Série : TS
La
gouvernance européenne depuis le traité de Maastricht.
Avec le traité de Maastricht
signé en 1992, la Communauté économique
européenne (CEE) change de nom et devient l’Union européenne (UE). Certains disent d’elle que c’est un OPNI, c’est-à-dire
un Objet Politique Non Identifié. Il faut dire qu’'il s’agit de la seule
organisation régionale qui tend vers une intégration
approfondie sur le plan économique
et politique. Par intégration, on
désigne le processus par lequel sont adoptées des normes économiques,
politiques, juridiques et éventuellement sociales et fiscales communes afin que
des économies, des Etats puissent travailler ensemble. La construction de
l’Union européenne débute peu de temps après la seconde mondiale, mais les instructions
officielles nous invitent à n’étudier ce projet que depuis l’adoption du traité de Maastricht en 1992 (entrée en
vigueur en 1993). Le terme « gouvernance »
est né dans les années 30 dans le milieu des économistes américains pour
évoquer l’administration des entreprises. Il finit par désigner un mode de
gestion des affaires communes impliquant les individus, des acteurs publics et
privés, des institutions officielles, des états ou des collectivités. La
gouvernance peut alors reposer aussi bien sur des accords, des normes
juridiques que sur des arrangements informels. Dans les années 80, il connait
un certain succès à l’heure où les libéraux remettent en cause l’efficacité du
pouvoir exercé par les formes traditionnelles de gouvernement. Le terme gouvernance
est discutable car il est mal défini et son interprétation dépend du contexte
dans lequel il est employé. Par ailleurs, le terme de gouvernance renvoie avant tout à une obligation d’efficacité, alors que celui de gouvernement implique que le pouvoir est légitime et responsable de la politique qu’il mène.
On peut donc se demander si
ce traité a permis de réaliser les objectifs politiques définis au sortir de la
seconde guerre mondiale en particulier, celui d’établir durablement la paix.
I Le
traité de Maastricht met en place une Union européenne en réponse à des
objectifs politiques et économiques définis de longue date.
a) Satisfaire
aux objectifs politiques…
Dès 1948 (Congrès de La
Haye) et 1950 (déclaration de Robert Schuman), un certain nombre de dirigeants
qu’on a coutume d’appeler les pères
fondateurs de l’Europe cherchent le moyen d’unir les Etats de l’Union
européenne autour d’un projet politique commun : établir une paix durable sur le continent. Cette préoccupation
est aussi celle du traité de Maastricht.
Elle en constitue d’ailleurs le deuxième
pilier. Il s’agit, en effet de mettre en place une politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Cela passe
notamment par la création de l’Eurocorps
en 1992. Ce corps d’armée réunit 60000 soldats français, allemands, belges,
espagnols et luxembourgeois. Symboliquement, son Etat-major se trouve à
Strasbourg. Par ailleurs, le traité de
Maastricht a été complété en 2007 par le traité de Lisbonne, appelé aussi traité simplifié en référence à l’échec du référendum sur le Traité Constitutionnel Européen (TCE)
en 2005. Le traité de Lisbonne a
créé la fonction de Haut- représentant
pour la politique étrangère. C’est une italienne, Federica Mogherini qui assume cette fonction depuis 2015.
Progressivement en Europe,
s’est donc mis en place un système politique avec des institutions dont les
fonctions sont définies en particulier par le traité de Maastricht et le traité
de Lisbonne. Ainsi les grandes
orientations sont définies par le Conseil
européen. Présidé par le polonais Donald
Tusk, il réunit les chefs d’Etats et de gouvernements des 27 Etats membres.
Le pouvoir de décision est partagé
par la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Union
européenne. La commission présidée
par le luxembourgeois Jean-Claude Junker
et le Parlement présidé par Adriano
Tajani proposent les textes des
directives européennes dont dépendent désormais 80% des lois des Etats membres.
