Patrimoine :
de la transmission entre individus au « patrimoine
mondial » de l’humanité.
Le mot patrimoine
vient du latin patrimonium qui veut dire « l’héritage du père ». Dans cette acception restrictive, il désigne alors
un bien propre voire individuel. Dans son sens collectif, le patrimoine désigne l’ensemble des
richesses d’ordre culturel
, matérielles et
immatérielles, appartenant à une
communauté. En résumé, le patrimoine
est défini comme l'ensemble des biens hérités du père, de la famille et, par
extension, de la communauté.
Comment définir le patrimoine ? Quelle
est l’histoire de cette notion ?
I Le
patrimoine est une notion ancienne…
a)
…qui
désigne des biens qui revêtent une
valeur particulière pour un communauté
Le patrimoine est certainement aussi ancien
que les premières civilisations. C’est
l’un des enseignements de l’essai de David Graeber
et David Wengrow, Au commencement était ...un autre histoire
de l’humanité. Avant même l’invention de l’écriture et même de l’agriculture
des sociétés, même nomades, s’organisent en ayant conscience de posséder un
patrimoine commun qu’il soit lié à des considérations sociales, politiques ou
religieuses. Le phénomène se
confirme dans l’antiquité. En en 225 av. J.C., le scientifique grec Philon de Byzance recense les sept merveilles du
monde d’alors. Très tôt, les romains
ont souhaité légiférer pour proteger ce patrimoine.
Dès 44 av. J.C. par exemple, une loi (senatus
consulte) interdit la vente de matériaux
provenant d’un bâtiment détruit. Il s’agit semble-t-il de la première trace d’une volonté de protéger un patrimoine collectif
urbain.
b)
A la Renaissance, il y a une volonté de protéger le
patrimoine antique.
La
volonté de protéger le patrimoine ré-émerge à la Renaissance. Pendant cette période
de renouveau artistique et intellectuel qui s’étend du XIIIe au XVIe siècle, le Moyen Âge est méprisé mais l’Antiquité
est célébrée. Cette remarque suffit à démonter que l’intérêt patrimonial est une notion relative. En 1462, un édit papal pour la ville de Rome
interdit de dégrader les monuments antiques. Les fouilles se multiplient,
surtout en Italie à la recherche de vestiges et d’objets antiques. Les premiers
musés privés apparaissent. En
France, l’étude et
la recherche des
vestiges patrimoniaux français
(mobiliers ou immobiliers) commencent dès
le 16e siècle
mais c’est alors
le fait d’une
élite restreinte.
II Le
patrimoine devient un bien national à protéger avec la Révolution française.
a)
Destruction-protection pendant la Révolution française.
La Révolution
française est marquée par de nombreuses destructions. Des biens de la
noblesse et de l’église sont pillés, détériorés dès 1789. Un peu plus
tard, l'abbé Grégoire invente en 1794,
le mot vandalisme, en référence aux
Barbares qui ont saccagé Rome en 455. Il dénonce alors les destructions de monuments et d'œuvres d'art par les armées
républicaines. Mais c’est dans ce même contexte qu’émerge l’idée d’un patrimoine public à protéger. En
effet, le 2 octobre 1789, l’Assemblée
Constituante, nationalise les biens du clergé. En 1790, l’Assemblée
constituante ordonne que soit dressé un inventaire
des biens du clergé et de la noblesse car ils représentent un intérêt pour
la nation. Dès 1790, est créée une Commission
des Monuments. La Commission des Arts lui succède rapidement avec comme
objectif de sauvegarder tout ce qui peut
l'être dans ce contexte agité. Des dépôts
lapidaires sont alors créés. Certains deviendront ensuite des musées nationaux.
Vandalisme : fait de
détruire ou de détériorer des œuvres d’art ou, plus largement, des biens qu’ils
soient publics ou privés.
b)
Le XIXème siècle consacre la définition classique du
patrimoine.
C’est à
partir de 1830, sous Louis-Philippe (Monarchie de Juillet), que se
met en place une véritable politique
patrimoniale. Guizot, député
et ministre de l’Intérieur crée la charge d’inspecteur des Monuments
Historiques qui fut rapidement confiée à
Prosper Mérimée en 1834. Voyageant dans toute la France, il recense les bâtiments remarquables
nécessitant une protection. En 1837 sont créées les monuments historiques. Ainsi en 1840, est établie une liste de 880 monuments à restaurer. Il
impose le jeune architecte Eugène Viollet le Duc
(1814-1879) pour prendre en charge certains d’entre eux. A une époque où le Moyen-âge est réhabilité
notamment par le romantisme, c’est
lui qui assure la sauvegarde de
Notre-Dame de Paris de la cité de Carcassonne non sans prendre quelques
libertés avec la réalité architecturale locale et médiévale.
