Rivalités et coopérations dans le partage, l'exploitation et la préservation des ressources des mers et des océans

Le 18 novembre 2014, l'IFREMER (Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer), obtenait de l'Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM) un contrat d'exploration dans la zone de fracture de Clairon-Clipperton.

Pourquoi la France avait-elle besoin de cette autorisation ? Quel est l'intérêt d'une telle exploration ? Quelles en sont les éventuelles limites ? Au delà de cet exemple, on peut se demander comment les ressources des mers et des océans sont explorées, exploitées, partagées et éventuellement protégées dans le monde.

I Les ressources des mers et des océans sont immenses.

De la surface au sous-sol marin, ...

a).... on peut distinguer les ressources du biotope marin...

Au large, le vent a le mérite d’être plus puissant et constant. Les stations éoliennes off shore se développent notamment au Royaume-Uni. En France, le premier projet d'envergure dans ce domaine a longtemps été bloqué par les procédures lancées par des associations de pêcheurs et de riverains estimant qu'EDF énergie nouvelle compromettait la ressource halieutique et paysagère dans le secteur de Dieppe. Le problème de l'éolien et du solaire, c'est qu'il s'agit d'énergies difficiles à stocker. L'idée a donc germé chez certains architectes de créer des îles de stockage d'énergies sous la forme de vastes réservoirs d'eau.

Dans la colonne d'eau, la force marémotrice est également utilisée mais son exploitation est rendue moins rentable par la vulnérabilité du matériel dans un milieu corrosif. Le sel est une ressource précieuse exploitée depuis longtemps grâce aux marais salants.

Le sol et le sous-sol des mer et des océans abritent également des ressources minérales précieuses pour les besoins des activités humaines. On exploite depuis longtemps désormais des gisements d’hydrocarbures. Ainsi en 2010, la découverte du gisement LIBRA au Brésil a multiplée par deux les réserves du pays. On a également découvert dans les années 1970  au fond des océans des nodules polymétalliques. Depuis 2001, l’exploration dans ce domaine s'accélère. La prospection concerne  notamment la zone de fracture de Clarion-Clipperton, entre Hawaï et le Mexique. A ce stade de recherche, il ne s'agit que  de potentialités non exploitées. Mais certaines sociétés développent actuellement des moyens destinés à mettre en valeur ces ressources. Le sable marin est aussi une ressource. Dans ce domaine, les réserves mondiales sont estimées à 120 millions de milliards de tonnes.

Sulfures polymétalliques : association moléculaire à base de soufre particulièrement riches en cuivre, zinc, plomb, cobalt et en concentrations en or et en argent. On les trouve dans l'environnement des sources hydrothermales de haute profondeur.

Nodules polymétalliques : concrétions rocheuses  de 5 à 10 cm de diamètre composées de manganèse, fer, nickel, cuivre, cobalt, titane, aluminium, sodium, magnésium, silice et zinc que l'on trouve au fond des océans.

b)... des ressources de la biocénose marine.  

C’est au fond des océans que la vie est certainement apparue. Aujourd'hui, la mer satisfait une partie des besoins alimentaires de l'humanité grâce notamment à la ressource halieutique. Il en sera certainement de même dans 80 ans quand nous serons 8.8 milliards d'habitants. La moyenne annuelle des captures de poissons dans le monde est de 90 millions de tonnes. Mais depuis les années 1980-1990, les stocks de poissons dans les eaux nationales s'épuisent. Cela peut être à l'origine de tentions entre pêcheurs de pays riverains. C'est le cas notamment entre les pêcheurs français et britanniques sur fond de Brexit. On cherche donc à utiliser d'autres sources comme les algues.  Mais surtout on voit également se développer de façon significative la pêche en haute mer notamment grâce à des techniques de chalutage profond. Les espèces recherchées sont les poissons pélagiques comme les thonidés mais aussi des poissons de grands fonds comme le grenadier,  la lingue bleu ou le sabre noire. Les poissons ne sont pas les seuls à faire la diversité de la ressource marine. On découvre notamment en haute mer des organismes d'un grand intérêt pour la médecine comme le concombre de mer ou holothurie. La génétique s'intéresse également de plus en plus à cette ressource.

Les sociétés humaines satisfont donc une partie de leurs besoins grâce aux ressources marines. Les espaces maritimes abritent encore de nombreuses potentialités qui pourraient assurer l'avenir de l'humanité. La disponibilité et la valorisation de ces ressources peut donc renforcer le poids économique des Etats qui en disposent...

Biocénose : ensemble des êtres vivants (animaux, végétaux, micro-organismes soit la faune et la flore) présents (Larousse) dans un écosystème.

Biotope : ensemble des éléments non vivants mais naturels (sols, relief climat, cours d’eau) d’un écosystème offrant des conditions de vie constantes ou cycliques aux espèces de la biocénose.

Ecosystème : ensemble des éléments naturels d’un milieu.

Milieu géographique : ensemble des caractéristiques naturelles (relief, climat, etc.) et humaines (environnement, politique, économique, etc) influant sur la vie des hommes (Larousse). 

Ressource : élément présent dans un milieu dont une société peut tirer parti pour assurer son développement.

Potentialité : qualité d’un milieu qui pourrait être mise en valeur.

