Séries : 1L, 1ES, 1S.

 

Titre : La seconde guerre mondiale : une guerre d'anéantissement, les génocides juifs et tziganes.

 

 

La seconde guerre mondiale est une guerre d'anéantissement. C'est à dire une guerre caractérisée par une volonté de détruire l'adversaire. Cette volonté est le plus souvent idéologique. Elle fait disparaître la distinction entre combattants et non combattants et cherche à exterminer certaines catégories de la population. Pour ce faire, elle mobilise les moyens d'une guerre totale (voir leçon précédente). Hitler engage l’Europe dans cette logique puisqu’il déclare le 30 janvier 1939, dans un discours au Reichstag : " Je veux être à nouveau prophète : si la juiverie financière internationale, en Europe et à l'extérieur, devait parvenir à plonger une fois de plus les nations dans la guerre mondiale, il en résulte non pas la bolchévisation de la terre et donc la victoire de la juiverie, mais l'anéantissement de la race juive en Europe ". Il est possible d'interroger le fait que le programme reprenne ce terme pour désigner les crimes de masse.

 

Pour voir le résultat du travail d'un projet scolaire franco-allemand sur la "Shoah, un génocide européen", cliquez ici.

 

 

Pb : Pourquoi peut-on dire que la seconde guerre mondiale fut une guerre d'anéantissement ? Pourquoi l’anéantissement de l’ennemi est-il devenu un objectif dans ce conflit ?

 

 

I ... parce ce que le conflit s'inscrit idéologiquement dans une logique de destruction de l'adversaire ou d'une partie de la population.

a) Cette logique est « congénitale » dans le cas du nazisme  ….

Le nazisme est un fascisme viscéralement raciste. Dans Mein Kampf (1925-1926), Hitler développe une théorie basée sur la croyance en l’inégalité des races, et en la nécessité de libérer pour la race aryenne un espace vital (lebensraum). Pourtant en janvier 1933, Hitler devient démocratiquement chancelier. En septembre 35, sont adoptées les lois antisémites de Nuremberg qui excluent les juifs de certaines professions et limitent les relations personnelles entre juifs et allemands. En novembre 1938, a lieu la  " Nuit de cristal ".91 Juifs sont tués, 7 500 boutiques  sont détruites ainsi que  plus d'une centaine de synagogues. Par ailleurs, 35 000 juifs sont déportés vers les camps de concentration de Dachau, de Sachsenhausen et de Buchenwald.  En 1939 est mis en place un programme eugéniste d’extermination des handicapés physiques et mentaux (projet T4). Donc, avant même le début d'une guerre qualifiée de guerre d'anéantissement, une logique idéologique d'élimination est en place.

 

Camps de concentration : camps où les nazis enferment les opposants et les individus considérés comme asociaux. Progressivement, les conditions d’internement et d’exploitation deviennent telles qu’il est de moins en moins pertinent de distinguer ces camps des camps d’extermination qu'il vaudrait mieux appeler centres d'assassinat. 

 

b) Elle s’applique en Pologne envahie en 1939-1940

En septembre 1939, la conquête de la Pologne par l'Allemagne devient l’occasion d’une mise en application des théories nazies concernant l’espace vital. Les Waffen SS et la Wehrmacht commettent de nombreuses exactions (humiliations, violences diverses). Les juifs sont désignés comme untermenshen (sous-hommes). Ils doivent libérer la terre pour y permettre l'implantation de colons. Les juifs polonais sont évacués des campagnes et rassemblés dans les ghettos crées dans les villes où les conditions de vie sont effroyables (surpeuplement, famines, épidémies…). On retrouve une dimension idéologique dans les massacres perpétrés lorsque  dans la partie polonaise contrôlée par les soviétiques, le NKVD  déporte 1000000 de Polonais et lorsque 28 000 hommes de l'élite polonaise sont exterminés dans la forêt de Katyn en avril-mai 1940.

