Série : TL
Intégration, développement, environnement et
souveraineté : la mondialisation en débat.
En 2016, Donald Trump, faisait reposer une partie de sa campagne
électorale sur la promesse de la relocalisation des certaines activités industrielles
et sur le retour au protectionnisme par la fermeture du marché américain aux
importations. On peut discuter la faisabilité de son programme, mais il trouve
un écho favorable dans une partie de la population américaine qui s'estime
lésée par la mondialisation.
Il convient donc de s'interroger sur les
conséquences de ce processus en se demandant si la mondialisation est un facteur de développement généralisé ou si, au
contraire, elle contribue à aggraver les inégalités. On peut également se demander
si les modèles de développement qui ont permis la mondialisation sont
compatibles avec la préservation de notre environnement et de nos ressources.
Enfin, dans un contexte de libéralisation croissante des échanges et sur fond
de crise, on peut s’interroger sur le devenir de la souveraineté des Etats et
des peuples.
Mondialisation : on peut la définir
aussi comme le processus d'intégration de l'ensemble des économies nationales
au sein d'un marché global
I Au sujet de la
participation aux flux de l’économie planétaire,…
a) …on observe une
intégration croissante des différentes parties du monde.
Ainsi, les flux de biens, de personnes, de
capitaux et d’informations n’ont pas cessé d’augmenter dans la deuxième moitié
du 20ème siècle. Le
nombre de migrants dans le monde est passé de 82 millions migrants
internationaux en 1970 à 230 millions en 2013 selon l'ONU. Les arrivées
de touristes dans le monde s’élèvent aujourd’hui à 880 millions de
personnes. Entre 1948 et 1993, le volume des échanges de biens a été
multiplié par douze. Le montant global des transactions financières
journalières est estimé à 8000 milliards de dollars (2010). Pour finir, il
y a aujourd’hui dans le monde plus de trois milliards d’internautes (2016). On
peut donc désormais parler de globalisation
dans la mesure où toutes les parties du monde semblent désormais concernées par
les flux de la mondialisation, notamment dans le cadre de la DIT ou NDIT
conformément à la théorie des avantages comparatifs.
b) Mais les flux de la
mondialisation restent dissymétriques
D’abord, l’étude des flux révèle l’inégale intégration des différentes
parties du monde. Trois pôles, l’Amérique du nord, l’Union européenne et
l’Asie orientale, réalisent à eux
seuls 80% des échanges. Ils forment la Triade selon
l’expression de Kenichi Ohmae. Ils attirent également l’essentiel
des flux migratoires dont l’orientation principale est
dirigée du sud vers le nord.
Cela illustre le caractère économique de beaucoup de ces
déplacements. Aujourd’hui, 75% des migrants sont originaires
du Sud. Les flux touristiques sont surtout
des flux nord-nord. 80 % des départs et des arrivées concernent les
pays développés. Les pays en retard de
développement ne sont donc pas exclus de la mondialisation, mais ils sont
dominés. Ainsi, Sylvie Brunel signale que le continent
africain ne représente que 2% des échanges internationaux. L’ensemble du monde participe donc à la mondialisation mais de façon
inégale. Les pays du sud reçoivent de façon inégale les investissements.
Cette inégale intégration tend-t-elle à
diminuer ? Il semblerait que, de ce point de vue, les trajectoires soient
divergentes. On constate en effet une intégration croissante des pays d’Asie,
pour le reste, la part des pays en développement dans le commerce mondial semble
se réduire.
Par ailleurs, dans le domaine agricole, la
participation à la mondialisation peut avoir des conséquences négatives pour
les productions des pays peu développés. On peut citer les cas du maïs
mexicains [vidéo],
du poulet africain, du coton malien ou du riz haïtien [article] mis en
concurrence avec des importations subventionnées en provenance des pays
du « Nord ». De plus la déréglementation
des échanges agricoles, provoque l’attribution croissante des meilleures terres aux cultures
d'exportation au détriment des cultures
vivrières nécessaires à la survie des populations.