Ressources renouvelables : ressources qui peuvent être renouvelées à court terme, dans la mesure du temps humain.

Ressources non renouvelables : ressources qui ne se renouvellent pas à l’échelle du temps humain. Leur formation demande des millions d’années.

Halieutique : qui relève du domaine de la pêche.

II Les Etats cherchent donc à se les approprier et à les exploiter.

a) ... dans les zones marines relevant de leur juridiction.  

On regroupe dans cette catégorie les zones s'étendant des eaux territoriales au plateau continental étendu des Etats. Là conformément à la convention de Montego Bay definie entre 1956 et 1982, les Etats riverains ont, sauf accords, le monopole de l'exploration et de l'exploitation des ressources. En effet,  sur les 12 nautiques de la mer territoriale s’exerce la pleine souveraineté des Etats. C’est ce qu’on appelle communément les eaux territoriales. Elles peuvent éventuellement être prolongés de 12 milles nautiques. On parle alors de zone contigüe. Au-delà, s’étend la zone économique exclusive sur 200 milles nautiques. Là, l'Etat réglemente l'exploration et l'exploitation mais la navigation reste libre. Ce contrôle peut  aller au-delà  si la preuve est faite que le plateau continental se prolonge au delà des limites de la ZEE. Ceci explique les nombreux efforts faits par certaines puissances pour prouver l'extension de leur plateau continental comme en Arctique. Cela explique encore les conflits ou les négociations nécessaires entre les Etats pour délimiter les ZEE comme entre le Costa Rica et l'Equateur au sujet des îles Galapagos et Coco.  Aujourd'hui 168 Etats ont adhéré à la Convention de Montego Bay. Les EU, ISraél, le Venezuela la Turquie et la Syrie n'en font pas partie. Ce genre de différend peut être géré pa le Tribunal international du droit de la mer (TIDM) ou encore la Cour Internationale de Justice (CIJ) de La Haye.

Schéma :

b)... et ailleurs    

Les zones situées au delà des juridictions nationales (ZAJN) représentent 50% de la surface totale de la planète. Pour faire simple, on les désigne par l'expression "haute mer". En haute mer, la colonne d'eau est régie par le principe de liberté de navigation, de survol, de recherche scientifique et de pêche. Le sol et le sous-sol sont considérés comme patrimoine commun de l'humanité.  Il est donc nécessaire d'obtenir une autorisation pour explorer et éventuellement exploiter les ressources minérale dans ces Zones. C'est ainsi que l'IFREMER a obtenu de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM), un droit exclusif d'exploration sur un secteur de la Zone de fracture Clairon-Clipperton pour une période de quinze ans. D'autres Etats se partagent les autres secteurs.  Le nombre de demandes de permis d'exploration déposées auprès de l'AIFM augmente (entre 2001 et 2006, 8 permis ont été accordés. depuis 2011, 18 permis supplémentaires ont été concédés). C'est donc sous l'égide d'une instance de gouvernance internationale se négocie l'exploration puis l'exploitation des ressources en haute mer.

Patrimoine commun de l'humanité : ensemble de biens culturels et naturels présentant un intérêt exceptionnel pour l’héritage commun de l’humanité.

III Les ressources de la mer sont-elles protégées ?

a) oui, elles le sont par endroits dans les zones de juridiction nationale.

Dans les eaux situées sous leur juridiction, les Etats font parfois le choix de créer des zones protégées. Par exemple en France, 22 % des eaux françaises sont couvertes par au moins une aire marine protégée (AMP) On peut citer l'exemple de la réserve naturelle marine de Cerbères-Banyuls que certains élèves du lycée connaissent bien.

b) non, elles ne le sont pas dans les ZAJN.  

Si des efforts sont faits pour définir des politiques internationales de pêche notamment par la l'Organisation des Nations Unies pour l'agriculture et l'Alimentation (FAO), actuellement, il n'est pas légalement possible de créer des aires marines protégées en haute mer. Les Etats et les entreprises ne sont pas dans l'obligation d'évaluer  l'impact environnemental de leurs activités. L'ONG Greenpeace estime qu'il faudrait que 30% voire 50% des mers et océans soit considérés comme des réserves marines compte tenu des menaces sur l'environnement. Il s'agirait d'y interdire la pêche, l'exploitation minière et d'y éliminer les déchets. Rien ne régit non plus le statut juridique des découvertes liées aux ressources génétiques marines. Sera-t-il possible pour une société de la breveter et de s'en arroger le monopole de l'exploitation ?

c) Mais elles le seront bientôt peut-être.

Des négociations ont lieu actuellement pour élaborer un instrument juridique contraignant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine dans les ZAJN. Elles ont débuté en 2016 à l'ONU à l'occasion de la Conférence intergouvernementale sur la biodiversité marine des zones hors de la juridiction nationale (BBJN). Cette conférence vise à protéger les ressources marines mais aussi à encadrer leur exploitation. Elle pose notamment la question du transfert des technologies marines aux pays en développement.

Conclusion : les besoins croissants de l'humanité et les découvertes font des espaces maritimes des domaines de plus en plus convoités pour leurs ressources. Cela crée des convoitises. Certaines d'entre elles peuvent donner lieu à des conflits. Pour éviter les guerre et gérer durablement les ressources internationales, la coopération est nécessaire mais elle n'est pas toujours aisée.