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Titre : Mumbai : modernité et contrastes

 

Le titre a de quoi surprendre tant la «modernité» est un concept à utiliser avec prudence. Prenons un exemple en Inde justement. Dans ce pays, la Révolution verte a favorisé le développement de semences à hauts rendements. On peut y voir un signe de modernité. Mais on constate que les contraintes imposées par les semenciers ne permettent pas, parfois, aux agriculteurs de vivre de leurs activités. Certains migrent vers les villes (exode rural), d’autres se suicident. L'expérience de fourniture de semences autoproduites menées par Vandana Shiva peut alors apparaître comme une autre forme de modernité, permettant, par l’agriculture, de satisfaire les besoins d'une population. Pour en revenir à Mumbai (ex-Bombay), la question se pose essentiellement en termes de développement et d'intégration dans la mondialisation. La ville est-elle bien intégrée dans les flux de la mondialisation ? Est-elle connectée aux réseaux de communication dans le monde ? Quelle est sa contribution au poids économique croissant de l'Inde ? Cette métropole concentre-t-elle des fonctions de commandement ? C'est peut être en répondant à ces questions que nous révèlerons son éventuelle "modernité". Le développement doit, lui, assurer l'amélioration du niveau de vie au bénéfice du plus grand nombre. Dans le cas de Mumbai, mégapole de 23 millions d'habitants, on constate qu'en dépit de l'expansion de la ville, nombreux sont ceux qui demeurent exclus, marginalisés, ne vivant que des miettes de la croissance. Il convient donc de s'interroger sur les disparités socio-spatiales et sur les dynamiques susceptibles de modifier l'organisation de la ville. 

 

Problématique : En résumé, il s'agit de se demander comment évolue la métropole. Comment s’insère-t-elle dans la mondialisation ? Est-elle une ville globale ? Comment s'est elle développée ? L'a-t-elle fait de façon maitrisée ? Reste-elle marquée par de profondes disparités socio-spatiales ?

 

Dynamiques : évolution d’un territoire, qu’elle soit positive ou négative.

Développement : amélioration du niveau de vie du plus au bénéfice du plus grand nombre.

Disparité socio-spatiales : inégalités sociales traduites dans l’espace.

Mondialisation : mise en relation des différentes parties du monde par la multiplication de flux de natures diverses.

Révolution verte : profonde transformation des pratiques agricoles destinée à obtenir de hauts rendements et à satisfaire les besoins alimentaires des populations. Cela passe par l’élaboration de nouvelles variétés, par la chimisation et la mécanisation 

 

I Mumbai, d'une mondialisation à l'autre...

a)     D'un site initial, exploité durant la période coloniale...

La ville de Mumbai s’est développée d’abord sur un site littoral de presqu’île. Les Portugais puis les Anglais à partir de 1661, ont exploité la présence de ces iles, désormais reliées entre elles pour en faire un port. Donc dès la période coloniale, Mumbai exploite une situation de carrefour entre l’Inde et la métropole d’une part et entre les provinces du nord et celle du sud d’autre part. Elle s’inscrit dès lors dans des flux, déjà intenses pour l’époque, de personnes et de marchandises.

 

b)      ... la ville s'est étendue vers le nord et l'est....

 

Pour permettre ces échanges, les Britanniques développent des infrastructures de transport. Ainsi depuis les îles et le port du Sud, une voie ferroviaire se divise et se prolonge vers le nord selon deux axes. La ville s’étend alors dans deux directions vers le nord et l’est de part et d’autre du parc Sanjay Gandhi. C’est dans ces zones là qu’apparaissent les premiers ateliers de tissage et de filature. Désormais, l’étalement urbain se poursuit vers le nord, l’est et le sud. Le parc national et l’espace amphibie de la mangrove sont également grignotés par ce processus d’urbanisation.

 

Etalement urbain : extension de la ville vers sa périphérie

Urbanisation : -  extension des espaces urbains.

                         -  augmentation de la population urbaine dans la population totale.

 

c)     ...devenant un centre économique et décisionnel majeur en Inde

 

En un siècle, Mumbai qui comptait moins d’un million d’habitants est devenu aujourd’hui une mégapole de plus de 23 millions d’habitants. C’est un centre économique majeur. La chimie, la pharmacie, le diamant comptent parmi ses spécialités. Elle bénéfice de la délocalisation des activités de sous-traitance dans le contexte de la mondialisation. Cela concerne les applications informatiques (quartier d’Andheri), l’analyse de marchés, les centres d'appel multilingue, la finance, la comptabilité, les services juridiques. C’est aussi un centre financier de premier plan. La bourse de Mumbai est la première établie en Asie en 1875. Aujourd’hui, c’est la première place boursière du pays. Ces activités sont concentrées dans le quartier de Nariman. C’est également à Mumbai qu’est tourné un tiers des films indiens. Ceci explique l’expression Bollywood construite pour désigner à l’exportation un certain cinéma indien et favoriser son rayonnement international. C’est aujourd’hui encore un nœud de communication. Mumbai est desservie par le premier port et le premier aéroport du pays. Mumbai participe donc clairement à la mondialisation.