Le Parlement et le Conseil de l’Union européenne qui
réunit les ministres des Etats membres se
partagent la décision de l’adoption des lois. On parle de codécision. On peut donc dire que ces
trois institutions européennes se partagent le pouvoir législatif. Pour être complet, il convient de souligner que
la Commission européenne dispose de pouvoirs exécutifs puisqu’elle veille à
l’application des directives européennes.
Mais elle contrôlée par les 751 députés du Parlement
européen.
b) ...
et économiques…
Dès l’origine de la
construction européenne, il s’avère difficile
de distinguer les objectifs économiques des objectifs politiques. Car,
confrontés à la difficulté de définir l’organisation politique à créer,
certains proposent de façon pragmatique de la construire d’abord sur le plan
économique. On les appelle les
fonctionnalistes. L’une des ides repose sur le principe que des Etats qui ont des intérêts économiques
communs ne peuvent se faire la guerre. Ceci explique la mise en place de
façon précoce de la Communauté
Européenne de Charbon et de l’Acier (CECA-1952), du marché commun de la Communauté Economique Européenne
(CEE-1957). Le premier pilier du traité de Maastricht conforte cette logique en
reprenant le principe de la politique
agricole commune (PAC-1962) et en remplaçant
le marché commun par un marché unique. En 1995, les accords de Schengen établissent une zone de libre circulation des ressortissants des Etats membres.
C’est le traité de Maastricht qui annonce la création d’une monnaie unique européenne.
L’euro est créé en 1999. C’est la Banque Centrale européenne (BCE) dont
le siège se situe à Francfort qui veille à la gestion de cette monnaie commune.
Celle-ci finit d’ailleurs par être mise
en circulation en 2002 dans 12 pays. Aujourd’hui, 19 pays l’utilisent et
constitue la zone euro. La monnaie
est un bel exemple de la difficile
distinction entre politique et économie car le contrôle de la monnaie est
en principe un pouvoir souverain d’un Etat. On peut donc se demander si l’Union
européenne s’apparente désormais à un Etat
fédéral.
Marché
commun : le marché commun de la CEE est une union
douanière, c’est-à-dire un espace où les marchandises circulent librement entre
les Etats membres mais où les Etats membres appliquent le même tarif extérieur
commun (TEC) aux importations en provenance d’un pays tiers, extérieur pour le
dire autrement.
Marché
unique : dans un marché unique l’intégration est plus
poussée. Le traité de Lisbonne parle, lui désormais de marché intérieur.
Accords
de Schengen : ils permettent une libre circulation entre les pays membres et un
renforcement des contrôles aux frontières extérieures (26 Etats membres).
II Les enjeux d’un projet politique encore discuté concernent …
a) …l’élargissement,
Commencée à 6, la construction européenne a connu plusieurs
élargissements. 1972, 1981, 1986, 1990 (réunification de l’Allemagne) sont des
étapes importantes de ce processus d’élargissement. En 1992, quand le traité de Maastricht est signé l’Union européenne
compte 12 Etats, comme le nombre
d’étoiles sur le drapeau. En 1995,
l’Autriche, la Finlande et la Suède, des Etats neutres de la guerre froide,
rejoignent l’Union. En 1993 à Copenhague et en 1997 à l’occasion du traité d’Amsterdam sont précisés les critères d’adhésion à l’Union
européenne : appartenance
géographique, respect et garantie des libertés fondamentales et du droit des peuples,
acceptation de tous les textes communautaires, situation économique et
financière. En 2004, 10 pays la
rejoignent: Estonie, Lituanie, Lettonie, Pologne, République Tchèque,
Slovaquie, Hongrie, Slovénie, Chypre, Malte. La plupart d’entre eux appartenaient
au bloc de l’est. En 2007,
c’est au tour de la Roumanie et de
la Bulgarie. Le dernier Etat à intégrer l'Union européenne est la Croatie
en 2013. Les avantages espérés de ce processus sont alors nombreux. On attend une extension en
Europe de l'aire de prospérité et de paix créée par l'Union européenne,
un développement du marché européen qui passe ainsi de 375 millions de
consommateurs à plus de 500 millions. On
espère également une augmentation du poids de l’UE sur la scène
internationale.