II Au sujet des
inégalités,..
a)
...les uns soutiennent que la mondialisation permet la
convergence des niveaux de vie [Boltho Tobiolo Melchior]
Ils constatent d’abord qu’une augmentation de la production mondiale
accompagne l’augmentation des échanges. Ils soutiennent d’ailleurs que dans
le même temps l’IDH moyen mondial
augmente passant de 0,597 en 1990 à 0,711 en 2014. Ils donnent également
comme exemple celui de l’ouverture des
pays d’Asie orientale et de leur croissance spectaculaire. Certains pays
faisant d’ailleurs le choix de remonter
des filières de production en augmentant la valeur ajoutée des produits réalisés. Ainsi, il y a 20 ans, on
vivait 20 fois mieux en moyenne en France qu'en Chine. Aujourd'hui, en France,
on vit "seulement" 10 fois mieux. Le Mozambique est un autre exemple
de pays qui depuis qui a intégré l’OMC en 1995 connait des taux de croissance
supérieurs à 8%. Plus finement, une étude du coefficient de Gini pour
plusieurs dizaines de pays démontre que depuis 1989, les inégalités entre pays
semblent diminuer après avoir augmenté aux 19ème et 20ème
siècles. Dans ces conditions, la
mondialisation peut être un facteur de rattrapage,
de convergence économique. L’aide
publique au développement y contribue d’ailleurs.
Développement : amélioration
du niveau de vie au bénéfice du plus grand nombre.
Croissance : augmentation
durable de la production de biens et de services.
Coefficient
de Gini :
grâce au PIB par habitant il est possible de dessiner la courbe de Lorenz. C’est une représentation
simple de la répartition de la richesse. Elle met, en effet, en relation
les pourcentages cumulés du revenu
national et de la population.
Plus la répartition du revenu est inégalitaire plus la courbe s'éloigne de la
bissectrice. La courbe de Gini est le rapport entre, d’une part, la surface qui sépare la courbe et la
bissectrice et, d’autre part, la surface totale du demi-carré. Plus
l'indice se rapproche de 1 plus la distribution du revenu est inégalitaire.
b)
les autres voient en elle un facteur d’aggravation des
écarts de développement. [Pritchett , Bourguignon, Morisson, O'Rourke]
Si la production mondiale a été multipliée
par neuf entre 1950 et 2000, la distribution des revenus est restée très
inégalitaire. La pauvreté demeure.
Elle touche 1/10 de l'humanité. Le nombre de personnes vivant avec moins de
1.9$ par jour est de 700 millions font constater que ce chiffre baisse. La
lecture de cartes de l’IDH ou du PIB/ha. PPA confirme le maintien des inégalités entre Etats. Le Niger
possède le triste privilège d’avoir l’IDH le plus bas (0,304), tandis que la
Norvège peut se targuer d’avoir le plus élevé (0,955). Lorsqu’on s’intéresse
aux extrêmes justement, on observe que l'écart
de revenu entre les pays les plus riches et les pays les plus pauvres augmente .
Mais, c’est au niveau des inégalités
internes, c'est-à-dire des inégalités de revenus à l’intérieur des états,
que l’accroissement de l’écart de revenu
est le plus flagrant. Il touche
notamment les pays développés puisque les ¾ des pays de l’OCDE sont concernés. La
part du revenu national allant aux seuls 10% des plus gros revenus est de 37%
en Europe, 41% en Chine, 46% en Russie. Certains voient dans les changements radicaux
liés à la mise en concurrence à l’échelle mondiale des économies l’origine de
l’accroissement des disparités. Certains considèrent également que le maintien
des inégalités est lié à la logique de dumping
social dans un certain nombre de pays ateliers.
c)
Ils prônent donc la démondialisation
C’est en 2002 que le philippin, Walden
Bello propose pour la première fois le principe de démondialisation, dans son ouvrage intitulé : Deglobalization, Ideas for a New World
Economy. Il est suivi par Frédéric
Lordon, Jacques Sapir et Emmanuel
Todd. Pour faire simple, les tenants de la démondialisation, proposent un protectionnisme sélectif et une nouvelle régulation financière. Leurs
détracteurs leur répondent que la
mondialisation n’est pas responsable de toutes les destructions d’emplois
notamment dans les pays développés. A titre d’exemple, en France sur les 7000
emplois détruits dans l'industrie manufacturière entre 1987 et 2007 seuls 10% résultent directement des
délocalisations. Mais François Bourguignon note cependant que 30 %
de ces destructions doivent être attribuées aux conséquences de la création dans le sud d’activités équivalentes
à celle des pays du nord. Un autre argument est souvent retenu contre les tenants
de la démondialisation. Il s’appuie sur le caractère
multinational de certaines productions. Comment pourrait-on promouvoir le
« made in » national et prendre des mesures protectionnistes lorsque
les composants sont importés du monde entier et réciproquement ? Pour
terminer, certains avancent que la démondialisation
compromettrait le développement de certains pays du sud.
Protectionnisme : politique
économique consistant à protéger la production nationale de la concurrence
étrangère par des mesures de protection douanière.
III Au sujet de
l’environnement,
a) ….un consensus semble
se faire au sujet des conséquences du modèle de mondialisation sur notre
planète.
