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TES, TL
Titre : La mondialisation : processus et acteurs.
La
mondialisation est la mise en
relation des différentes parties du monde par la multiplication de flux
de natures diverses. Elle implique des acteurs
multiples. Elle s’amorce autour de la Méditerranée dans
l’antiquité. Elle se poursuit avec les grandes découvertes
à partir du XVème siècle et la mise en place des économies-monde selon
l’expression de Fernand Braudel. Elle connaît
déjà une première accélération au cours de
ce que Suzanne Berger appelle la « première mondialisation » entre 1870 et 1914 puis
une seconde à partir de la seconde guerre mondiale. A partir des
années 80, c’est l’ensemble de la planète qui
devient une économie-monde. Pour
Laurent Carroué ce « processus
géo historique multiséculaire [aboutit à une] extension
progressive du capitalisme à l’ensemble de l’espace
planétaire ».
Problématique : Comment expliquer cette accélération de la
mondialisation et l’extension
de son emprise ? Quels sont les acteurs et les dynamiques de ce processus ?
I Les choix des Etats ….
a)
..de promouvoir
le libre-échange
En
août 1941, F.D. Roosevelt, et W. Churchill se
rencontrent pour adopter la Charte de l’Atlantique. Parmi les
principes de cette déclaration figure la libre circulation des
marchandises. Les accords de Bretton Woods en 1944
cherchent à relancer les échanges en stabilisant les monnaies.
La création en 1947-1948 du General Agreement on Tariff and trade (GATT) s’inscrit
également dans cette logique. L’organisation mondiale du
commerce (OMC) est finalement créée en 1994 pour promouvoir
le libre échange et régler les conflits commerciaux.
GATT (general agreement on tariffs and trade) : accords multilatéraux destinés
à harmoniser les politiques douanières des pays associés.
Ces accords donnaient lieu régulièrement à des
négociations : les « rounds »
OMC :
organisation mondiale du commerce (siège à Genève). Elle
cherche promouvoir le libre échange et elle arbitre les litiges
commerciaux internationaux.
b)
… de
constituer des espaces d’intégration économique
En 1957, par le traité de Rome, 6
Etats européens décident de créer un marché
commun après avoir mis en commun leurs productions d’acier et
de charbon en 1951. S’amorce ainsi un processus d’intégration
économique régionale. Il existe désormais dans le
monde d’autres exemples de zones de libre-échange (ALENA depuis
1994) et d’unions douanières (MERCOSUR). Aujourd’hui des
négociations sont entamées pour créer une zone de
libre-échange transatlantique.
Zone de libre-échange : espace dans lequel les marchandises (parfois
les capitaux et les services ) circulent librement entre les états.
Marché commun : Espace économique où circulent librement les
marchandises, les capitaux et les services.
Union douanière : Les pays membres appliquent tous un tarif
extérieur commun aux importations en provenance d’un pays tiers.
Intégration :
processus
d’harmonisation des normes économiques et sociales et
d’ouverture des marchés dans une organisation économique.
c)
…, d’ouvrir leurs économies.
En Asie orientale, conformément à la théorie
du vol des oies sauvages, le Japon développe à partir des
années 60 les exportations de produits dont la valeur ajoutée
augmente progressivement. Ce modèle se diffuse ensuite aux quatre
dragons d’Asie (actuels NPIA) et aux bébés tigres
(NPI). En 1980, la Chine fait également le choix d’une ouverture
contrôlée de son économie en créant des zones
économiques spéciales à partir de 1984 (ZES).
Théorie du vol des oies sauvages : théorie
développée dès les années 30 au Japon selon
laquelle, le développement d’une production peut reposer, dans un
premier temps, sur l’importation et le transfert de
technologies, puis sur un production nationale destinée
à satisfaire les besoins locaux puis les marchés étrangers
grâce à l’exportation. Dans une dernière
phase, il devient plus avantageux de délocaliser cette production
et d’en développer une autre.
