TS, TES
Etude
de cas : hydrocarbures, géopolitique et territoire du continent américain.
Entre
tensions et intégration, entre développement et pollution
Au prix de 50 voire 60
$ le baril, le cours du pétrole connait
ces temps-ci des niveaux exceptionnellement
bas. Cette donnée nouvelle entre en jeu dans les rapports de puissances qui caractérisent le continent américain à l’heure
où se tient le septième sommet des Amériques. En effet, face à la superpuissance étatsunienne, des Etats
comme Cuba ou encore le Venezuela, lui-même exportateur de
pétrole, s’affirment comme les représentants d’un autre modèle résistant à
l’ «impérialisme » étasunien. Tandis que, le Brésil qui émerge aussi sur le marché mondial de l’or noir, entend
faire entendre sa voix.
Puissance :
capacité d’un Etat à combiner différents facteurs (économiques, territoriaux,
militaires, politiques, culturels) pour imposer sa volonté aux autres.
Géopolitique :
étude des relations entre les Etats et des données géographiques qui entre en
jeu dans les rapports de puissances.
On peut donc se demander si
l’évolution de la production et du marché des hydrocarbures sur le continent
américain a un impact sur les relations internationales. Si c’est le cas, on
peut également s’interroger sur les conséquences de l’exploitation de ces
ressources. Est-ce un facteur de croissance et de développement ? Une
telle mise en valeur est-elle compatible avec un développement durable ?
Quelles sont les dynamiques de la mise en valeur des territoires qui en
résulte ?
I Les
hydrocarbures sont un vieil enjeu des relations internationales en Amérique.
a) Ainsi
la situation héritée des 19ème et 20ème siècles….
(HS mais à savoir pour comprendre)
C’est en Pennsylvanie à Titusville qu’à lieu la première
exploitation de pétrole par forage
pétrolier en 1859. Par la suite, la carte des mises en exploitation a suivi
la trajectoire est-ouest traditionnelle du front
pionnier étasunien. Les techniques s’améliorent ensuite et rendent possible
la mise en exploitation des gisements
off-shore. Dès le 19ème siècle, les territoires latino-américains
s’affranchissent de la tutelle des métropoles européennes comme l’Espagne ou le
Portugal avec des figures charismatiques comme celle de Simon Bolivar qui reste
aujourd’hui encore une référence pour certains acteurs de la région. Cependant,
dès le début du 20ème siècle des compagnies comme la Standard Oil (Rockefeller)
partent à la conquête de nouveaux gisements au Mexique ou au Venezuela. Elles
confortent ainsi l’image d’un impérialisme
étatsunien se substituant à la colonisation européenne. Dans le contexte de
la guerre froide, c’est à la
tentative de renversement orchestrée par la CIA que Fidel Castro réagit en demandant le soutien soviétique. Dès février 1962, John Fitzgerald Kennedy place Cuba sous embargo. En octobre, 1962 éclate la crise des fusées de 1962. A la
fin de la guerre froide, d’autres puissances émergent sur le continent
américain comme le Venezuela, où l’ancien président Hugo Chavez n’a de cesse de contester
l’influence du grand voisin américain. Son Etat est alors qualifié par
l’administration américaine de rogue
state (Etat voyou), tout comme l’Iran d’ailleurs. Hugo Chavez est alors le
principal allié de Cuba dans la région. Il lui fournit le pétrole dans le cadre
du programme PETRO CARIBE. Cuba est
donc totalement dépendant du Venezuela pour son approvisionnement en pétrole.
Hugo Chavez cherche également à promouvoir une organisation régionale
concurrente de l’organisation des Etats Américains (OEA) sous
influence américaine : l’Alliance Bolivarienne pour les Amériques (ALBA).
Il y a donc sur le continent conflit et
intégration.
b) …évolue
très récemment avec la baisse du prix des hydrocarbures.
La baisse récente du prix des hydrocarbures n’est pas
sans répercutions sur les rapports de
forces qui animent le continent américain. Elle diminue les revenus des pays exportateurs. C’est le cas notamment
du Venezuela. Ce pays désormais
dirigé par le successeur d’Hugo Chavez,
Nicolas Maduro,
s’enfonce dans une crise économique et
sociale majeure. Le ravitaillement en produits de première nécessité
devient difficile. Dans ce contexte d’agitation sociale et politique
croissante, les Etats-Unis soutiennent
l’opposition et dénoncent les moyens
mis en œuvre par le gouvernement vénézuélien pour rétablir l’ordre. En
renouant le dialogue avec Cuba, Barack Obama isole en quelque sorte un peu plus le Venezuela.
