L'Asie du Sud et de l'Est : les défis de la population et de la croissance.

 

L'ensemble constitué par le sous continent indien et l'Asie orientale est le plus peuplé au monde. Il représente 60 % de la population mondiale. A elles seules, la Chine et l'Inde abritent 1.4 et 1.3 milliards d'habitants. On trouve dans cette région du monde une grande diversité de situations économiques. Des pays riches et développés côtoient des économies émergentes et des Etats en grande difficulté. Il convient cependant de ne pas confondre croissance et développement. La croissance est une augmentation durable de la production de biens et de services, tandis que le développement est l'amélioration du niveau de vie au bénéfice du plus grand nombre.

 

Quelles sont les caractéristiques et les dynamiques des populations d’Asie du Sud et de l’Est ? Dans cette région du monde, la population est-elle un frein ou un facteur de croissance et de développement ? Les besoins de cette population sont-ils satisfaits par le développement ? D’un point de vue démographique, cette région est-elle homogène ?

 

I Les inégalités du peuplement et du dynamisme démographique se traduisent par ....

a) ... des densités inégales...

L'Asie du Sud et de l'Est abrite deux grands foyers de peuplement avec le sous-continent indien et le littoral Sud-Est du bloc continental eurasiatique. Mais la répartition de la population n'en demeure pas moins très inégale. Les densités exceptionnelles de grandes métropoles asiatiques supérieures à 10000 habitants au km2 comme à Tokyo ou Mumbay ne doivent pas faire oublier l'existence de régions bien moins peuplées comme dans l'ouest de la Chine (Tibet, Taklamakan). Il est vrai, cependant, que désormais la population urbaine l'emporte sur la population rurale si on raisonne à l'échelle régionale. On trouve une ville globale, Tokyo, une ville globale en devenir, Shanghai, plusieurs mégapoles comme Mumbay, des métropoles mondiales comme Hong Kong et Singapour.

 

Peuplement : répartition de la population sur un territoire donné.

Densité : nombre d'habitants par unité de surface. On retient en général le km2.

Foyer de peuplement  : région du monde caractérisée par de fortes concentrations de populations.

Métropole : ville du sommet de la hiérarchie urbaine qui concentre des fonctions décisionnelles.

Mégapole : ville dont la population est supérieure à 8 millions d'habitants

 

b) ...et des fécondités inégales.

On peut distinguer en Asie du Sud et de l'Est, trois grands groupes de pays. Dans le premier, l'indice synthétique de fécondité est désormais inférieur à 2.1 enfants par femme en âge de procréer. Dans le second, il est compris entre 2.1 et 4 enfants. Dans le dernier, le nombre d'enfants par femme en âge de procréer dépasse largement 4. Tous ces pays n'ont donc pas le même dynamisme démographique. Certains comme le Japon, Brunei ou Singapour ont achevé leur transition démographique. Les autres sont désormais bien avancés mais l'accroissement naturel élevé s'explique par un niveau de natalité encore relativement fort. Pour finir, les derniers sont en pleine transition démographique.

 

Indice synthétique de fécondité : nombre d'enfants par femmes en âge de procréer. 15-49 ans selon les démographes.

Démographie : étude quantitative d'une population et de ses dynamiques.

Transition démographique : passage d'un ancien régime démographique caractérisé par une natalité et une mortalité fortes à un nouveau régime démographique où la natalité et la mortalité sont faibles. Entre temps, l'accroissement naturel s'élève compte tenu d'une baisse de la mortalité qui précède la baisse de la natalité.

Taux de natalité : nombre de naissances d'une année par rapport à la population totale. S'exprime en pour mille.

Taux de mortalité : nombre de décès d'une année rapporté à la population totale. S'exprime également en pour mille.

 

Schéma 

 

c) Plusieurs explications entrent en jeu.

Pour commencer, on observe une relation entre le niveau de développement des pays et le dynamisme démographique. Plus un pays est pauvre et peu développé plus la natalité est élevée. Cela est lié à de nombreux phénomènes. Un nombre d'enfant élevé cela permet de compenser la mortalité, d'assurer une main d'œuvre et éventuellement un revenu à la famille et c'est l'assurance d'un soutien pour les plus âgés dans les sociétés traditionnelles. Par ailleurs, là où le développement est faible, l'information sur la contraception se diffuse plus difficilement.

Ensuite, certains de ces pays ont mené des politiques drastiques de limitation des naissances. La Chine a fait le choix à partir de 1979, de la politique de l'enfant unique. Elle a cependant annoncé en 2015, la fin de cette politique. En Inde, les autorités ont engagé dès les années 50 des politiques de planning familial plus ou moins sévères passant par la contraception mais aussi par la stérilisation définitive. Ces politiques ne sont pas sans conséquences : en Chine on observe un vieillissement de la population et certaines naissances ne sont pas déclarées. En Inde, la population est encore jeune mais on observe comme en Chine un déséquilibre du sexe-ratio. En Chine, on compte 116 hommes pour 100 femmes.

