Rivalités et coopérations dans
le partage, l'exploitation et la préservation des ressources des mers et des
océans
Du 9 au 13 juin 2025
s’est tenue à Nice ? la 3e conférence des Nations-Unies sur l’Océan
(UNOC-3), sans être spectaculaire dans ses annonces, cette conférence à tout de
même permis de réaliser des progrès en matière de protection des mers et des
océans.
Quels sont les enjeux de
l’exploitation et de la protection des mers et des océans ? Comment les
ressources des mers et des océans sont recherchées, utilisées et éventuellement
protégées dans le monde ?
I
Les ressources des mers et des océans sont immenses.
De la surface au sous-sol
marin, ...
a).... on peut distinguer les
ressources du biotope marin...
Au large, le vent a le mérite d’être plus puissant
et constant. Les stations éoliennes off
shore se développent notamment au Royaume-Uni. En France, le
premier projet d'envergure dans ce domaine a longtemps été bloqué par les
procédures lancées par des associations de pêcheurs et de riverains estimant
qu'EDF énergie nouvelle compromettait la ressource halieutique et paysagère
dans le secteur de Dieppe. Le problème de l'éolien et du solaire, c'est qu'il
s'agit d'énergies difficiles à stocker. L'idée a donc germé chez certains
architectes de créer des îles de
stockage d'énergies sous la forme de vastes réservoirs d'eau.
Dans la colonne d'eau, la force
marémotrice est également utilisée mais son exploitation est rendue moins
rentable par la vulnérabilité du matériel dans un milieu corrosif. Le sel est une ressource précieuse
exploitée depuis longtemps grâce aux marais salants.
Le sol et le sous-sol des mer et des océans abritent également des ressources minérales précieuses pour
les besoins des activités humaines. On exploite depuis longtemps désormais des gisements d’hydrocarbures. Ainsi en
2010, la découverte du gisement LIBRA au Brésil a multiplée
par deux les réserves du pays. On a également découvert dans les années
1970 au fond des océans des nodules polymétalliques. Depuis 2001,
l’exploration dans ce domaine s'accélère. La prospection concerne notamment la zone de fracture de Clarion-Clipperton, entre Hawaï et le Mexique.
A ce stade de recherche, il ne s'agit que
de potentialités non
exploitées. Mais certaines
sociétés développent actuellement des moyens destinés à mettre en valeur ces ressources. Le sable marin est aussi une ressource.
Dans ce domaine, les réserves mondiales sont estimées à 120 millions de
milliards de tonnes.
Sulfures
polymétalliques : association moléculaire à base de soufre
particulièrement riches en cuivre, zinc, plomb, cobalt et en concentrations en
or et en argent. On les trouve dans l'environnement des sources hydrothermales
de haute profondeur.
Nodules
polymétalliques : concrétions rocheuses de 5 à 10 cm de diamètre composées de
manganèse, fer, nickel, cuivre, cobalt, titane, aluminium, sodium, magnésium,
silice et zinc que l'on trouve au fond des océans.
b)... des ressources de la biocénose marine.
C’est au fond des océans que
la vie est certainement apparue. Aujourd'hui, la mer satisfait une partie des
besoins alimentaires de l'humanité grâce notamment à la ressource halieutique. Il en sera certainement de même dans 80 ans
quand nous serons 9 milliards d'habitants. La moyenne annuelle des captures de
poissons dans le monde est de 90 millions de tonnes. Mais depuis les années
1980-1990, les stocks de poissons dans les eaux nationales s'épuisent. Cela
peut être à l'origine de tensions entre pêcheurs de pays riverains. C'est le
cas notamment entre les pêcheurs
français et britanniques sur fond de Brexit. On cherche donc à utiliser
d'autres sources comme les algues. Mais surtout on voit également se développer
de façon significative la pêche en haute
mer notamment grâce à des techniques de chalutage profond. Les espèces recherchées sont les poissons pélagiques comme les thonidés mais
aussi des poissons de grands fonds
comme le grenadier, la
lingue bleue ou le sabre noir. Les poissons ne sont pas les seuls à faire la
diversité de la ressource marine. On découvre notamment en haute mer des
organismes d'un grand intérêt pour la médecine comme le concombre de mer ou
holothurie. La génétique s'intéresse
également de plus en plus à cette ressource.
