Les guerres et les paix.

Panorama des conflits contemporains et de leurs résolutions.

 

« La guerre est un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté » Clausewitz I, 1, 2. De la Guerre.

 

Un conflit est une situation de désaccord entre deux acteurs au moins. Cela va du simple différend à la guerre ouverte. La guerre, elle, désigne un affrontement violent opposant au moins deux acteurs. Le politologue Bruno Tertrais dit d’elle que c’est « un conflit armé à grande échelle opposant au moins deux groupes humains ». En l’absence de guerre, nous sommes en situation de paix. Mais toutes les guerres ne se ressemblent pas et les paix peuvent prendre des formes différentes.

 

Quels types de guerres peut-on distinguer ? Peut-on également faire une typologie des paix ? Existe-t-il différentes façons de faire cesser une guerre ? Pour quels raisons entre-t-on en guerre ?

 

I Un essai de  typologie des guerres....

a)     peut s’appuyer sur la diversité des acteurs

L’idée que l’on se fait habituellement d’une guerre conventionnelle, c’est celle d’une guerre qui oppose deux Etats. On parle alors de guerre interétatique comme celle qui oppose depuis 2022 la Russie à l’Ukraine. Mais la guerre n’oppose pas toujours deux Etats. Elle peut voir s’affronter à l’intérieur d’un même Etat, différentes forces : des forces régulières, des troupes rebelles, des mercenaires, des factions. On parle alors de guerre intra-étatique. Les guerres civiles sont des guerres intra-étatiques.

 

Guerre conventionnelle : guerre ouverte opposant des armées nationales régulières au moyen d’armes, de tactiques et de stratégies conventionnelles.

 

Guerre interétatique : guerre qui oppose un ou plusieurs Etats.

 

Conflits intra-étatiques : conflits opposant des belligérants issus du même Etat.

 

Mercenaire : soldat de métiers étranger sur le territoire où il combat qui fait payer ses services dans une guerre.

 

b)     …et  des causes des conflits.

Nombreux sont les motifs de conflits. Dans les années 90 le politologue américain Samuel Huntington, a cru dans son livre Le choc des civilisations pouvoir expliquer les conflits contemporains par l’opposition d’aires de civilisations notamment musulmane et occidentale. Mais en réalité aujourd’hui encore, les causes de conflits sont beaucoup complexes. On s’affronte toujours pour des territoires comme en en Ukraine. Mais on se bat aussi dans des conflits ethniques, de nationalités ou d’identité. Le conflit Israélo-palestinien en offre un exemple. Certains voient dans ce conflit une guerre de religions mais la réalité est bien plus complexe. Comme dans le conflit en ex-Yougoslavie, les crispations identitaires cachent souvent d’autres motivations. C’est la raison pour laquelle l’historien Georges Corm, milite Pour une Lecture profane des conflits. Bien sûr, il ne faut pas oublier que les ressources peuvent être à l’origine de guerres. Le pétrole était l’un des enjeux de l’agression de l’Irak contre le Koweit en 1990. Les dissensions politiques peuvent aussi générer des guerres. Pour rappel, la guerre en Syrie, débute en 2011 avec des revendications démocratiques comme dans les autres Etats concernés par le Printemps arabe. Economiques, politiques, culturelles, les causes de conflits sont donc très nombreuses et se mêlent aussi souvent.

