Produire de la connaissance scientifique : recherche et échanges des hommes et  des femmes de science sur la question de la radioactivité de 1896 aux années 1950.

A partir d’une BD en ligne : la méthode Curie

La radioactivité est un phénomène physique par lequel des noyaux d'atomes instables se transforment spontanément en d'autres atomes en émettant simultanément des rayonnements, c'est-à-dire des particules de matière.

https://youtu.be/cY_0uOm7610?si=arCATW6xVYTjXuN-

La découverte de la radioactivité est-elle représentative de la façon dont se construit la connaissance scientifique ?

I En recherche fondamentale, le « jeu de l’amour et du hasard » ne suffit pas.             

Les idées expérimentales naissent très souvent par hasard et à l’occasion d’une observation fortuite“. Claude Bernard.

« Le hasard ne favorise que les esprits préparés » Pasteur, discours de Douai, 1854.

a)      X.

Le 22 décembre 1895, l’Allemand  Wilhelm Röntgen révèle une photographie de la main de sa femme, Anna Bertha Ludwig Röntgen, exposée au rayonnement d’un tube cathodique. Il vient de découvrir ce qu’il appelle le rayon X  parce la nature de ce rayon reste encore inconnue. On sait aujourd’hui qu’il s’agit d’une onde électromagnétique. Il jette ainsi les bases de la radiologie. Cette découverte est largement diffusée. Elle est notamment présentée à l’académie des sciences de Paris.

https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000000619/les-rayons-x-et-l-histoire-de-leurs-proprietes.html

b)       ????

Très intéressé par les travaux de Röntgen, Henri Becquerel mène de son côté un certain nombre d’expériences sur la phosphorescence  des sels d’uranium.  Il part de l’hypothèse selon laquelle la phosphorescence est un rayonnement de même nature que le rayon x. Il expose donc ces sels au soleil puis observe l’impact de la luminescence ainsi obtenue sur une feuille photosensible.  Un jour de mauvais temps, sans soleil de 1896, il renonce à l’expérience et range les sels et le papier photosensible dans le même tiroir dans l’obscurité. Problème : lorsqu’il ressort ce matériel du tiroir obscur, il observe que la feuille photosensible a réagi. Il vient de découvrir par hasard un nouveau rayonnement. On parle de sérendipité. Il émet alors une autre hypothèse : il existerait un rayonnement propre à la nature même de l’uranium pur. Il en déduit que, si c’est le cas, de l’uranium pur devrait faire réagir la plaque photosensible. Il élabore donc une  expérience  où il expose la plaque successivement à différents composés d’uranium et à d’autres corps phosphorescents.  Il démontre ainsi l’existence de cet autre rayonnement qu’il baptise rayon uranique. C’est la découverte de la radioactivité. Sa démarche a été hypotico-déductive.

IMG_20240301_153726.jpg M.N.

 

https://youtu.be/hoa2jdUJ1Bg?si=u2WMA2tSCXc_UYsf

 

Sérendipité : fait de faire par hasard une découverte qui s’avère utile par la suite.

Démarche hypothético-déductive : démarche qui consiste à faire une hypothèse dont on déduit les conséquences avant de les vérifier par l’expérience.   

c)     

Dans le même arrondissement de Paris, une jeune chercheuse d’origine polonaise Marie Curie née Sklodowska se montre très intéressée par les travaux d’Henri Becquerel. Elle décide d’en faire son sujet de thèse. Son mari, Pierre Curie la rejoint dans cette démarche. La coopération de ces deux scientifiques s’avère très fructueuse puisque que Pierre Curie met au point les instruments nécessaires à l’expérimentation élaborée par Marie Curie. Ils parviennent ainsi à mesurer l’intensité du rayonnement radioactif. En confrontant l’électricité produite par un minerai radioactif (la pechblende) dans une chambre d’ionisation à celle émise par un quartz piézoélectrique déformé, qui leur sert de référence, ils parviennent à mesurer la radioactivité des matériaux et à les distinguer par l’intensité de leur rayonnement. Problème : la pechblende est plus radioactive que l’uranium pur qui la compose en partie. Marie et Pierre Curie émettent donc l’hypothèse suivante : il existerait dans la pechblende au moins un autre matériau lui-même radioactif. Ils en déduisent qu’il serait possible d’isoler ce ou ces matériaux. C’est donc dans un hangar de l’école de physique qu’en 1898 qu’ils parviennent à isoler par traitement chimique à l’acide dans 400 tonnes de pechblende, un gramme de radium, un million de fois plus radioactif que l’uranium et un gramme de polonium, 400 fois plus radioactif que l’uranium.

Leurs travaux ainsi que cette découverte leur valent le prix Nobel en 1903 en association avec Henri Becquerel. Remarque : Pierre et Marie refusent de breveter leur découverte. Ils se conforment ainsi au principe d’universalité de la science. Ils partagent largement le résultat de leurs travaux. Ainsi, en 1911, après la mort de Pierre Curie en 1906, Marie Curie participe-t-elle au congrès Solvay qui réunit les plus grands scientifiques de l’époque dont Max Planck et Albert Einstein.

Piézoélectricité : propriété que possèdent certains matériaux de produire de l’électricité soumis à une contrainte mécanique.

IMG_20240302_153500.jpgM.N.

Reconstitution : https://www.youtube.com/watch?v=kr-PxtikM84&t=225s

II Concurrence, coopération et conflits autour de la radioactivité.

 «  Le radium ne doit enrichir personne. C’est un élément. Il appartient à tout le monde » Marie Curie 

a)      Premières applications médicales.