Les sociétés humaines
satisfont donc une partie de leurs besoins grâce aux ressources marines. Les
espaces maritimes abritent encore de nombreuses potentialités qui pourraient assurer l'avenir de l'humanité. La
disponibilité et la valorisation de ces ressources peut donc renforcer le poids
économique des Etats qui en disposent...
Biocénose
: ensemble
des êtres vivants (animaux, végétaux, micro-organismes soit la faune et la
flore) présents (Larousse) dans un écosystème.
Biotope
: ensemble
des éléments non vivants mais naturels (sols, relief climat, cours d’eau) d’un
écosystème offrant des conditions de vie constantes ou cycliques aux espèces de
la biocénose.
Ecosystème
: ensemble
des éléments naturels d’un milieu.
Milieu
géographique : ensemble des caractéristiques naturelles
(relief, climat, etc.) et humaines (environnement, politique, économique, etc) influant sur la vie des hommes (Larousse).
Ressource :
élément présent dans un milieu dont une société peut tirer parti pour assurer
son développement.
Potentialité :
qualité d’un milieu qui pourrait être mise en valeur.
Ressources
renouvelables : ressources qui peuvent être renouvelées à
court terme, dans la mesure du temps humain.
Ressources
non renouvelables : ressources qui ne se renouvellent pas à
l’échelle du temps humain. Leur formation demande des millions d’années.
Halieutique : qui
relève du domaine de la pêche.
II
Les Etats cherchent donc à se les approprier et à les exploiter.
a) ... dans les zones marines
relevant de leur juridiction.
On regroupe dans cette
catégorie les zones s'étendant des eaux
territoriales au plateau continental étendu des Etats. Là conformément à la
convention de Montego Bay définie entre
1956 et 1982, les Etats riverains ont, sauf accords, le monopole de l'exploration et de
l'exploitation des ressources. En effet,
sur les 12 nautiques de la mer
territoriale s’exerce la pleine souveraineté
des Etats. C’est ce qu’on appelle communément les eaux territoriales. Elles peuvent éventuellement être prolongées de
12 milles nautiques. On parle alors de zone
contigüe. Au-delà, s’étend la zone
économique exclusive sur 200 milles nautiques. Là, l'Etat réglemente l'exploration et l'exploitation mais la navigation
reste libre. Ce contrôle peut aller
au-delà si la preuve est faite que le plateau continental se prolonge au delà
des limites de la ZEE. Ceci explique les nombreux efforts faits par certaines
puissances pour prouver l'extension de leur plateau continental comme en Arctique. Cela explique encore les
conflits ou les négociations nécessaires entre les Etats pour délimiter les ZEE
comme entre le Costa Rica et l'Equateur au sujet des îles Galapagos et
Coco. Aujourd'hui 168 Etats ont adhéré à
la Convention de Montego Bay. Les
EU, ISraél, le Venezuela la Turquie et la Syrie n'en
font pas partie. Ce genre de différend peut être géré par le Tribunal international du droit de la mer
(TIDM) ou encore la Cour Internationale de Justice (CIJ) de La Haye.
b)... et ailleurs
Les zones situées au delà des juridictions nationales (ZAJN)
représentent 64% de la surface totale de
la planète. Pour faire simple, on les désigne par l'expression "haute mer". En haute mer, la colonne d'eau est régie par le principe de liberté de navigation, de survol, de recherche scientifique et de
pêche. Le sol et le sous-sol
sont considérés comme patrimoine commun
de l'humanité. Il est donc
nécessaire d'obtenir une autorisation
pour explorer et éventuellement exploiter les ressources minérale dans ces
zones. C'est ainsi que l'IFREMER a obtenu de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM), un droit exclusif d'exploration sur un secteur
de la Zone de fracture Clairon-Clipperton pour une période de quinze ans. D'autres Etats se partagent les autres
secteurs. Le nombre de demandes de
permis d'exploration déposées auprès de l'AIFM augmente (entre 2001 et 2006, 8
permis ont été accordés. depuis 2011, 18 permis supplémentaires ont été
concédés). C'est donc sous l'égide d'une
instance de gouvernance internationale se négocie l'exploration puis
l'exploitation des ressources en haute mer.
