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Titre : La population active, reflet des bouleversements économiques et sociaux : l’exemple

de la France depuis les années 1850.

 

La population active est une expression qui désigne l’ensemble des personnes ayant un emploi ou à la recherche d’un emploi. Pour la décrire, on peut utiliser la classification de Clark qui distingue le secteur primaire des secteurs secondaire ou tertiaire. Mais on peut aussi utiliser d’autres critères pour présenter ses composantes. On peut s’intéresser ainsi à la place des femmes dans la population active ou à celle des travailleurs issus de l’immigration.

 

Quelles sont ces transformations ? Sont-elles le reflet des bouleversements économiques et sociaux traversés par la France pendant cette période ?

 

 

Société : ensemble d'individus vivant en groupe organisé.

Population active : ensemble des personnes ayant un emploi ou à la recherche d'un emploi.

 

 

I La société industrielle issue des transformations des modes de production (1850-1945)…

 

 

« La classe bourgeoise et la clase ouvrière sont les filles  d’un même monde moderne, d’un même système de production et  de pensée » Jean Jaurès , Pour la laïque, 1910

 

a)     ….permet le développement du monde ouvrier.

La croissance rapide des effectifs ouvriers est une des caractéristiques fondamentales de la société aux 19ème -20ème siècles. C'est la conséquence de l'industrialisation.  Ainsi en 1914, les ouvriers représentent 35 % de la population active en France. Un exode rural accompagne cette évolution. Les conditions de travail varient d'une catégorie d'ouvriers à une autre, mais pour beaucoup les journées sont longues (12 à 15 heures en 1850), les accidents du travail sont nombreux. Dans ce contexte, l’économiste et philosophe Karl Marx pense que la société et son histoire ont toujours été animées par une lutte des classes qui doit se solder à la suite d’une révolution par la prise de pouvoir par les ouvriers dans le cadre de la dictature du prolétariat. D’une manière générale, les socialismes souhaitent l’amélioration du sort des ouvriers. 

 

Exode rural (m) : émigration de la campagne vers les villes.

Prolétariat : terme utilisé par Karl Marx pour désigner ceux dont la seule richesse est la force de travail. Le terme désigne les ouvriers, plus spécifiquement, les ouvriers d'usine.

 

b)     Tandis que se maintient l’importance de la main d’œuvre agricole…

En France, la paysannerie reste longtemps importante. Par exemple, en 1866, les travailleurs de l'industrie ne représentaient que 27,9 % de la population active. Ce n'est qu'après la Belle Epoque, au tournat des 19me et 20ème siècles, que la population citadine l'emporte sur la population rurale. Les travaux récents comme certains aspects du  témoignage de Georges Navel (Travaux) démontrent combien les liens entre monde ouvrier et monde paysan restent forts pendant longtemps.

 

c)     , que les femmes, les enfants  travaillent…

 

Contrairement à certaines idées reçues, les femmes sont déjà nombreuses à travailler au 19ème siècle. Avant la première guerre mondiale, elles représentent déjà, un tiers d’une population de 21 millions d’actifs. Leurs salaires sont déjà largement inférieurs à ceux des hommes et même dans le milieu syndical, les réticences à voir travailler les mères de familles sont fortes. Cependant, les besoins de l’industrie sont importants. On emploie même des enfants. Dès 8 ans jusqu’à ce que la loi de 1874 fasse passer l’âge légal à 12 ans.

On observe une évolution avec la première guerre mondiale. On retient de ce conflit l’image des 430000 munitionnettes en1918. Mais la véritable nouveauté, c’est de voir les femmes investir les services, souvent domaines réservés des hommes (transports, poste et télégraphe).

 

d)     et que l’économie française a déjà, pour différentes raisons, besoin de main d’œuvre étrangère.

 

Fin 19ème-début 20ème,, l’économie française accueille également des flux de main d’œuvre étrangère en provenance de Belgique, d’Italie, de Pologne ou d’autres pays du continent. Le quartier des Homps près de Carmaux a longtemps gardé la réputation d’être une cité  polonaise. En 1893, les ouvriers italiens de marais salants d’Aigues-Mortes en concurrence avec des saisonniers français venant des « montagnes » sont victimes de massacres (une dizaine de morts).