Mais
l’élargissement de l’UE suscite également quelques craintes liées au coût
de l' aide au développement de pays
dont le niveau de vie en moyenne était de 23 % inférieur à la moyenne
communautaire à l’époque, à la nouvelle répartition des aides de l’Union
européenne au bénéfice des nouveaux états membres, à la délocalisation
des activités industrielles à valeur ajoutée faible ou moyenne vers ces pays,
au développement de phénomènes migratoires internes.
Les interrogations portent également sur les conséquences
de cet élargissement en matière de politique étrangère …..
b) ...le
rôle géopolitique…
Certains voient dans l’adhésion de nouveaux pays un facteur
de déstabilisation de l’Union européenne. La Croatie dernière venue sort
d’un conflit avec la Serbie. La Macédoine est candidate mais ses
relations avec la Grèce ne sont pas apaisées. La Turquie adversaire
géopolitique de longue date de la Grèce, souhaite également intégrer l’Union
européenne. Elle a cependant une frontière commune avec l’Irak et la Syrie en
guerre.
L’implosion
de la zone d’influence soviétique, fait apparaître un autre enjeu géopolitique
majeur. En effet, certains anciens pays du Pacte de Varsovie adhèrent à
l’OTAN, complétant ainsi la
liste des pays de l’Union européenne
également membres de l’OTAN [22 sur 28(UE)- 28 (OTAN)]. L’influence des Etats-Unis en Europe est donc
croissante même si la question de l’intervention en Irak en 2003 a montré
que tous les pays de l’Union européenne n’étaient pas prêts à les suivre.
On constate donc que l’Union européenne peine
donc à parler d’une seule et même voix. La PESC reste un objectif à
atteindre. D’ailleurs, à plusieurs
reprises depuis 1992, l’Union européenne s’est révélé incapable d’intervenir de
façon efficace dans son environnement proche. Elle n’a pu empêcher la guerre
en ex-Yougoslavie en 1991-1995 et les massacres qui y ont été perpétré.
Dans le prolongement, elle n’a pas pu intervenir sans l’OTAN au Kosovo en 1999.
Plus récemment, elle n’a pu s’opposer à l’annexion de la Crimée ukrainienne
par la Russie. Pour l’instant, l‘Union européenne reste donc un
« nain » sur le plan géopolitique.
c) … le
modèle économique et social,
Dans le contexte de la guerre froide, l’Europe en
construction pouvait apparaître comme un
modèle alternatif conciliant économie de marché et haut niveau de protection
sociale. Les discussions concernant le traité constitutionnel de l’Union
européenne en 2005 ont opposé les partisans d’une Europe où se maintenait le
principe de l’Etat-providence à ceux
pour qui l’Union européenne devait avant tout être un espace de concurrence libre et non faussée. Avec le traité de Lisbonne, certains
considèrent que c’est cette ligne qui semble l’emporter désormais dans l’Union
européenne.
Etat-providence :
Etat assurant un haut niveau de protection social et intervenant beaucoup dans
l’économie.
d) … et
le système politique à mettre en place.
La
question se pose de savoir si l’Union européenne doit devenir un système fédéral complet. Certes, aujourd’hui, les Etats se soumettent aux
décisions communautaires dans certains domaines (commerce, monnaie,
agriculture, la pêche, le transport). La coopération policière et judiciaire est renforcée. C’est le troisième pilier du traité de
Maastricht. Mais des domaines importants échappent encore à la supranationalité à la grande
satisfaction des souverainistes. En
dépit de la PESC ( deuxième pilier du traité de Maastricht), les Etats restent souverains en matière de
diplomatie. Dans le domaine de la Défense,
ce sont les Etats qui font le choix de mobiliser leurs forces ou pas comme l’ont révélé les questions
libyennes, maliennes, centrafricaines ou syriennes. Dans ces trois cas, la
France est partie intervenir relativement seule. De plus, on constate que
l’Union européenne reste une organisation
à géométrie variable. Tous les Etats membres n'ont pas adopte l'Euro ou intégré
l'espace Schengen. Dans ces conditions, on ne peut pas dire que l’Union
européenne est un système fédéral complet. Pour l’instant, c’est une confédération voir une fédération d’Etats-nations selon
l’expression de Jacques Delors.