D’abord la mondialisation et la croissance
reposent depuis longtemps sur l’exploitation de ressources mondiales non renouvelables. Dans le domaine de
l’énergie, aujourd’hui encore, les ressources fossiles (pétrole, gaz, charbon)
représentent 80% de la production énergétique mondiale contre 13 % pour les
énergies renouvelables (biomasse, hydraulique, géothermie, éolien, énergie
solaire) et 8 % pour le nucléaire.
Désormais, l’exploitation du gaz de schiste crée également un risque technologique (Corentin) De plus
le modèle industriel de développement
qui a accompagné la mondialisation est polluant.
On observe que les pays les plus industrialisés
sont les plus grands émetteurs de GES. Un américain produirait ainsi autant
de GES que 19 indiens ou 269 Népalais. Au total, le transport maritime de
marchandises représenterait 1.25 milliards de tonnes de CO2, soit 5%des
émissions totales.
Energies
fossiles non renouvelables : ensemble des sources
d’énergie que l’on trouve à l’état naturel dans le sous-sol et qui ne se
renouvellent pas à une échelle de temps humaine (plusieurs millions d’années
nécessaires)
b) Mais une réponse
globale tarde cependant à venir.
Dès 1968-1972, le « Club de Rome » (Organisation Non Gouvernementale)
démontrait l’existence d’une distorsion
entre le caractère fini des ressources mondiales
et l’intensité du prélèvement et
préconisait une « croissance zéro »
(rapport Meadows). En 1987, la
commission Brundtland développait
une nouvelle notion : le développement
durable. Ce concept fut repris par
la conférence de Rio en 1992 et par l’OMC
en 1995 (Alexandra). Des organisations non gouvernementales
(ONG) comme le WWF, militent pour une gestion mondiale de la question de la biodiversité (Anaëlle). Ainsi à
partir de 1997, fut mis au point le protocole
de Kyoto. Il cherche à coordonner les politiques des Etats pour lutter contre l’émission de GES et maintenir la biodiversité. Depuis plusieurs sommets internationaux ont
été des échecs. Les espoirs reposent actuellement sur les accords de la COP21
signés l'an dernier. Si les EU et la Chine ont ratifié cet accord on est encore;
loin des 55 signatures d' Etats
représentatifs de 55% des émission de gaz à effet de serre nécessaires pour que
cet accord entre en vigueur. En 2017, Donald Trump a annoncé le retrait des
Etats-Unis des accords. Enfin, certains
considèrent que la notion de
développement durable inscrit toujours la mondialisation dans une logique de croissance. Or à leurs yeux, seule la décroissance, pourrait permettre d’améliorer le niveau de vie
général tout en préservant les ressources de la planète.
Décroissance : ensemble de
thèses qui prônent l’amélioration du niveau de vie du plus grand nombre
associée à une réduction de l’activité économique pour tenir compte des
capacités réelles de la planète.
Commission
Brundtland :
commission formée par des initiatives privées destinée à réfléchir sur le
développement et la protection de l’environnement.
Développement
durable :
développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité
des générations futures de répondre aux leurs. Selon certains auteurs [Olivier
Godard], le développement durable cherche à assurer : « la durabilité
écologique, la viabilité économique et l’équité sociale ».
IV Au sujet de la
souveraineté,
a) …l’Etat semble remis
en cause dans le contexte de la mondialisation.
Pour commencer, un certain nombre d’Etats,
dans une logique libérale, se sont eux-mêmes, délestés de certains de leurs
pouvoirs. Ainsi dans les années 80, à l'initiative de M.Thatcher et de R.
Reagan, les marchés financiers ont été largement dérégulés. Les Etats ont perdu
ainsi une partie de leurs moyens de contrôle. Par ailleurs, la constitution
d’espaces régionaux de libre échange, l’abaissement des tarifs douaniers dans
le contexte de l’OMC peuvent être perçus comme des remises en cause
des frontières et de leurs fonctions. On parle à ce titre de défonctionnalisation des frontières. Cette impression de perte de souveraineté peut également être
renforcée par la politique menée par les
institutions supranationales. Par exemple, en décembre 2011, dans le contexte de la crise de la dette et de
l'Euro, le sommet européen a décidé
de modifier les traités européens sans
consulter la souveraineté populaire. Or, ces modifications autorisent la
Commission européenne non élue à contrôler et à sanctionner le budget de
gouvernements élus. La situation actuelle de la Grèce peut également être
perçue comme une perte de souveraineté. Au sujet du CETA, on peut rappeler à
l'issue de notre enquête en Belgique que les Tribunaux d'arbitrage pouvait servir à des FTN pour contester les lois adoptées par des Etats.