Quatre dragons : pays asiatiques ayant connu un développement rapide
à partir des années 60. Appelés, un temps, nouveaux pays
industrialisés asiatiques (NPIA), ce sont désormais des pays
développés. Il s’agit de la Corée du Sud, de
Taïwan et de Singapour. Hong Kong, désormais rétrocédée
à la Chine est un cas particulier dans cette liste.
Bébés tigres : pays asiatiques ayant connu un
développement rapide à partir des années 70. On peut les
qualifier de nouveaux pays industrialisés (NPI) Thaïlande, la
Malaisie, l’Indonésie, les Philippines
Zones économiques spéciales (ZES) : Zones
économiques côtières ouvertes par la Chine communiste aux
investissements étrangers. Les entreprises étrangères y
bénéficient du faible coût de la main d’œuvre et
d’une fiscalité avantageuse.
d)
..et de
déréguler les transactions financières.
De
ce point de vue la décennie 80
est un tournant dans l’histoire de la mondialisation. Dès 1979, le contrôle des changes est aboli
en Grande-Bretagne, la dérèglementation
financière est décidée aux Etats-Unis. En 1986,
c’est également en le cas France. L’année suivante
est crée « Globex Alliance », le première
système de négociation électronique international
fonctionnant 24h sur 24. On peut désormais parler de globalisation
financière.
Globalisation financière : création d’un
réseau interconnecté de places financières accompagnant
l’augmentation et la dématérialisation des flux de
capitaux.
Globex alliance : système informatique fonctionnant 24h/24h entre les
places financières de New York, Londres et Tokyo
II …ainsi que l’évolution du
contexte social, économique et technique,
a)
….caractérisé
par des progrès en matière de communication,
Dans
le domaine du transport, la conteneurisation et le
développement de l’intermodalité ont favorisé l’essor
du commerce de marchandises. La tendance est également au gigantisme. Après les supertankers, ce sont les porte-conteneurs (le Jules Verne) et
les avions de lignes (A380-Boeing
747-400) qui s’engagent dans la course aux capacités de
transport. Dans le domaine des télécommunications, c’est
l’ouverture d’internet
au public dans la deuxième moitié des années 80 aux
Etats-Unis et au début des années 90 en Europe qui constitue une
véritable révolution. Ce système est
complété par la constitution d’un vaste réseau satellitaire depuis le début de la
conquête spatiale.
Conteneurisation : mode de transport par caisses de dimensions
normalisées. Le conteneur de base est la boîte de 20 pieds de
long.
Intermodalité :
système de transbordement permettant d’utiliser des moyens de
transport complémentaires, en supprimant les ruptures de charge
d’un mode de transport à l’autre.
b)
… par la
diffusion d’un modèle de consommation
Depuis
la fin de la seconde guerre mondiale, se développent dans le monde des habitudes de consommation en relation
avec l’élévation du
niveau de vie et avec la diffusion
d’un mode de vie : l’american way of life.
Dès 1958, l’américain John Kenneth Galbraith évoque la constitution
d’une société d’abondance (affluent society) où les
entreprises imposent des produits aux consommateurs. En France, le philosophe Jean
Baudrillard parle de société
de consommation.
Société de
consommation : société
des pays développés où la raison d’être
principale est l’acquisition de biens matériels ou de services
sans cesse renouvelée.
c)
et par la
persistance de fortes disparités à l’échelle du
monde
En dépit du
développement et de la diffusion de certains modes de vie, on ne peut
pas parler d’uniformisation des
normes économiques et sociales. La carte des IDH témoigne des
inégalités de
développement. On
observe aussi des disparités
en matière de salaires, de protection sociale, de qualification ainsi
que l’inégale qualité du système péri-productif. Ceci explique que les
conditions de production soient différentes d’un pays à
l’autre. La main d’œuvre bon marché ne se trouve pas
forcément là où le marché est solvable. Les
capacités d’innovations ne sont pas forcément là
où les conditions de production sont les plus avantageuses. Ces
conditions….