Par
ailleurs, la répartition des pouvoirs
dans les institutions européennes donne le sentiment qu’elles souffrent encore
d’un déficit démocratique. Par
exemple, la Commission européenne
composée de commissaires non élus cumule du pouvoir exécutif et législatif.
Certains soulignent cependant que le fonctionnement de l’Union européenne a
progressé avec le traité de Lisbonne. Le pouvoir de codécision du Parlement
européen est élargi à de nouvelles questions (justice, affaires
intérieures), les européens ont désormais un droit d’initiative populaire.
Au niveau du Conseil de l’Union
européenne, un plus grand nombre de décisions sont adoptées à la double
majorité qualifiée (55% des Etats,
65% de la population).
e) Un avenir incertain ?
Aujourd'hui, l'Union européenne doit gérer trois
enjeux majeurs : la sécurité
dans le contexte des attentats, l'accueil des réfugiés dans le contexte
des conflits du Moyen-Orient et enfin le risque de dislocation à la suite du
Brexit. On assiste, en effet, au développement de l'euroscepticisme
dans plusieurs pays membres de l'Ue. Le
Royaume-Uni est le premier à la quitter à la suite du Brexit voté par
référendum par les Britanniques.
Un système
fédéral : c’est sur un territoire
défini, la superposition de deux niveaux de pouvoir. Les Etats réunis possèdent
une assez grande autonomie (justice, éducation). L’Etat fédéral détient lui des
pouvoirs importants délégués par les Etats fédérés (défense, diplomatie,
monnaie).
Une confédération :
ensemble permanent d’Etats ayant des objectifs communs mais dont les états
membres restent souverains et autonomes.
Supranationalité : principe qui caractérise une organisation placée au
dessus des institutions nationales et dont les décisions s’imposent aux Etats
membres.
Souverainistes : partisan de la défense de la souveraineté nationale, de
la compétence des Etats.
Conclusion : Finalement en 2017, même si les
processus d’intégration, d’approfondissement et d’élargissement sont très avancés, se
posent encore un certain nombre de questions présentes dès le début de la
construction européenne. Robert Schuman et Jean Monnet parlaient souvent d’Etats-Unis d’Europe. On constate que
le sujet divise encore les tenants d’une Europe
fédérale et les partisans du maintien des souverainetés nationales. Pour
l’instant l’Union européenne n’est pas
un système fédéral complet. La guerre froide est terminée pourtant l’extension d’une Europe atlantiste vers
l’est suscite quelques interrogations sur un continent encore diplomatiquement divisé. Sur ce plan là, l’Union
européenne cherche encore à s’affirmer en tant que puissance. Dans le contexte
de la guerre froide, le modèle européen
pouvait sembler alternatif en conciliant économie de marché et politique
sociale. Ce modèle doit-il s’effacer maintenant que le bloc soviétique s’est
effondré ? Pour finir, après une accélération de l'élargissement après
1990, l'Ue traverse un période plus incertaine à l'heure où le Royaume-Uni fait
le choix de la quitter et où les eurosceptiques
se font plus entendre. On peut donc dire que beaucoup de questions qui se
posaient déjà en 1948 continuent à tarauder les européens aujourd’hui. Un
constat s’impose cependant, l’objectif politique majeur affiché pour la
construction de l’Union européenne est atteint : les Etats membres sont en paix.
Auteur : Nérée Manuel
Dernière mise
à jour : 05/17