 

Sexe-ratio : rapport entre le nombre d'hommes et de femmes.

 

II Les disparités de la croissance et du développement sont liées à ...

a) des modèles de croissances différents.

Au sortir de la seconde guerre mondiale, la Japon adopte un modèle de développement basé sur l'ouverture progressive de l'économie associant l'Etat à de grands groupes industriels les keiretsu. Cette politique appelée la stratégie du "vol des oies sauvages" a ensuite été adoptée par les quatre dragons asiatiques (Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hong Kong-avant rétrocession à la Chine) et les bébés tigres (l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande). Après avoir suivi le modèle soviétique puis proposé son propre modèle communiste, la Chine fait aussi le choix d'une ouverture contrôlée à partir de 1980. L'Inde, elle, tente d'abord une expérience de troisième voie ni libérale ni communiste en limitant ses importations. Puis, elle finit par s'ouvrir et se libéraliser à son tour. Pour terminer, des pays comme le Bangladesh et le Vietnam misent sur leur main d'œuvre bon marché pour se constituer en pays ateliers en espérant ensuite remonter les filières de production comme l'ont fait précédemment leurs voisins asiatiques.

 

théorie du vol des oies sauvages : théorie de développement industriel basée sur l' importation des produits et des technologies dans un premier temps, puis sur le développement de l’industrie locale pour satisfaire la demande intérieure. Ensuite, les  exportations sont destinées aux pays du tiers-monde, puis aux pays développés grâce à une augmentation de la valeur ajoutée.Depuis quelques années on observe une délocalisation d'une partie de l'activité industrielle.

 

b) Il est donc possible d'établir une typologie des Etats en fonction de leurs niveaux de richesse, de développement  et de dynamisme économique.

Le Japon est un pays riche et développé. Si, comme de nombreux pays industrialisés, il a été confronté à des crises et un ralentissement de sa croissance. Il reste un centre d'impulsion majeur de l'économie mondiale. La Chine le devance désormais en termes de produit intérieur brut. C'est désormais la deuxième économie mondiale devant le Japon.  On ne peut plus parler à son sujet d'Etat-Continent émergent. Mais la Chine conserve encore les caractéristiques du mal-développement. Les disparités de développement sont fortes à l'échelles du pays tout comme  les inégalités dans cet Etat qui se revendique pourtant du communisme. Le cas de la République Populaire de Chine, permet donc de rappeler qu'il ne faut pas confondre croissance et développement. Il y a a également dans cette région du monde un certain nombre de pays qu'on a longtemps qualifiés de nouveaux pays industriels avancés (NPIA). Ce sont des Etats qui désormais font très clairement partie du "Nord" en termes de développement. On peut citer Taïwan, la Corée du Sud, Singapour. Il y a également des nouveaux pays industrialisés (NPI) comme la Thaïlande ou l'Indonésie. L'Inde est un Etat continent émergent (ECE) dont la croissance est rapide. Cependant, un certain nombre d'Etats peinent à se développer. On peut citer le Bangladesh, le Laos ou la Birmanie. Au total, on compte 7 à 8 PMA en Asie du sud et de l'est si on compte l'Afghanistan. Dans ces deux derniers cas, les difficultés s'expliquent par le long maintien au pouvoir de dictatures sanguinaires. En Corée du Nord, les réformes ne sont pas à l'ordre du jour et la propagande peine à cacher au reste du monde la misère réelle dans laquelle vit une bonne partie de la population.

 

III Il existe donc un lien entre population croissance et développement.

a)  La population est une ressource pour la croissance.

Nombreuse et peu coûteuse, elle a permis à un certain nombre de pays de s'inscrire dans la nouvelle division internationale du travail en mettant en avant cet avantage comparatif. Ce fut le cas, un temps de la Chine. C'est actuellement le cas du Vietnam qui a connu une réorientation du modèle de croissance comparable à celle de la Chine.

Mobiles, les populations ont également assuré la croissance et le développement dans la région. En Chine, l'exode rural  garantit à l'économie des régions littorales une main d'oeuvre bon marché et docile. C'est le phénomène des mingongs. Ces derniers servent de variable d'ajustement quand l'économie donne des signes de ralentissement. Les migrants ont été aussi des facteurs de dynamisme économique dans l'ensemble de la région. C'est le cas de la diaspora chinoise qui a constitué d'importants réseaux commerciaux et financiers qui dépassent désormais largement le cadre de l'Asie orientale. Par exemple, la population chinoise est majoritaire dans la puissante cité-Etat de Singapour.