Système périproductif : ensemble des services nécessaires
à l’activité industrielle.
III …permettent aux firmes transnationales de
définir leurs stratégies à l’échelle
mondiale.
a)
Les firmes
transnationales…
Il
y a dans le monde entre 70 et 80000 (les sources sont
contradictoires sur ce chiffe). Elles contrôlent entre 700 et 850000
filiales. Ce sont selon L.Carroué
des « acteurs centraux de la mondialisation ». Les
200 transnationales les plus
importantes réalisent entre ¼ et 1/5 de la richesse du
monde. Le seul commerce des transnationales représente 2/3 du commerce
international. Les 4/5 des firmes transnationales sont originaires
des pays développés. S. Agostino, distingue plusieurs
catégories d’entreprises transnationales :
les primaires, qui produisent des matières premières ou des
produits agricoles ; celles qui s'implantent à
l'étranger pour réduire les coûts (Nike) ; celles
produisant à l'étranger pour ne pas avoir à exporter
(Toyota) ; celles produisant des biens immatériels (formations,
logiciels) comme Windows.
Multinationale : entreprise contrôlant des filiales dans
plusieurs pays.
Transnationale : firme ou société mère, dont
le chiffre d’affaire est d’au moins 500 millions de dollars,
réalisant plus de 25 % de ses productions et de ses échanges avec
des filiales implantées dans au moins 6 pays différents
(ONU, 1973). Les firmes transnationales sont des entreprises ayant des
filiales dispersées dans le monde entier mais avec de solides bases
nationales.
b)
…..et
leurs stratégies,
Les
stratégies des entreprises transnationales sont mondiales.
Elles ont pour objectif de produire au moindre coût et de
conquérir des marchés. Leurs pratiques sont multiples. Elles
réalisent des alliances, des fusions et des partenariats.
Dans le secteur de l’automobile, on peut évoquer la tentative
récente de rapprochement entre Peugeot et General Motors. On peut
également citer l’alliance désormais
solide entre Renault et Nissan (1999) qui développent des modèles
sur des plateformes communes. On attend de ces partenariats des synergies et
des économies d’échelle.
Les
stratégies des firmes transnationales passent
également par des investissements directs à
l'étranger (IDE) et des délocalisations.
Ces
pratiques ont deux objectifs majeurs : l’implantation
dans certains marchés et la recherche de coûts de
productions faibles grâce notamment à une main
d’œuvre bon marché. Dans le premier cas, on peut citer le cas
de Toyota venu produire sa petite citadine, la « Yaris » à Onnaing près de
Valencienne, à proximité immédiate de la dorsale européenne. Dans le
second cas, on peut évoquer la stratégie de délocalisation
déguisée de Renault qui a fait l’acquisition
de Dacia pour produire des véhicules
destinés à l’origine aux PECO. Mais
désormais ces véhicules (logan, sandero, duster, etc ) produits en Roumanie, en Turquie et depuis
peu au Maroc sont vendus en France. Aujourd’hui, plus de la moitié
(1.9 millions) des voitures de marques françaises (3.6 millions) est
fabriquée à l’étranger (chiffres 2011). Toujours
dans une logique de réduction des coûts de production, la
courbe du sourire désigne le processus de réalisation
d’un produit à l’origine de la compétitivité
des grandes FTN. A gauche de la courbe en forme de U se trouvent la recherche-développement,
l’idée, la conception. Au milieu au bas de la courbe figure
l’assemblage. A droite, au sommet de la deuxième branche du U
figure le marketing et la distribution. C’est aux deux
extrémités de la courbe que l’on gagne beaucoup
d’argent. Le « smiley »
ainsi dessiné illustre bien la satisfaction des dirigeants d’Apple
qui réalisent un bénéfice de 36% du prix de gros pour
un ipod 30 go assemblé en
Chine ou ailleurs (2007). [F. ZAKARIA]
Synergies :
mise en commun des efforts et coordination des actions pour réaliser
quelque chose tout en économisant les moyens.