Il faut savoir, en effet, qu’en 2013, Barack Obama et Raùl Castro,
successeur de son frère Fidel à la
tête du pays, ont l’occasion, en Afrique du sud, de se serrer la main. Plus
récemment en 2014, les deux hommes font un discours télévisé simultané. Le 17
décembre, les deux pays annoncent un rétablissement des relations
diplomatiques. On assiste actuellement à un assouplissement de l’embargo
(transferts d’argent moins limités,
exportations autorisées vers Cuba pour la construction, tourisme
américain facilité). Les deux responsables politiques se sont rencontrés cette
semaine au sommet des Amériques.
c) Les
causes de cette baisse sont multiples, externes et internes
Les Etats-Unis sont-ils à l’origine de la baisse du prix
du pétrole pour satisfaire des intérêts stratégiques ? Les explications sont-elles si simples ?
En réalité, il n’y
a pas un, mais des facteurs d’explication de la baisse du prix des
hydrocarbures en général.
La première explication est
liée à la contraction de la demande. Au rythme d’une augmentation de 7% par an de
la production industrielle, la croissance
chinoise n’est plus si rapide. La zone
euro, elle aussi grande consommatrice, commence à peine, semble-t-il, à
sortir de la crise.
La seconde explication est
liée à l’augmentation de l’offre. La
théorie du pic pétrolier prévoyait
un plafonnement puis une baisse de la production de pétrole compte tenu des
réserves limitées en 1970 puis en2010 et aujourd’hui en 2025 voire en 2050. Or,
depuis, de nouveaux gisements ont été découverts. C’est le cas en Argentine en
Patagonie (cadre clinquant de la fin du film Tetro). On a également des hydrocarbures conventionnels au
Brésil. La découverte du gisement Libra au large de Rio a été annoncée en 2010. Or la société
Brésilienne contrôlée par l’Etat, PETROBRAS, est actuellement au cœur d’un vaste scandale
financier qui implique des hommes politiques et des sociétés du BTP. On parle
parfois dans cette situation de malédiction
de l’or noir quand, du fait de la corruption,
les revenus du pétrole ne contribuent
pas à l’augmentation du niveau de vie de la population comme l’ont révélé
les manifestations sociales au moment de la coupe du monde de football.
De façon plus conjoncturelle, un gros producteur comme l’Arabie Saoudite maintient le niveau de ses exportations. Certains diront pour maintenir leur part de marché et affaiblir d’éventuels concurrents. D’autres, diront pour rendre moins rentable l’exploitation d’autres ressources comme les gaz et pétrole de « schiste »…
II
Des hydrocarbures non-conventionnels…
a) ….dont
l’exploitation …
Les Etats-Unis sont les
premiers avoir autorisé la mise en exploitation sur leur territoire des gaz et
des pétroles de « schiste » au moyen de la fracturation hydraulique. Dans les années 2000, cette mise en
exploitation s’est développée rapidement. Remarque : d’un point de vue scientifique , il serait plus rigoureux de dire gaz de roche mère. La roche dont le gaz
est extrait n’étant pas, la plupart du temps, du schiste.
Il y a aux Etats-Unis plus
de 493 000 puits de forage de gaz de schiste actifs (rigs).
Ils fournissent au pays des ressources énergétiques supplémentaires.
Désormais les gaz de « schiste » représentent 35% de la production de
gaz aux Etats-Unis (2013). Grâce au gaz de « schiste », la
production etatsunienne
totale de gaz (conventionnelle et non conventionnelle), couvre 90% des besoins
du pays. Le pays pourrait atteindre l’autosuffisance en 2020. Il faut ajouter à cela le développement de
l’exploitation du pétrole de schiste et des sables bitumineux aux Etats-Unis
mais aussi au Canada. Certains gisements sont d’ailleurs riches en pétrole et
en Gaz de « Schiste »
Dépendance
énergétique : c’est la dépendance aux importations pour la satisfaction des besoins
énergétiques. Elle se mesure grâce
au taux
d'indépendance énergétique. Celui-ci
est le rapport entre la production nationale d'énergies primaires et la
consommation en énergie primaire, une année donnée. (source :
INSEE)
Hydrocarbures
non-conventionnels : hydrocarbures emprisonnés dans de la
roche mère (ce n’est pas véritable du schiste) dont l’exploitation ne peut se
faire par un simple forage. Il faut pour cela mobiliser une technique pour « libérer » les hydrocarbures
présents dans la roche.
Développement durable :
développement permettant de satisfaire les besoins du moment sans
compromettre les capacités des générations futures à satisfaire de
même. Il doit concilier protection de l’environnement, viabilité
économique et la solidarité sociale.