Frontières : limite
séparant la souveraineté de deux Etats.
Souveraineté : autorité de l’Etat sur
son territoire. En principe, en démocratie cette autorité procède du peuple.
Ainsi désigne-t-on la volonté du peuple comme étant la souveraineté populaire.
b) Il continue pourtant à
jouer un rôle majeur.
La crise de 2008 rappelle que les Etats peuvent être des acteurs clés de
la mondialisation. De nombreuses voix se sont élevées pour rappeler la
nécessité de la régulation financière. Aux Etats-Unis pour sortir
l’économie de la crise, la Banque Fédérale américaine, la « fed. »,
n’a pas hésité à injecter de nombreuses liquidités pour favoriser
l’investissement et la consommation. On peut noter également que les frontières
restent actives dans le monde. M. Foucher considère que, malgré tout,
dans un contexte de mondialisation et
d’ouverture croissante des économies, on assiste, en réalité, à un processus
généralisé de reterritorialisation à
l’intérieur de frontières. Le monde contemporain est encore structuré par
248000 km de frontières (2007).Entre 1991 et 2007, plus de 26000 km de
nouvelles frontières ont été institués. Les frontières restent des enjeux de
conflits comme en témoignent les revendications japonaises et chinoises
concernant les îles Senkaku ou Diaoyu [voir la fiche
d'Hugo].
Dans un contexte de multiplication des flux, l’affirmation de la frontière peut
correspondre à une mise en scène de la
souveraineté des Etats. C’est dans ce cadre que peut se comprendre le
processus de « barrièrisation »
de certaines frontières. Ainsi, le
modèle de la frontière-clôture (avec des moyens de contrôle plus ou moins
sophistiqués) représente 18000 km de long dans le monde. Ce chiffre
progresse. La Grèce a clôturé douze
kilomètres de frontières. La Hongrie a établi des barbelés à sa frontière dans
le contexte de la crise des migrants. Donald Trump propose de prolonger la
partie sécurisée de la frontière avec le Mexique. Enfin, la mondialisation semble déplacer l'effet frontière vers les points de
transferts, comme les zones de transit dans les aéroports ou les ports. La
mondialisation n'abolit pas les frontières. Dans certains cas, elle les déplace
ou elle les atténue (Schengen), dans d’autres, elle les affirme.
Conclusion :
On observe donc la concomitance d’un certain
nombre de phénomènes dans le contexte de la mondialisation. La question reste
discutée de savoir si la mondialisation est responsable de ces évolutions. Cela
concerne notamment le développement. Les tendances peuvent d’ailleurs être
contradictoires. Selon le point de vue ou les critères, les inégalités se
réduisent ou augmentent avec la mondialisation. Les frontières semblent se
dissoudre par endroit et se renforcer ailleurs. Les Etats ouvrent leurs
économies tout en craignant de voir leurs souverainetés remises en cause. Pour
finir, le modèle économique lié à la croissance semble difficilement compatible
avec les capacités de notre planète mais c’est à l’échelle mondiale que des
réponses devront être trouvées. C’est donc en finalement en fonction de ses
convictions mais aussi de sa place dans la mondialisation que l’on est amené à
répondre à la question de savoir si la mondialisation est une bonne chose. Si
on fait partie des gagnants de la globalisation on peut tenir un discours sur
les vertus du libre échange en matière de croissance et par extension de
développement. Si on est marginalisé, ou déclassé, on peut être convaincu du
contraire. La crise actuelle semble signaler que la mondialisation mérite au
moins d’être régulée.
Bibliographie :
LEONARD
Y. (sd.), Mondialisation et inégalités, cahiers français 305 novembre décembre 2001.
[CDI]
TRONQUOY
Ph. (sd.), La France mondialisée ?,
Cahiers français, la documentation française,
n°367. [CDI]
BOURGUIGNON
F., La mondialisation des inégalités, La République des idées, Seuil, 2012.
FOUCHER M., L’obsession des frontières, Perrin, 2007.
FOUCHER M., Les nouveaux déséquilibres mondiaux, documentation photographique,
la documentation française, n°8072, nov-dec 2009
CARROUE
L., CHARVET J-P., CIATTONI A., DUPUY G., FAGNONI E., GILLON P., LOUVEAUX F.,
MACCAGLIA F., MECKDJIAN S., RAVENEL L., VEYRET Y., Géographie et géopolitique de la mondialisation, Initial, Hatier,
2011.
Dernière mise à jour : 01-18