Patrimoine
commun de l'humanité : ensemble de biens culturels et naturels
présentant un intérêt exceptionnel pour l’héritage commun de l’humanité.
III
Les ressources de la mer sont-elles protégées ?
Il existe des tentatives de
protection de l’environnement en mer. Des quotas de pêche ont été établis pour
la pêche du thon rouge et la pêche à la baleine est interdite depuis 1986. Mais
la protection des mers et océans est inégale selon le statut juridique des
espaces maritimes.
a) oui, elles le sont par
endroits dans les zones de juridiction nationale.
Dans les eaux situées sous leur juridiction, les Etats font parfois le choix
de créer des zones protégées. Par
exemple en France, 22 % des eaux françaises sont couvertes par au moins une aire marine protégée (AMP) On peut
citer l'exemple de la réserve naturelle marine de Cerbères-Banyuls que certains
élèves du lycée connaissent bien.
b) non, elles ne le sont pas
dans les ZAJN.
Si des efforts sont faits pour
définir des politiques internationales
de pêche notamment par la l'Organisation des Nations Unies pour
l'agriculture et l'Alimentation (FAO), actuellement, il n'est pas légalement
possible de créer des aires marines protégées en haute mer.
Les Etats et les entreprises ne sont pas dans l'obligation d'évaluer l'impact environnemental de leurs activités. L'ONG Greenpeace estime qu'il faudrait que 30% voire 50%
des mers et océans soit considérés comme des réserves marines compte tenu des
menaces sur l'environnement. Il s'agirait d'y interdire la pêche,
l'exploitation minière et d'y éliminer les déchets. Rien ne régit non plus le statut juridique des découvertes liées aux
ressources génétiques marines. Sera-t-il possible pour une société de la
breveter et de s'en arroger le monopole de l'exploitation ?
c) Mais elles le seront
bientôt peut-être.
Des négociations ont lieu
actuellement pour élaborer un instrument juridique contraignant sur la
conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine dans les ZAJN.
Elles ont débuté en 2016 à l'ONU à l'occasion de la Conférence intergouvernementale sur la biodiversité marine des zones
hors de la juridiction nationale (BBJN). Cette conférence vise à protéger
les ressources marines mais aussi à encadrer leur exploitation. Elle pose
notamment la question du transfert des technologies marines aux pays en
développement. Un traité devrait être ratifié d’ici 2025.
En 2023 a été adopté un traité
de la haute mer ou accord sur la conservation et sur l’usage de la biodiversité
au-delà des juridictions nationales, mieux connu sous son acronyme anglais de
BBNJ (Biodiversity Beyond National Jurisdiction).
En 2025, l’UNOC-3 de Nice a permis
de progresser dans ce domaine puisque le nombre d’Etats ayant ratifié ce
document a augmenté de façon significative. En septembre 2025, le nombre d’Etats
ayant ratifié a permis l’entrée en vigueur du traité. Ce dernier prévoit :
-
Un moratoire sur l’exploitation des fonds
marins (adopté par 37 Etats).
-
Une extension des aires marines protégées en
haute mer (de 8,4% à 11% de la superficie des océans)
-
Une lutte contre la pollution plastique plus
ambitieuse (95 pays ont signé l’appel de Nice)
Conclusion
:
les besoins croissants de l'humanité et les découvertes font des espaces
maritimes des domaines de plus en plus convoités pour leurs ressources. Cela
crée des convoitises. Certaines d'entre elles peuvent donner lieu à des
conflits. Pour éviter les guerres et gérer durablement les ressources
internationales, la coopération est nécessaire mais elle n'est pas toujours
aisée.