III Vers
une définition plus large du patrimoine
a)
L’émergence de la notion de patrimoine mondial
En 1945, est créée, dans le
cadre de l’ONU, l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la
science et la culture). Cette institution
a pour mission, entre autres, de
protéger le patrimoine considéré d’intérêt mondial. Le patrimoine prend
donc alors une dimension mondiale.
C’est dans cette logique, qu’à partir de 1964, l’UNESCO s’engage à démonter et
déplacer les temples d’Abou Simbel au Sud de l’Égypte, pour les protéger de
l’inondation dans le contexte de la construction du barrage d’Assouan. En 1964 toujours, la charte de Venise signée par 42
pays fonde le conseil international des monuments et des sites. En 1972, est créée la liste du patrimoine mondial.
b)
La diversification de la notion de patrimoine.
Jusqu’aux
années 1970, dans la continuité du 19ème siècle, le patrimoine est essentiellement considéré
comme matériel et bâti, monumental, architectural, rare et précieux. Mais à partir
des années 80, tout semble devenir
patrimoine. Certains parlent à ce sujet d’«inflation patrimoniale». On s’intéresse désormais plus au
patrimoine populaire, urbain, contemporain, rural, industriel et naturel. Avec
la signature de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel
immatériel de l’Unesco en 2003, le patrimoine immatériel est désormais pris en
considération. Une liste représentative du patrimoine culturel immatériel de
l’humanité est créée à cette occasion.
Aujourd’hui,
tout, donc, ou presque, peut devenir
patrimoine du moment qu’il revêt un intérêt collectif (esthétique,
scientifique, historique, touristique) et qu’il est accepté par la communauté. Peuvent donc faire
patrimoine, l’architecture, les
monuments, les œuvres d’art, les objets du quotidien, les biens immatériels, les pratiques
(transhumance -2023), les traditions intellectuelles, les sites, les paysages (cirque de
Gavarnie-1997), les traces biologiques, les animaux, ou encore les données
numériques (charte de l’UNESCO sur la conservation du patrimoine numérique).
La notion de
patrimoine s’internationalise mais de façon incomplète. En 2018, sur les 1121 biens classés au patrimoine
mondial de l’humanité 529 étaient en Europe, 268 en Asie Pacifique, 142 en
Amérique latine, 96 en Afrique, 86 dans
les Etats arabes. Par ailleurs les critères retenus pour le classement sont
occidentaux ne sont pas adaptés à toutes
les cultures. Par exemple, la notion d’authenticité est liée aux matériaux
en Occident et au savoir-faire en Asie.
Patrimoine
culturel immatériel : ensemble des pratiques et savoirs dont
chacun hérite en commun, et qu'il s'efforce collectivement de faire vivre,
recréer et transmettre. Cela recouvre les expressions et traditions orales, les
pratiques sociales, les rituels, les événements festifs, les savoirs et
pratiques relevant des arts du spectacle, les savoir-faire artisanaux ou encore
les connaissances en lien avec la nature et l’univers.
Patrimoine
mondial de l’UNESCO :
appellation attribuée à des lieux ou des biens, situés à travers le monde,
possédant une valeur universelle exceptionnelle (UNSECO). 1199 biens culturels et naturels inscrits
à ce jour sur la Liste du patrimoine mondial.
Conclusion : La notion de
patrimoine est donc est polysémique et évolutive. D’une certaine façon, le
patrimoine a toujours existé. On constate finalement que la volonté de le
protéger est relativement précoce. Mais, la Renaissance, la Révolution
Française, ou encore l’après Seconde Guerre mondiale sont des moments marquants
dans l’histoire de la notion de patrimoine. Aux XIIIème-XVIème siècles, les
élites s’intéressent à l’héritage antique et cherchent à le protéger. Dans un
contexte chaotique, la Révolution Française marque l’avènement du patrimoine
national digne d’être préservé. Après les destructions de 39-45, on cherche à protéger le patrimoine digne d’intérêt pour l’ensemble
de l’humanité. Dans ces conditions, la
définition de patrimoine s’élargit. Il ne désigne plus uniquement, comme au 19ème
siècle, des objets et des monuments d’intérêt manifeste. Il peut être aussi
immatériel. Le patrimoine se diversifie donc.