
rattaché au Danemark)) éloignées de la terre ferme mais possédant des liens
politiques et historiques forts avec l’Europe.
Au sud, les territoires espagnols de Ceuta et
Melilla sont des enclaves européennes sur le territoire africain.
A l’ouest, les îles comme l’Islande, les
Açores, les Canaries (Espagne depuis 1475) , et Madère
( Portugal).
La limite Est est
la plus problématique. On a longtemps admis que l’Europe s’étendait jusqu’aux
monts Oural et au Caucase au Sud. Mais la Russie s’étend de part et d’autre de
l’Oural en Europe et en Asie après les conquêtes menées en particulier sous
Pierre Le Grand au 18ème siècle.
Remarque, certains géographes d’Europe occidentale ont, un temps, contesté
l’appartenance du Caucase à l’Europe car cela faisait du Mont Elbrouz 5633m, le
point culminant du continent au détriment du Mont Blanc (4 808,75).
Les contours de l’Europe sont flous. Il
existe donc plusieurs visions de l’Europe. Par exemple, dans la carte définie
par Isidore de Séville en 623 , elle est semble-t-il
délimitée par le Dniepr ou le Don à l’Est. Bien plus tard Vassili Tatichtchev, géographe de Pierre le Grand puis le général
De Gaulle, ont arrêté l’Europe à l’Oural.
c) une définition conventionnelle de
l’Europe.
On admet cependant que l’Europe s’étend de
l’Atlantique à l’Oural et qu’elle est comprise entre la Méditerranée, le mer
Noire, la mer Caspienne et l’Océan Glacial Arctique. Son étendue est d’environ
10 392 855 km2 .
L’Europe serait donc le plus petit des
continents si on admettait qu’elle en était un.
d) l’absence d’unité bioclimatique.
Si à l’exception des régions les plus septentrionales,
l’Europe appartient à la zone tempérée.
On observe une grande variété de milieux en Europe.
Milieu naturel:
ensemble des éléments de la nature ( climat, eaux,
pentes, formations végétales, etc) présents et
associés en un lieu.
Du point de vue du relief, l’Europe est
divisée en trois ensembles plus ou mois parallèles.
Au nord, on trouve la moyenne montagne qui
correspond souvent à un socle ancien.
Au sud, on trouve une Europe alpine plissée
et souvent caractérisée par de hautes altitudes.
Chaîne plissées :
montagnes de formation récente soulevées et plissées par les mouvements de
l’écorce terrestre. ( Pyrénées, Alpes, Carpates,
Apennins). Elles sont souvent constituées de roches cristallines(
granite) et de roches sédimentaires ( calcaire) .
Au centre, on trouve des plaines ( bassin parisien, bassin aquitain, grande plaine d’Europe
du nord), des massifs hercyniens ( Massif Central, Massif armoricain, Ardennes)
très anciens, fortement érodés et constitués parfois en plateaux.
Le climat, lui aussi est varié. A l’exception
du nord, les climats sont tempérés.
Au nord, on trouve un climat polaire froid
toute l’année. Au sud, le climat est méditerranéen. Les étés sont chauds et
secs, les hivers sont plutôt doux. Les maxima de précipitation correspondent à
l’automne et au printemps.
Au centre, il y a une graduation d’ouest en
est. A l’ouest, le climat est océanique, c’est à dire humide et doux, soumis à
l’influence maritime. A l’est, s’étend le climat continental caractérisé par de
fortes amplitudes thermiques, des hivers froids et enneigés, des étés chauds et
orageux.
Amplitude thermique :
différence entre la température du mois le plus chaud et la température du mois
le plus froid.
Ces climats déterminent des formations
végétales spécifiques si bien qu’on peut effectivement parler de diversité des
milieux bioclimatiques.
Il n’y a donc pas d’unité bioclimatique en
Europe.
Conclusion :
Paradoxalement, l’Europe surnommée « vieux continent » est un espace
géographique difficile à définir. Existe-t-il alors une définition culturelle
de l’Europe ?
Voir une représentation schématique des
milieux européens.
II Une définition culturelle de l’Europe.
La carte culturelle de l’Europe fait
apparaître une certaine diversité :
a) diversité linguistique.
En ce qui concerne les langues, on compte aun total 43 langues
principales et on distingue trois groupes linguistiques différents.
Les langues germaniques se trouvent
essentiellement au nord-est, les langues romanes dominent au sud-ouest. A
l’est, on trouve essentiellement des langues slaves. Mais, il existe également
de nombreuses minorités linguistiques : basque, celte, magyar, turc.
Cependant, les linguistes s’accordent à
trouver à ces langues une origine commune.
La plupart de ces langues ont une racine indoeuropéenne.
Indo- européen :
peuple ancien au sujet duquel sont développées deux théories.