La première guerre mondiale a également eu des conséquences sur les flux migratoires puisque les étrangers ont remplacé dans les campagnes, les travailleurs morts pendant le conflit. C’est ainsi que se sont développées les premières communautés italiennes dans le département du Gers.

 

II …..culmine légèrement modifiée au moment des trente glorieuses (1947-1973).

 

a)     Le secteur secondaire occupe une part majeure de la population active …

 

C’est pendant les trente glorieuses que la part de population active occupée par l’industrie est la plus importante. Ainsi en 1960,  la part de l’emploi dans ce secteur est de 39% (BTP compris). Cela correspond à l’apogée du système fordiste (1973). La figure classique de l’ouvrier est alors celle de l’OS : l’ouvrier ou l’ouvrière spécialisé(e).

 

OS (ouvrier spécialisés) : désigne en réalité des ouvriers peu qualifiés du système fordiste.

Secteur primaireensemble des activités économiques productrices de matières premières (agriculture, exploitations minières)

Secteur secondaire : ensemble des activités économiques de transformation des matières premières en biens productifs ou en biens de consommation (industrie)

Secteur tertiaireensemble des activités productrices de services.

 

b)     ….alors que le secteur primaire décline…

 

En 1960, la part des actifs occupés dans l’agriculture ne représente plus que 20% de la population active. On assiste alors à la désertification de certaines campagnes. Les jeunes partent en ville étudier et trouver un  emploi.

 

c)     ….et qu’un début de tertiarisation s’amorce

 

C’est souvent vers les emplois tertiaires notamment du secteur public qu’ils se dirigent. La part d’actifs dans le tertiaire est déjà alors de 41%.

 

d)     Dans ce contexte le travail des femmes se développe…

 

Certes, le développement du travail féminin accompagne la tertiarisation de l’économie mais Il ne faudrait pas le réduire à ce seul phénomène. Les grèves ouvrières de la fin des années 60 et du début des années 70 en témoignent. Au-delà des encouragements étatiques, Citroën s’implante aussi dans l’ouest de la France à la recherche d’une main d’œuvre féminine bon marché. En 1960, le taux d’activité des femmes de 25 à 49 ans est de 39,9%. Il faut dire que  la législation émancipe progressivement les femmes. En 1965, elles ont le droit de travailler sans l'accord de leur mari et de disposer librement de leur salaire (ouverture d’un compte en banque par exemple).

 

e)     …et l’industrie va chercher dans les colonies et les anciennes colonies la main d’œuvre dont elle a besoin.

 

Avant la décolonisation, les maghrébins et les ressortissants d’Afrique subsaharienne complètent la main d’œuvre française. Le 17 octobre 1961, dans le contexte de la guerre d’Algérie, une manifestation d’Algériens est brutalement réprimée par la police de Maurice Papon (entre 3 et 150 morts selon les estimations).

 

Par la suite, la France a maintenu ses relations avec les anciennes colonies et signe, par exemple, en 1964 une convention avec le Maroc pour permettre l’arrivée en France d’ouvriers marocains. Peugeot envoie des émissaires en Algérie pour recruter.

 

 C’est l’époque où les bidonvilles (première mention du mot à Casablanca dans les années 30) de Nanterre et d’ailleurs sont peuplés de travailleurs maghrébins, portugais, espagnols ou italiens. Les ensembles collectifs sont alors destinés à une autre population : les classes moyennes.

 

III Avant la mise en place d’une société postindustrielle où dominerait le tertiaire (1973-nos jours)

 

a)     Une montée du chômage dans un contexte de crise économique.

 

Dans le contexte de la crise, la proportion de personnes sans emploi a augmenté. Le taux de chômage oscille en France  depuis les années 80 autour de 9%. Il dépasse aujourd'hui les 10% (10,3%-2015). Il touche en particulier, les jeunes, les femmes, les travailleurs les moins qualifiés et les immigrés. On observe d’une manière générale une hausse de la précarité de l’emploi. Les contrats à durée déterminée (CDD) sont de plus en plus courants.

 

b)     Une raréfaction de la figure de l’OS  dans un contexte de crise du modèle de production.

 

Dans le secteur secondaire, il convient de noter qu’une catégorie d’ouvriers tend à disparaître avec le développement du toyotisme, la flexibilité et la qualification croissantes exigées des salariés. Il s’agit de l’OS. Les ouvriers spécialisés sont de moins en moins nombreux avec la remise en cause du modèle fordiste.