 

“La mort d'un homme est une tragédie. La mort d'un million d'hommes est une statistique.” Attribué à Staline

 

c) ... avec la généralisation du conflit,  les logiques destructrices se généralisent

Le conflit débute en Asie dès 1937, avec la guerre sino-japonaise. En décembre 1937, est perpétré le massacre de Nankin. Plusieurs centaines de milliers de Chinois sont massacrés par les soldats Japonais. Des dizaines de milliers de femmes et enfants sont violés. L’année 1941 est une date importante dans la mondialisation du conflit. En juin 1941, l’opération Barbarossa est lancée par Hitler contre l’URSS.  Dans son esprit, il s’agit du véritable début de la  guerre d'anéantissement contre le judéo-bolchévisme. Au cours de la tentative d’invasion, 600000 soldats soviétiques sont  fusillés au moment même de leur capture. On estime à 3,3 millions le nombre de prisonniers soviétiques (57% du total des captifs) morts dans les camps allemands, dont la plus grande partie dès l'hiver 1941-1942. En décembre 1941, l’attaque par les Japonais sans déclaration de guerre de la base navale de Pearl Harbor provoque l’entrée en guerre des Etats-Unis. Cette  démocratie n’échappe pas à son tour à la tentation de déshumaniser l’adversaire. Dès lors, la propagande américaine assimile les japonais à des singes. L’aviateur Lindberg, coupable par ailleurs de sympathies pro-nazies  note dans un témoignage de juin  44 que les américains ne faisaient pas toujours de prisonniers japonais en  Nouvelle-Guinée. Sur plusieurs milliers de japonais capturés, 200 seulement survécurent. A Singapour et en Malaisie, les prisonniers britanniques faits par les japonais sont traités en esclaves.

 

 

II …..parce que les moyens employés entraînent des destructions massives.

 

a)     A partir de 1941, les nazis engagent une politique d’extermination qui devient industrielle.

Les einsatzgruppen  (groupes d'intervention , en réalité des groupes mobiles de tuerie) créés dès 1938, voient leurs  actions contre les juifs et les tsiganes engagées en Pologne prendre une autre dimension avec l’opération Barbarossa à partir de  juin-juillet 1941.La solution finale se met en place.  Les einsatzgruppen sont composés de membres des différentes polices nazies, de Waffen SS, de policiers auxiliaires baltes et ukrainiens. D’éliminer les juifs et tous ceux susceptibles de menacer les intérêts nazis, notamment les cadres communistes et les résistants. Ils sont responsables de crimes de masse comme à Babi Yar en Ukraine durant l’automne 41.  La plupart des victimes sont fusillées au bord de fosses qu'elles ont dû creuser (génocide par balles), d'autres sont brûlées vives comme à Minsk, d'autres encore sont noyées sur les bords de la mer Noire. A partir de l'automne 1941, les einsatzgruppen procèdent à des asphyxies par les gaz d'échappement de camions diesels. A partir de juin juillet 1941, l’anéantissement systématique se déroule également dans les camps d'extermination ou plus exactement des centres d’assassinat ou centres de mise à mort  selon l'expression de l'historien Raoul Hilberg. Il en existe 6, situés en Pologne (Chelmo, Treblinka, Sobibor, Belzec, Majdanek, Auschwitz-Birkenau). Dans le cas d’Auschwitz qui est particulier, le camp se divise en deux parties : un camp de concentration et un centre d'extermination (Chambre à gaz (Zyklon B), fours crématoires). Les nazis cherchent là à accélérer l'extermination. Ainsi à Auschwitz-Birkenau 800 000 à 1000000 personnes ont été gazées. Si on n’est pas tué dés l’arrivée, on travaille. Primo Levi est exploité par un grand groupe chimique. Les nazis cherchent à rentabiliser la déportation, mais la folie meurtrière prime. Tout est fait pour exploiter, humilier (cheveux rasés, vexations diverses), affaiblir (peu de nourriture, absence d’hygiène) puis éliminer les survivants. Belzec, Chelmno, Sobibor et Treblinka sont uniquement des centres de mise à mort.  A partir de 1942, l’anéantissement prend une dimension européenne. En janvier 42, lors de la conférence de Wannsee en Allemagne est décidée la déportation systématique des juifs d’Europe vers les camps.

 

b) Les moyens militaires deviennent colossaux.