 

Mégapole : ville de plus de 8 millions d’habitants (ONU)

Délocalisation : transferts d’activités dont les productions sont destinées, en principe, à satisfaire les besoins des pays d’origine des investissements.

 

II …. se développe de façon duale.

 

a)     …Des centres  d’affaires et des quartiers  résidentiels  jouxtent

Dans le paysage, on peut distinguer par le caractère vertical de leurs aménagements, plusieurs quartiers d’affaires. On peut citer les quartiers d’Andheri, de Bandra Kurla ou de Navi Mumbai. Ce dernier correspond à la création d’une ville nouvelle à l’est de la Thane Creek. La ville de Mumbai est donc désormais polycentrique. Ces quartiers ont des fonctions décisionnelles majeures à l’échelle de l’Union indienne. On y trouve par exemple le siège social de la transnationale indienne Tata. Mumbai est désormais au 15ème  rang mondial pour le prix du m2 dans ses CBD. Cependant, ce n’est pas la capitale de l’Union indienne.

A proximité de ces CBD, on trouve des zones plus résidentielles, notamment à l’ouest. Certaines sont occupées par les classes moyennes émergentes en Inde, les autres par les catégories plus aisées.  On y trouve des centres commerciaux à l‘occidentale, comparables aux malls américains et des résidences de grand standing comme la maison la plus chère du monde. Il s’agit de l’Antilia House 27 étages, 37000 m², pour une seule famille.

 

CBD : central business district, centre d’affaire.

Malls : centres de consommation associant activités commerciales et récréatives.

 

b)     … des quartiers extrêmement pauvres

 

Le long  des axes ferroviaires mais aussi sur le littoral et dans le parc national se sont développés des quartiers d’habitat précaire : les slums. Là, la population dans une extrême pauvreté n’a accès ni à l’eau, ni à l’électricité. Seul un foyer sur six  a accès à l'eau courante. A Dharavi, le plus grand bidonville d’Inde vit 1million d’habitants sur 175 hectares.  On y dénombre un WC pour 1500 habitants. Cela donne une idée de la faiblesse du niveau d’équipement. Au total, 60% des habitants de Mumbai vivent dans ces bidonvilles ou dans les rues.

 

Slum : terme anglais désignant l'habitat précaire.

 

c)     … Il existe cependant des interactions entre ces  territoires.

 

Dans certains de ces quartiers s’est développée une importante économie informelle. Elle occupe les 2/3 des actifs de Mumbai, en relation souvent avec des activités économiques déclarées. Certaines tâches sont en effet parfois sous traitées dans de petits ateliers. Par ailleurs, certains slums occupent des terrains qui excitent l’appétit des spéculateurs fonciers compte tenu de leur situation.

 

Economie informelle : ensemble des activités qui échappent à la comptabilité nationale.

 

d)     … les limites du développement de Mumbai

 

L’aménagement urbain de Mumbai présente cependant encore des limites. Dans le domaine des transports, la ville a certes le privilège de posséder un réseau urbain relativement dense. Ainsi  les trains et les bus publics totalisent 88% des 11 à 12 millions  de déplacements journaliers.  A lui seul le réseau ferroviaire est emprunté par 6 millions de passagers par jour. Mais ces réseaux sont désormais insuffisants et connaissent des phénomènes de saturation. Des investissements sont donc prévus pour étendre le réseau de transport collectif. Des lignes de métro sont réalisées ou en cours de réalisation.  La persistance des bidonvilles même consolidés (basti) prouve par ailleurs que les logements restent très insuffisants.

 

Conclusion :

Mumbai est donc une mégapole. C’est également un centre productif et décisionnel. Par ailleurs, ces infrastructures lui permettent d’être un carrefour, un nœud  de communication.  Est-ce pour autant une ville globale inscrite dans la « modernité » mondialisée ? Non pas tout à fait. Ce n’est pas la capitale politique de l’Union indienne. Les disparités socio-spatiales extrêmement marquées restent le reflet d’un mal développement profond. Par ailleurs, les équipements présentent encore des insuffisances.

Mumbai est donc une ville mondiale de second rang. Mais son dynamisme en fait une ville en transition, à l’image d’une puissance émergente à la recherche d’un développement partagé.

 

Auteur : Nérée Manuel

Bibliographie :

LANDY F. , L’Inde ou le grand écart, La documentation photographique n°8060, 2007.

 

Dernière mise à jour : 03/17

 

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