Pour la théorie classique, Il s'agirait de
peuples guerriers, semi-nomades, originaires d’Asie centrale au nord de la mer
noire. Leur société aurait été très hiérarchisée dominée par le chef de famille
(le pater familias en latin). Ces peuples auraient “rencontré” les peuples dits
de la “vieille Europe” entre 4000 et 3000 avant JC.
Pour la théorie nouvelle, les indo-européens
viendraient du sud de la mer noire. Leur civilisation liée au développement de
l’agriculture, et leur population se seraient lentement étendues jusqu’à
toucher l’Europe vers 7000 ans avant JC.
Si l'on prend les mots les plus fondamentaux
de toute civilisation, à savoir les vocables qui désignent les relations de
parenté, on peut constater que [mère] se disait mater en latin, d'où it. et esp. madre, fr. mère, mêtêr en grec, matar en sanskrit, motar en
gotique, d'où all. Mutter, angl. mother,
mathir en vieil irlandais, modir
en islandais, macer en tokharien, mayr
en arménien.
b) Diversité religieuse.
D’un point de vue religieux, le christianisme
domine en Europe malgré l’existence d’un islam autochtone dans les balkans. Cependant, il faut faire deux remarques à ce stade
de l’exposé.
D’abord,
le christianisme est divisé. En 1054, un schisme divise
la chrétienté entre d’une part l’église orthodoxe et l’église catholique.
Enfin, en 1517, le moine Luther publie ses thèses à l’origine de la réforme et
du protestantisme. L’Europe du sud-ouest
est essentiellement catholique. L’Europe du nord est à dominante protestante.
La religion orthodoxe s’est imposée à l’Est.
Cependant cette diversité ne doit pas faire
ignorer l’héritage commun partagé par les européens. L’Europe fut en effet
soumise à des influences majeures. Les grecs ont largement diffusé leur
civilisation. Les romains furent souvent les vecteurs de cette diffusion dans
un empire qui embrassa quasiment toute l’Europe. Cette extension facilita
également la diffusion du christianisme à partir du moment où il devint
religion tolérée puis officielle. Les
influences byzantines et musulmanes marquèrent largement l’Europe méridionale
jusqu’à la fin du Moyen-âge.
L’identité européenne est donc le résultat
d’une construction historique.
c) des valeurs et des références communes.
Les européens partagent également des
références communes, parmi lesquelles on compte un certain nombre de valeurs.
Les européens sont attachés à la démocratie, les droits de l’homme et le droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ils en ont même fait des critères
d’adhésion à l’Union européenne.
Dans le domaine économique, c’est d’abord en
Europe que fut amorcé le processus d’industrialisation. L’Europe est également le berceau du libéralisme
économique comme du marxisme et du socialisme.
Il existe donc tout de même une identité européenne. Au final, en 2007,
67% des Européens considéraient que les pays d’Europe ont beaucoup en commun
sur le plan culturel et sur le plan des valeurs ( paix,
tolérance, liberté d’opinion, respect de la nature et de l’
Conclusion :
L’Europe est donc une entité difficile à définir. Du point de vue de la
géographie physique, elle ne correspond pas à la définition d’un continent, ses
contours sont flous et elle ne présente pas d’uniformité bioclimatique. D’un
point de vue culturel, on constate que l’Europe rassemble une multitude
d’identités. C’est la raison pour laquelle
pour jacques Lévy , l'Europe est avant tout un
problème géographique. Les Européens sont cependant réunis autour de valeurs et
de références communes. C’est peut-être cette vision de l’Europe qui permet de
construire une Union européenne. Pour Michel Foucher, l’Europe apparaît donc
comme un espace conventionnel ( Europe géographique) ,
une Union dotée d’institutions, une civilisation multiséculaire , un idéal ou
une utopie politique, un projet géopolitique. Finalement, l’Europe est
peut-être avant tout, un mouvement un processus. Ainsi le conseil européen de
Lisbonne la définissait ainsi « Le terme « européen » associe
des éléments géographiques, historiques, et culturels qui, tous contribuent à
l’identité européenne. Un tel partage d’idées, de valeurs et de liens
historiques ne peut être condensé en une formule définitive. Il est au
contraire redéfini par chaque génération successive ».
Bibliographie :
Jacques
Lévy , L'Europe , une géographie, Hachette
Supérieur, 1997 .
Zrinscak
G. L’Europe médiane, La documentation photographique, 1999
Barrot J., Elissalde
B., Roques G., Europe, Europes, espace en
recomposition, Vuibert,
1995
FOUCHER M. (sd),
Europe, Europes, La documentation photographique, La
documentation française, n°8074, mars-avril 2010.
Dernière
mise à jour : 09/10
Tous
les documents et les écrits de ce site internet sont produits par Manuel Nérée.
Ils sont mis à la disposition de tous sous un contrat Creative
Commons.