Ressource : éléments
présent dans le milieu exploité par une société pour satisfaire
ses besoins.
b) …suppose
des infrastructures, des aménagements …
Dans le contexte de l’ALENA, le projet KEYSTONE XL est un
projet de pipeline qui doit
permettre d’acheminer le pétrole issu de l’exploitation des sables bitumineux
d’Alberta au Canada vers les raffineries du Texas. Il rencontre pour l’instant
l’opposition de Barack Obama et des
écologistes. Par ailleurs, les
Etats-Unis souhaiteraient se présenter en alternative à l’approvisionnement
russe auprès des pays de l’Union européenne qu’ils n’y parviendraient pas. En
effet, leurs capacités de liquéfaction de gaz pour le transport sont
insuffisantes. Il y a actuellement une
vingtaine de projets de terminaux de
liquéfaction pour exporter Gaz Naturel Liquéfie (GNL) comparable à celui de
Sabine Pass en Louisiane.
c) et un
contexte économiquement favorable
Dans un contexte
de prix du baril du pétrole conventionnel faible, l’exploitation des gaz de
« schiste » devient moins rentable compte tenu du prix de vente.
Certaines petites compagnies d’exploitation sont donc fragilisées et le rythme
de mise en service de plateformes d’exploitation se ralentit. Seuls sont
rentables les puits qui permettent d’exploiter du gaz et du pétrole de « schiste ».
III Se pose alors la question de la durabilité des
modèles de développement choisis.
a) La
question du gaz de schiste aux Etats-Unis
L’exploitation de
cette ressource ne va pas cependant sans certains aléas (schéma).une
telle exploitation présente des risques de pollution élevés.
Dans l’état actuel des capacités technologiques, l’eau consommée en grande
quantité (15000 à 20000 m3 par puits) peut être polluée par le
gaz et les produits chimiques nécessaires à la fracturation du sol, tout comme
l’air. Le phénomène peut être aggravé par l’émission de gaz à effet de
serre (GES) par les camions nécessaires à l’exploitation. Le paysage peut
également être dégradé par les infrastructures nécessaires au forage et au
traitement des produits bruts recueillis.
L’exploitation de gaz de roche mer nécessite un puits par km2. Pour
terminer, l’expérience montre que l’exploitation des gaz de
« schiste » peut être à l’origine de séismes de
faible magnitude. C’est le cas actuellement en Oklahoma Auquel
cas, l’exploitation deviendrait à son tour contraignante car
elle créerait des aléas technologiques.
Schéma
synthétique : le gaz de roche mère à l’épreuve des principes du développement durable.
Magnitude : énergie dégagée lors d’un séisme.
b) Les
autres problèmes posés par l’exploitation de ressources primaires sur le
continent américain.
Finalement, à y regarder de plus près, on observe que
cette question de la durabilité du modèle de développement choisi se pose
ailleurs sur le continent américain.
Au Brésil, par exemple, un projet de barrage est contesté pour
plusieurs raisons alors qu’il exploite une ressource renouvelable.
Conclusion :
L’étude de la question des
hydrocarbures au regard des intérêts du continent américain, fait apparaître de
nombreux enjeux à différentes échelles.
D’abord, la ressource est exploitée depuis
longtemps sur le continent. Avec la mise en en exploitation des hydrocarbures non-conventionnels, les
capacités de productions augmentent. Certains états ne se privent pas
d’utiliser leurs capacités de livraison pour influencer les autres. C’est un
aspect du soft power des Etats-Unis
ou du Venezuela. Dans le contexte actuel de faible prix des hydrocarbures, le
Venezuela est affaibli. Ceci fait les affaires des Etats-Unis qui dans le même
temps se rapprochent d’un vieil ennemi : Cuba. On perçoit donc également,
à l’étude de cette questions une partie des
tensions qui parcourent le continent (voir
la leçon intitulée Le continent américain entre tensions et intégrations
régionales)
On observe donc que la mise en valeur des territoires
américains renforce leur puissance, et contribue à leur croissance. Les
cartes des dynamiques territoriales aux Etats-Unis (croquis :
les dynamiques territoriales aux Etats-Unis) comme au Brésil (croquis :
les dynamiques territoriales au Brésil)
sont le reflet de l’évolution de cette mise en valeur.
Mais, ces choix d’exploitation sont plus discutables en termes de développement et de développement durable. Les revenus des
ressources primaires ne reviennent pas forcément aux populations. Les
conséquences négatives de ces exploitations sont nombreuses (schéma :
durabilité du modèle de développement lié aux gaz de schiste ; durabilité
du modèle de développement lié au projet de barrage de Belo
Horizonte).
Auteur : Nérée Manuel
Bibliographie :
PREVOT-SCHAPIRA MF, VELUT
S., Amérique Latine, les défis de l'émergence, La documentation photographique,
La documentation française, n°8089, La documentation française 2012.[CDI]
DE RAVIGAN A.,
Etats-Unis : du pétrole dans le gaz de schiste, Alternatives économiques
n°321, février 2013 ;
BARRE B., GRANDJEAN A,
Faut-il autoriser l ‘exploitation des gaz de schiste ? Cahiers français n°373, mars avril 2013.
Pétrole, le trop-plein, Le courrier international,
n°1267, 12-18 février 2015.
Dernière mise à jour :
04/15