 

 

Toyotisme : mode de production basé sur l'automatisation, l'intéressement des salariés, le développement de la qualité et une production déterminée par la demande. Le toyotisme applique le principe des cinq zéros c'est-à-dire : Zéro panne, Zéro défaut, Zéro papier, Zéro délai, Zéro stock.

 

Fordismerappel : mode de production basé sur la standardisation, la rationalisation de la production (OST-Taylorisme) et une rémunération destinée à intéresser les salariés et en faire des clients.

 

 

c)     D’une manière plus générale, une tertiarisation avérée de la population active.

 

La structure de la population active est modifiée. La proportion d'actifs dans le secteur primaire ne cesse de baisser (3 % de la population active-2009). La part des ouvriers dans la population active a diminué (22% de la population active-2009). Par contre, la part des actifs dans le secteur tertiaire poursuit sa progression constante (75% de la population active-2009). On assiste donc à une tertiarisation de la société et de l'économie. Dans ce domaine, on observe également un recul du travail indépendant et à une généralisation du salariat. Certains observateurs parlent donc désormais de sociétés postindustrielles (Daniel Bell, Alain Touraine).

 

Société postindustrielle : société caractérisée par l’importance du secteur tertiaire dans un contexte de développement de l’économie  de la connaissance, de l’information et de la communication.

 

 

d)     Ainsi que sa féminisation

 

Le développement du travail des femmes se poursuit. Désormais, elles représentent 46,2 % de la population active (taux de féminisation). Leur taux d'activité est de 66 % contre 74,9 % pour les hommes. Cette évolution traduit celle des mentalités qui ont largement progressé depuis 1945. Cependant, il est à noter qu’en 2016, des inégalités profondes persistent entre hommes et femmes sur le marché de l’emploi. Le salaire annuel moyen brut des femmes est inférieur de plus de 19 % (2013)à celui des hommes dans le secteur privé et semi-public.

 

Taux de féminisation des emplois Le taux de féminisation des emplois, pour une classe d'emplois, est la part des emplois de cette classe qui sont occupés par des femmes (INSEE)

 

 

a)     Alors que la France limite désormais les flux de travailleurs étrangers après les avoir longtemps sollicité.

 

Dans le contexte de crise économique, la France décide en 1974, de fermer ses frontières aux flux de travailleurs étrangers et de n’accepter que les regroupements familiaux. Il existe  toujours des arrivées légales et des situations de clandestinité, mais la part des personnes d’origine étrangère dans la population tend donc à se maintenir autour de 10,5 % contrairement au sentiment d’augmentation qu’exploitent ceux qui considèrent que l’immigration est responsable des difficultés sociales du pays.

 

Conclusion : La population active française a donc largement évolué dans ses composantes. C’est la part de la population dans l’agriculture qui n’a eu de cesse de diminuer. La part de la population dans le secteur secondaire connaît son apogée dans les années 70 avant de laisser libre court à un processus de tertiarisation qui caractérise pour beaucoup la mise en place d’une société post-industrielle. Ces transformations accompagnent l’évolution des modes de production. Avec les changements de mentalités, et les besoins de main d’œuvre, la part des femmes dans la population active augmente progressivement. Elles  n’obtiennent  cependant pas l’égalité salariale dans le secteur privé. Après avoir longtemps suscité les flux migratoires pour satisfaire les besoins de main d’œuvre de son économie, la France, avec la crise et le chômage, se ferme désormais à l’immigration de travailleurs étrangers alors que l’évolution de la structure par âge de la population active tendrait à la rendre nécessaire. L’évolution de la population active est donc bien reflet des bouleversements économiques et sociaux que traverse la France depuis les années 1850.

 

Auteur : Nérée Manuel

 

Bibliographie :

DEMIER F., La société européenne au XIXème siècle, Hiérarchies et mobilité sociales, la Documentation photographique n° 8024, 2001.

VERLEY P., Nouvelle Histoire économique de la France contemporaine, La découverte, 1989

CARON F., Histoire économique de la France 19-20ème siècles, Colin 1995.

DUBY G., PERROT M., Histoire des femmes en occident 

 

 

Dernière mise à jour : 10-16

 

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