 

Dès 1905, l’action thérapeutique du radium sur les tumeurs de la peau et du col de l’utérus est reconnue.  La radiothérapie fait donc ses débuts dans les années 1906-1921 (création de la fondation Curie)  grâce à l’action de Marie Curie mais aussi de Claudius Regaud.A l’époque le radium apparaît comme la panacée. Des produits cosmétiques sont créés à base de radium. Pendant la Première Guerre mondiale, Marie Curie et sa fille contribuent à la mise en place d’un service de  radiologie mobile. Une vingtaine de véhicules radiologiques, « les petites Curie », circule auprès des armées. Mais  la radioactivité va trouver d’autres applications.

 

IMG_20240302_151817.jpg M.N.

 

b)      Oops ! : les progrès de la recherche fondamentale.

 

En 1934, Irène Joliot-Curie et son mari Frédéric Joliot-Curie  découvrent la radio activité artificielle en bombardant  de l’aluminium avec une particule émise par le radium. Il est donc possible d’obtenir de nouvelles formes de radioactivité en bombardant des éléments stables avec des particules (neutrons, protons etc). La même année, Enrico Fermi pense avoir découvert de nouveaux éléments qu’il baptise ausénium et hespérium en bombardant des noyaux d’uranium avec des neutrons. Il reçoit même le prix Nobel en 1938 pour cela. Seulement, il s’est trompé. En effet, en 1938, Otto Hahn reproduit et réussit la même expérience. Mais  Lise Meitner qui travaille avec lui  et son neveu  Otto Frisch, n’en tirent pas les mêmes conclusions. L’uranium ne s’est pas transmuté en éléments plus lourds, il s’est divisé en éléments plus légers en produisant de l’énergie. C’est la découverte de la fission nucléaire possible avec de l’uranium 235. Otto Hahn reçoit le prix Nobel en 1944. Lise Meitner est alors oubliée.

 

Recherche fondamentale : ensemble de recherche théorique dans le but d’élargir le champ des connaissances, sans finalité d’application spécifique.

Radioactivité artificielle : radioactivité qui n’est pas naturelle mais qui résulte de l’activité humaine.

 

https://www.youtube.com/watch?v=AAFtKU0NW3Q

 

https://www.arte.tv/fr/videos/090626-026-A/cherchez-la-femme/

 

c)      Vers un usage civil et militaire du nucléaire.  

 «  On peut concevoir encore que dans des mains criminelles le radium puisse devenir dangereux » Pierre Curie, Stockholm, 1905.

Enrico Fermi émet l’hypothèse que la fission nucléaire peut donner lieu à des réactions en chaine.  Or celle-ci peut servir à produire une bombe. En 1939, Albert Einstein écrit une lettre pour alerter le président américain Franklin Delano Roosevelt de la capacité de l’Allemagne nazie à produire une arme nucléaire. Il est vrai que les nazis initient leur projet baptisé Uranium en 1941.  Einstein  préconise la mise en place d’un programme destiné à fabriquer la bombe atomique. Le projet Manhattan est lancé en 1942. Il réunit de nombreux scientifiques comme Léo Szilàrd, Enrico Fermi et Robert Oppenheimer qui en est le responsable, Dès 1942, Enrico Fermi réalise la première pile atomique à Chicago. Il réalise ainsi la première réaction nucléaire en chaine artificielle. C’est le principe à la base des réacteurs nucléaires civils qui produisent la chaleur nécessaire aux turbines qui produisent l’électricité.                      https://www.youtube.com/watch?v=kS9bsvVwCWc

En lien étroit avec l’armée représentée par le général Leslie Groves, l’équipe du projet Manhattan parviennent à mettre au point une bombe. Le premier essai d’explosion nucléaire est réalisé le 16 juillet 1945 sur le site d’Alamo Gordo au Nouveau-Mexique. Or seulement trois semaines plus tard deux bombes, Little Boy et Fat Man mobilisant deux techniques différentes, sont larguées sur Hiroshima le 6 août puis sur Nagasaki le 9 août faisant respectivement 70 000 et 40 000 (chiffres discutés) victimes directes.

                             

d)                           Débats.

 

Des voix se sont exprimées contre l’usage militaire de la fission nucléaire Lise Meitner refusa de participer au projet Manhattan. Dès juillet 1945, Léo Szilard, diffuse une pétition (pétition Szilard) demandant sans succès nouveau président américain Harry Truman de faire la démonstration de la puissance de la bombe sans l’utiliser contre des personnes. Une fois la bombe utilisée, le physicien britannique Patrick Blackett considère que la bombe atomique est « la première opération d’importance  dans la guerre froide diplomatique ».  Einstein, Oppenheimer et Andrei Sakharov père de la bombe atomique soviétique, vont par la suite exprimer des regrets. En 1946, Léo Szilard et Albert Einstein  créent le comité d’urgence des scientifiques atomistes pour alerter l’opinion publique des dangers de la prolifération de l’arme atomique.

Malgré tout en 1949, les soviétiques se dotent de l’arme nucléaire. C’est l’amorce de l’équilibre de la terreur. En 1955, onze personnalités signent le manifeste Russel-Einstein qui alerte des dangers des armes nucléaires.

 

Conclusion : la découverte de la radioactivité est représentative de la façon dont la connaissance scientifique se produit. Elle illustre le fait que la démarche scientifique repose sur des hypothèses, des calculs et des expériences. Mais elle est aussi  faite d’erreurs, d’errements. La circulation de la connaissance scientifique est fondamentale pour  progresser. Le savoir scientifique nait donc de la coopération mais aussi de l’émulation liée à la concurrence.

 

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