 

c)     On peut aussi les différencier selon leurs natures…

Les conflits symétriques opposent des adversaires comparables en termes de forces et d’organisation comme pendant la Première Guerre mondiale.  Dans ce type de guerre, l’intérêt de chaque acteur est de créer par les alliances, la stratégie, la tactique et le combat une dissymétrie qui pourrait lui assurer la victoire. A ce sujet, une guerre dissymétrique est une guerre qui oppose des armées comparables dans leur organisation mais de forces inégales. Comme lorsqu’en 1991, une coalition internationale mandatée par l’ONU intervient contre l’Irak pour soutenir le Koweït. Il existe également des guerres asymétriques. Ces conflits opposent des forces déséquilibrées dont les modes opératoires sont différents. Dans ce type de conflit le faible essaie de ne pas s’engager dans des batailles classiques qui lui sont défavorables. Il leur préfère l’embuscade, l’attentat, le harcèlement, la guérilla. Bien que proches, les notions de guerre asymétrique et de guerre irrégulière doivent être distinguées. Pour faire simple, la guerre irrégulière est une guerre sans front et sans frontière. Elle n’oppose pas des forces armées traditionnelles. Elle abolit les distinctions entre civils et militaires. Elle ne respecte pas le droit de la guerre. Elle met en œuvre des techniques de guérilla et des attentats. L’hyperterrorisme mené par Al Qaida et Daesh peut-être rangé dans cette catégorie. Enfin, pour accroître leur capacité de nuisance, certains acteurs diversifient les moyens de la guerre. Cela peut prendre la forme d’une guerre hybride. Cette dernière consiste à combiner des des moyens conventionnels à des modes opératoires non-conventionnels qui vont de l’attaque surprise à la piraterie informatique, en passant par la déstabilisation informationnelle. Vladimir Poutine est passé maître en la matière.

 

Schéma :

 

Guérilla : terme emprunté à l’espagnol utilisé pour décrire des combats d’unités mobiles et flexibles pratiquant une guerre de harcèlement, d’embuscade  mené par des unités irrégulières.

 

d)     …et leur intensité. 

Pour finir à l’heure où l’Europe fait mine de redécouvrir les conflits à haute intensité en oubliant la guerre en ex-Yougoslavie qui n’est pas si lointaine (1991-1996), il est possible de distinguer les guerres en fonction de leur bilan. Ainsi, l’université de Stockholm distingue-t-elle les conflits armés majeurs (au moins 10000 morts annuels), les conflits armés de forte intensité (1000 à 9999 morts) et les conflits armés de faible intensité (25 à 999 morts).

 

II … et des paix

 « L'état de paix n'est pas un état de nature, lequel est au contraire un état de guerre, c'est pourquoi il faut que l'état de paix soit institué. ». Emmanuel Kant,  Vers la paix perpétuelle, 1795

 

a)     Il existe différentes façons de cesser les combats.

                Il est possible de mettre fin aux combats selon différentes modalités. Ainsi, le cessez-le-feu est un arrêt, temporaire le plus souvent, des combats par décision bilatérale de ne pas engager les forces armées. En relation avec notre programme, nous pouvons citer le cessez-le- feu du 19 mars 1962 qui succède aux accords d’Evian au sujet de l’Algérie. En principe, le cessez-le-feu ne met pas fin à la guerre. Mais paradoxalement, c’est un cessez-le-feu qui, de facto, a mis fin à la Guerre du golfe  le 27 février 1991, après l’évacuation de l’Emirat par les troupes de Saddam Hussein. C’est le cas également à la fin de la guerre entre Israël et le Liban en 2006.

                Un armistice est un acte politique. C’est un accord signé par deux ou plusieurs gouvernements, mettant fin à des hostilités entre armées en temps de guerre. Attention: s’il met fin aux combats, il ne met pas fin officiellement à la guerre. Le 11 novembre 1918 est signé à Rethondes dans la forêt de Compiègne entre les alliés et les représentants allemands en attendant le traité de Versailles.

                Une capitulation est un acte militaire de reddition qui reconnait la défaite incontestable d’une ville, d’une région ou d’un territoire national. A l’occasion d’une capitulation, les forces armées vaincues ne posent aucune condition aux vainqueurs.

On peut donner comme exemple, la capitulation de l’Allemagne les 7 et 9 mai 1945 (on ne doit donc pas parler d’armistice) et celle du Japon le 2 septembre 1945. Comme l’armistice, la capitulation n’est pas synonyme de la fin de l’état de guerre.