La guerre de masse observée pendant la première guerre mondiale se confirme de façon amplifiée dans la seconde. Au total 87 millions d'hommes sont engagés (34,5 millions en URSS,  16,3 aux États-Unis, 17,9 en Allemagne). L’industrie et ses modes de productions sont mis à contribution pour renouveler sans cesse les capacités militaires  En mars 41, la loi prêt-bail permet au gouvernement américain de prêter du matériel de guerre à un Etat dont la défense est nécessaire. Le 6 janvier 42, le Victory Program est mis en place. En 3 ans, grâce notamment à la standardisation de la production, les E-U produisent 275 000 avions, 634000 véhicules légers (jeep), 90000 chars et des navires à hauteur de 65 millions de tonneaux. Un quart de cette production est envoyé aux alliés. On a donc la un aspect de ce qu’on appelle l’économie de guerre.

 

Economie de guerre : C'est la mobilisation de tous les moyens d'un pays (matières premières, capitaux, industrie, agriculture, main d'œuvre) pour soutenir l'effort de guerre.

 

La stratégie employée s’inscrit également dans cette logique d’anéantissement. Ainsi, les bombardements stratégiques apparus pendant la première guerre mondiale, théorisés dans l’entre-deux guerres se généralisent pendant la seconde guerre mondiale. Le bombardement de Dresde en février 1945 fait 70 000 victimes. Les 6 et 9 août 1945, les bombardements nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki font  plus de 200000 morts. Dans une logique de guerre totale, ces bombardements visent à détruire les capacités économiques et les infrastructures de transport de l’ennemi. Sur le plan psychologique, ils cherchent également à terroriser les populations.  Enfin, en particulier dans le cas des bombardements nucléaires, ils sont censés hâter la fin du conflit en limitant les pertes de combattants dans ses rangs. Le Japon capitule le 2 septembre 1945. Pour terminer, il apparaît que les armées peuvent être gagnées par les logiques destructrices idéologiques. Ainsi, Omer Bartov dans un ouvrage très discuté, a démontré combien la Wehrmacht était contaminée par  l’idéologie nazie.

 

 

III parce que le bilan humain du conflit est sans précédent.

 a) compte tenu des génocides.

Selon R. Hilberg, le nombre total de victimes de la shoah est supérieur à 5.1 millions. Les einsatzgruppen sont responsables de 1.3 million de victimes. 3 millions de juifs sont morts dans les camps d’extermination et 800 000 juifs n’ont pas survécu aux conditions de vie effroyable dans le ghetto. Les Tziganes sont également victimes d’un génocide. Selon, les sources ils sont entre 250000 et 400000 à avoir disparu dans les camps de la mort. En France, au total, sur 350 000 juifs en France en 1939, 76 000 ont été déportés, 2500 ont survécu. Les victimes ont surtout été des juifs étrangers (24 000 juifs français déportés).

Génocide : Terme créé en 1944 par le juriste Raphaël Lemkin. Extermination systématique, au nom d’une conception idéologique, d’un groupe racial, national, ethnique, religieux, etc…Le terme Shoah qui signifie catastrophe en Hébreux est réservé au génocide juif.

 

b) et du bilan total.

Les génocides contribuent à aggraver un bilan humain extrêmement lourd. La seconde guerre mondiale fait entre 55 et 60 millions de morts au total. Les pertes humaines sont plus importantes chez les civils (60 % des pertes) que parmi les combattants. En France, par contre, le second conflit mondial a fait 6 fois moins de victimes que le premier (600 000 morts).

 

Conclusion :

La seconde guerre mondiale est donc bien une guerre d’anéantissement où les idéologies ont des places majeures dans des logiques  d’extermination. C’est une guerre de masse et industrielle. Le bilan est donc d’une ampleur jamais connue jusqu’alors. La folie du nazisme et un certain nombre de complicités européennes font des juifs et des tziganes des victimes désignées de ces logiques d’anéantissement. Mais attention, ces logiques sont déjà en marche avant même le début du second conflit mondial. 

 

Bibliographie :

Omer  Bartov,  L'armée d'Hitler - La Wehrmacht, les nazis et la guerre, Hachette - Pluriel 2003.

John Horne, La Violence de guerre 1914-1945, Editions Complexe, 2002.

Eric Hobsbawm, L'Âge des extrêmes : le court XXe siècle 1914-1991, Éditions Complexe, 1999

INGRAO Christian, Croire et détruire,  les intellectuels dans la machine de guerre SS, Fayard, 2010[CDI].

 

 

Auteur : Nérée Manuel

 

Dernière mise à jour :

1-19

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