Economies
d’échelles : baisse
du coût unitaire de production d’un produit compte tenu de
l’augmentation des en quantités produites.
Investissements directs
à l'étranger (IDE) : création
ou achat de firmes commerciales, industrielles ou financières à
l'étranger.
Délocalisation : transfert de tout ou partie d’une activité à
l’étranger afin de la réimporter, à moindre
coût, sur le territoire national.
Recherche-développement : recherche destinée à avoir des
retombées rapides dans le domaine de la production.
c)
..contribuent
donc à la mise en place d’une division internationale du travail.
Les transnationales
choisissent de façon « hyperselective »
la localisation de leurs activités. Les Etats font par ailleurs valoir leurs avantages comparatifs. Cela contribue
à la division internationale du travail (DIT).Pendant longtemps, celle-ci a été dominée par
les pays dits industrialisés qui conservaient les activités de
direction, de financement, de commercialisation et de recherche-développement, tandis que la recherche
d’une main d’œuvre bon marché les poussaient à
installer les activités d’assemblage dans des pays en
développement qualifiés souvent de pays ateliers. La donne a cependant changé avec
l’émergence de nouvelles puissances. Aujourd’hui certains anciens pays ateliers comme Taïwan ou la
Corée du Sud sont devenus des puissances
industrielles de premier plan en remontant les filières de production (de l’assemblage
manuel aux robots-machines). Leurs économies délocalisent
à leur tour. Par ailleurs, on a longtemps cru que les activités
de services ne connaîtraient pas le sort des délocalisations. Ce
n’est pas le cas comme on peut le voir avec la problématique des plateformes d’assistance ou de commercialisation
téléphonique.
Cette situation ne va
pas sans poser quelques problèmes sociaux. Certes, l'activité des FTN permet de gonfler les PNB des Etats d'origine. Mais il est
désormais reconnu que les délocalisations ont des
conséquences négatives sur l’emploi. Selon une enquête INSEE publiée en
2010, le nombre des emplois (industriels et tertiaires) qui seraient
détruits par les délocalisations serait de 36000 par an. Dans les pays d’accueil des filiales d’assemblage
des FTN, cette organisation maintient des normes de
protection sociale d’un niveau faible. Certains Etats sont tentés
de faire du dumping social. Ils attirent les investissements en imposant des
rémunérations faibles et une législation du travail
limitée.
Dumping social : pratique de certains États consistant à
réduire la législation en matière de droit du travail et
à accepter un niveau de salaire faible afin d’attirer les
investissements d’entreprises étrangères.
Conclusion : La mondialisation est donc un processus
multiséculaire qui résulte de la combinaison de nombreux
facteurs. Son accélération récente s’explique par la
conjonction de nombreux facteurs qu’ils soient économiques, techniques,
sociaux ou politiques. Par ailleurs, la mondialisation implique de nombreux
acteurs. Les Etats par leurs choix en matière d’orientation
économique ont contribué à favoriser le
développement des échanges.
Les entreprises, notamment les firmes transnationales mettent à
profit le contexte économique, social et technique pour organiser et
optimiser leurs activités. Elles entretiennent dans les
sociétés dont le pouvoir d’achat est relativement
élevé des habitudes de consommation qu’un marché
organisé à l’échelle mondiale est sensé
satisfaire. Il résulte de cela une organisation de l’espace
économique, des logiques de développement et une
répartition du pouvoir qui ne vont pas sans susciter quelques
interrogations. Les processus de libéralisation et d’intégration
économique ne remet-il pas en cause le rôle des Etats ?
Entretiennent-ils les inégalités ou les
réduisent-ils ? Les modèles de croissance et de
développement de la mondialisation sont-ils compatibles avec une gestion
durable de notre planète ?
Auteur :
Nérée Manuel
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Dernière mise à jour : 10/13
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