Cette distinction est extrêmement importante pour comprendre les positions prises par les responsables politiques français en juin 1940. Paul Reynaud, Président du Conseil et de son Sous-Secrétaire d’Etat à la Défense Nationale et à la  Guerre, Charles de Gaulle pensent qu’il faut capituler en métropole face aux Allemands pour pouvoir poursuivre les combats depuis l’extérieur. Pétain, lui veut signer un armistice pour faire endosser la responsabilité de la défaite aux responsables politiques de la IIIème République et non à l’armée. Il négocie donc l’armistice du 22 juin 1940 avec les Allemands.

 

Le traité de paix est le texte qui met un terme définitif à la guerre. C’est un acte politique. Il fixe par accord les conditions que devront respecter les belligérants. Elles sont généralement plus contraignantes pour le pays vaincu.

 

Armistice : Acte politique qui met fin aux hostilités entre nations belligérantes sans mettre définitivement fin à l’état de guerre.

Capitulation : Convention qui règle les conditions de la reddition d'une place de guerre, de forces militaires.

Traite de paix : Traité entre deux parties adverses par lequel on s'accorde pour faire cesser la guerre (ex. signer la paix, un traité de paix.)

Un cessez-le-feu : accord précisant les modalités de la suspension ou de l’arrêt des hostilités

 

a)     Tout comme la paix peut reposer sur des bases différentes.

Pour Emmanuel Kant, la paix doit se construire avec volonté. Mais sur quelles bases cela doit-il se faire ? Il est, pour faire simple, possible de distinguer trois types de paix. La première est la paix hégémonique ou hiérarchique. La paix hégémonique résulte de la supériorité d’une puissance sur toutes les autres. On peut donner comme exemple la Pax Romana du 1er au 2ème siècle après JC.  Ou la Pax Britannica au 19ème siècle ou le projet de Pax Americana prêté successivement à Thomas Woodrow Wilson, à Ronald Reagan et à  aux « faucons » américains  à la fin de la Guerre Froide.

Il existe également des paix d’équilibre. On désigne par là la situation dans laquelle la force équivalente des puissances les dissuade mutuellement de recourir au conflit armé. L’exemple paradoxal ici est celui de la guerre froide ou l’équilibre de la terreur d’origine nucléaire empêche les deux superpuissances de s’affronter frontalement. Tandis que la Guerre Froide, fut comme le dit Pierre Grosser, des plus meurtrières compte tenu des conflits périphériques. 

Il existe enfin des paix de droit international qui se construisent au moyen de négociations et d’engagements entre plusieurs acteurs. Ces paix s’inscrivent dans une forme de multilatéralisme. Désormais, les paix de droit international cherchent à établir une forme de sécurité collective. Les traités de Westphalie au 17èm siècle peuvent être assimilés à ce type de paix même s’ils annoncent une période qui, jusqu’à la Première Guerre mondiale repose essentiellement sur l’équilibre des puissances. Aujourd’hui, l’ONU peine à faire respecter ce principe de paix de droit international.

 

Sécurité collective : sécurité qui repose sur l’interdiction du recours à la force, associée à un système de solidarité tel que toute agression ou menace d’agression contre un État constitue une atteinte à la paix et à la sécurité de tous.

                                                                                                                                          

b)     Un peu de théorie :

 Certains comme Johan Galtung distinguent à ce sujet la paix qui ne serait qu’un arrêt des combats, autrement dit la paix négative, d’une paix construite pour durer en abolissant toute forme de violence et d’injustice : la paix positive. Cette paix reposerait sur un processus permettant de créer des rapports socio-économiques et politiques équitables.

 

Conclusion : Guerres et paix sont polymorphes. Il existe plusieurs raisons d’entrer en guerre, les guerres peuvent prendre plusieurs formes. On peut en sortir de différentes manières et maintenir la paix  sous différentes conditions