Les migrations peuvent aussi être liées aux études. C'est pour cette raison par exemple que fut crée le classement mondial des universités  qu'on appelle aussi le classement de Shanghai. Il s'agissait de permettre aux étudiants chinois de trouver les meilleurs établissements pour aller étudier avant de revenir ainsi formé au pays. Car d'une manière générale, dans plusieurs de ces pays, une très grande importance est accordée à l'éducation des enfants. Les Etats, les entreprises et  les familles n'hésitent pas à investir énormément dans la formation des jeunes, au risque de créer une pression excessive pour certains d'entre eux.  Au Japon, en Corée du Sud ou à Taïwan, par exemple, la main d'oeuvre est désormais très qualifiée et chère. Mais ce n'est pas le cas partout et...

 

 

Mingong : migrants originaires des régions rurales constituant une population flottante estimée à 20 millions de personnes.

 

Diaspora : communauté dispersée dans le monde entier.

 

Dumping social : pratique de certains États consistant à réduire la législation en matière de droit du travail et à accepter un niveau de salaire faible afin d’attirer les investissements d’entreprises étrangères.

 

b) ... des défis restent à relever pour le développement.

 

En termes de développement, le premier défis est ce lui de l'éducation. On constate qu'il y a encore en Asie du Sud et de l'Est des pays où le taux d'alphabétisation et encore faible. Le niveau de scolarisation est alors insuffisant en particulier pour les filles. C'est sur ce point qu'insistent en particulier Olivia et Camille lorsqu'elles présentent leur projet concernant le Cambodge. Dans ce pays, le taux d’alphabétisation des adultes de 15 ans et plus est de 74%, contre 94% en moyenne dans la région et la proportion de femmes analphabètes est supérieur d'environ 20% à celle des hommes. Ces taux s'améliorent cependant pour les  plus jeunes.

L'autre défis est celui de l'alimentation. La plupart des pays d'Asie du Sud et de l'Est, ont réalisé comme l'Inde dès 1947, de véritables révolutions vertes basées sur les VHR, puis les OGM, la mécanisation, la chimisation et l'extension des surfaces agricoles. Ces politiques ne sont pas sans conséquences sur l'environnement avec des phénomènes de pollutions et de déforestation. En Indonésie, on en vient même à détruire des forêts primaires afin de planter des palmiers dattiers dont la production est destinée à l'exportation alors que cette région du monde abrite encore 64% des personnes qui souffrent de sous-nutrition dans le monde. Certaines des logiques de développement agricole ne sont donc pas compatibles avec les principes du développement durable et de la protection de l'environnement. En Inde, Vandana Shiva lutte pour maintenir les semences paysannes au profit des petits planteurs : https://youtu.be/7OGBdKzu1g4

L'autre défi est lié aux fortes densités, à l'inégal développement et aux aléas naturels. Certaines de ces régions très peuplées sont exposées à des seïsmes, des typhons, des cyclones, des volcans, etc. On constate que plus les secteurs exposés sont peuplés et peu développés, plus vulnérable est la population. Dans certains cas, même les pays les plus développés ne parviennent pas à gérer des catastrophes majeures. C'est le cas du Japon en 2011. On parle alors de crise.

La santé est un autre défi pour le développement de ces régions. En Inde, l'industrie pharmaceutique est capable désormais de fournir en quantité des médicaments génériques pour soigner des maladies comme le SIDA par exemple. Cette industrie est cependant désormais confrontée aux intérêts des grands laboratoires du "Nord" qui entendent bien défendre à l'OMC leurs brevets. Voir un travail des TS2015 sur ce thème : http://argentecjs.wixsite.com/brevetsmedicaments.

 

Schéma risque 

 

Révolution verte : nom donné à la révolution agricole en Inde depuis les années 50. Elle passe par la mécanisation, l’irrigation, l’utilisation de variétés à hauts rendements (VHR) et la culture d’organismes génétiquement modifiés (OGM). Elle recourt aux engrais et aux produits phytosanitaires.

Vulnérabilité : dommages que peut occasionner un aléa sur des enjeux.

Risque : conjonction sur un territoire donné d’aléas et d’enjeux.

 

Conclusion : Il ne faut donc pas réduire la question de la population en la présentant comme un obstacle à la croissance. Certes elle est nombreuse et les politiques de développement peinent à satisfaire des besoins importants. Mais cette population est aussi l’un des atouts majeurs de la région. Le faible coût de la main d’œuvre a longtemps rendu attractifs les pays ateliers de la région. Désormais, son niveau de qualification augmente. Les populations actives des pays d’Asie du Sud et de l’Est s’insèrent donc désormais autrement dans la nouvelle division internationale du travail. Pour finir, si dans cette région du monde, la croissance est avérée, elle n’est pas toujours synonyme de développement et de développement durable.

 

Auteur : Nérée Manuel

 

Bibliographie :

SANJUAN T., Le défi chinois, La documentation photographique,  n° 8064, juillet-août 2008, La documentation française. [CDI]

FOUCHER M. (sd), Asies nouvelles, Atlas géopolitique, Belin 2002. [CDI]

 

Dernière mise à jour : 03/17

 

http://i.creativecommons.org/l/by-nc-sa/2.0/fr/80x15.png