Produire et diffuser la connaissance :
l’alphabétisation des femmes.
Le saviez-vous ? L’INSEE ne publie pas de chiffres
détaillés sur l’analphabétisme en France mais considère que le taux
d’alphabétisation est de 99%. Pourtant, la question de la lecture et l’écriture
reste un problème pour une partie de la population française. 2,5 millions de personnes, âgées de 18 à 65
ans sont en situation d’illettrisme
soit 7% de cette classe d’âge (chiffres 2018 - Agence Nationale de Lutte Contre
l'Illettrisme). Les hommes (9 %) sont plus souvent en situation d’illettrisme
que les femmes (6 %). Dans le monde, on compte 750 millions d’analphabètes,
pour la plupart ce sont des femmes.
Comment expliquer une telle différence de
situation entre un pays développé comme la France et des pays en
développement ? Existe-t-il un lien entre alphabétisation des femmes et
niveau de développement ?
Analphabétisme : analphabétisme
situation d’une personne qui ne sait ni lire ni écrire
Illettrisme : situation de celle et
ceux à qui on a apris la lecture et l’écriture mais
qui n’en maîtrisent pas l’usage.
I Les très lents progrès de
l’alphabétisation des femmes en France.
« Tout enseignement pour les femmes doit être
considéré comme suspect ». Gerson, grand chancelier de l’université de
Paris au XVe siècle.
a) Jusqu’ au XVIe siècle
l’alphabétisation des femmes reste très limitée.
Les rudiments de lectures ne sont
dispensés que dans quelques foyers de l’élite aristocratique et parfois
urbaine. L’église catholique se montre
alors très réticente à donner accès à l’éducation aux filles.
La réforme et la contre-réforme changent le rapport à cette
question. En effet, Luther souhaite que tout croyant puisse lire les
Ecritures. Le protestantisme
favorise donc l’accès des femmes à la
lecture. L’église catholique n’est pas en reste et réagit. Dès 1523, le
théologien catholique Jean Louis Vivès dans De institutione feminae
christianae (L’Instruction de la femme
chrétienne, 1523), préconise un accès des femmes à la lecture d’ouvrages de
morale. Pour s’assurer le cœur des fidèles, le concile de Trente (1545-1563) admet qu’il est possible de généraliser l’accès des femmes à la lecture
et au catéchisme. Dès congrégations vouées à l’enseignement des filles apparaissent comme
les ursulines, les visitandines ou congrégation Notre-Dame. Mais l’enseignement féminin reste limité à
une élite. En 1666, la Maison Royale de Saint-Louis est fondée par Madame
de Maintenon pour donner une éducation aux jeunes filles nobles sans argent.
Elle sert de modèle à d’autres établissements du même type souvent ouverts par
d’anciennes élèves. A la veille de la Révolution française (1786-1790), 47,25%
des hommes savent signer contre 26.88/% des femmes (Enquête réalisée en 1877
par le recteur de Nancy grâce au dépouillement des registres paroissiaux).
b) …les progrès
significatifs de la Révolution Française à la Ve République. :
« Faites-en une honnête femme, et
soyez sûre qu’elle en vaudra mieux pour elle et pour nous » J-J Rousseau
Emile ou de l’éducation. 1762.
Avec
les Lumières, l’idée de l’accès des
femmes à l’éducation progresse. Comme on peut le ire dans Emile
ou de l’Education de Jean-Jacques Rousseau 1762. Cependant selon lui
l’éducation des femmes doit d’abord servir les maris. Dès la Révolution
française, Condorcet prône lui l’accès des femmes à
l’éducation au nom de l’égalité dans
Cinq mémoires sur l'instruction publique (1791).
Il souhaite aussi la fin de l'enseignement religieux. Il ne fallait pas
compter sur Napoléon qui considérait que la « femme
est au mari ce l’arbre est au verger » pour que la condition féminine
progresse. Sous la restauration, la loi
Guizot (1833) impose une école dans chaque commune. Mais, l'église regagne
du terrain dans le domaine de l'enseignement notamment grâce aux congrégations
religieuses. On note cependant qu’en 1838 est supprimée l’incapacité des femmes :
elles peuvent s’inscrire dans les universités sans l’autorisation des maris.
Il faut attendre la IIe
République et la loi Falloux (1850)
pour que les communes de plus de 800 habitants soient obligées à financer le fonctionnement d'une école primaire de garçons
et de filles. Sous la Troisième république, la volonté est de limiter
l'influence de l'église. En1880, l'influence des congrégations religieuses sur l'université est supprimée.
Les lois du ministre de
l'Instruction publique de l'époque, Jules Ferry, établissent l'école
gratuite (06-1881), laïque (07-1881), et
obligatoire (03-1882). L'école est obligatoire pour les
filles comme pour les garçons. La formation des maîtres d'école est
rendue systématique. En 1879, la loi Paul
Bert oblige chaque département à avoir une école normale d’institutrices pour former le personnel enseignant
nécessaire.
Malgré tout, l’éducation,
des femmes est le plus souvent destinée à en faire des femmes au foyer. Elles
apprennent aussi à coudre ou à broder en préparant leur trousseau. Dans la
bourgeoisie, l’éducation est complétée par l’apprentissage des arts d’agrément
(le piano, la broderie). Cependant, les études secondaires s’ouvrent progressivement aux les filles. En
1880, la loi Camille Sée leur donne accès au lycée mais,
attention, le latin, le grec, la philosophie, les matières « nobles »
de l’époque, restent réservées aux jeunes hommes. Les filles n’obtiennent
le droit d’obtenir le même baccalauréat que les garçons qu’en 1924.
Les femmes menant des études supérieures sont de moins en moins rares, notamment dans le domaine du droit. Elles
sont bien moins nombreuses à étudier dans le domaine des sciences. On peut
citer, le cas exceptionnel de Marie Curie d'origine polonaise qui
étudie en France à partir de 1891 et qui reçoit deux fois le prix Nobel
(1903-1911).
Aujourd’hui, c’est l’accès des filles aux études
scientifiques qui pose problème. Dès le lycée dans les choix des EDS on note
depuis la réforme que 29 % des garçons ont choisi la combinaison
maths-physique-chimie en Terminale, alors que seulement 13 % des filles ont
fait le même choix (2023).
Enseignement primaire : laïc, gratuit et
obligatoire à partir de 1881-1882, il concerne les garçons et les filles âgés
de 6 à 13 ans. Il s’achève par un examen public, le certificat d’études
primaires (jusqu’en 1936)
Enseignement secondaire : sous la IIIe
République, l’enseignement public est réservé à une minorité. Il est d’ailleurs
payant (jusqu’en 1930)
A
voir : https://www.youtube.com/watch?v=h2LL_yNp1Io&t=266s
II Dans le monde,
l’alphabétisation des femmes reste un enjeu majeur de développement.
a) Un constat accablant
Aujourd’hui
près des 2/3 des 750 millions de
personnes analphabètes dans le monde sont des femmes et
un tiers des pays ne parviennent pas à la parité des sexes dans l’enseignement
primaire. Les principaux obstacles à l’alphabétisation des femmes sont d’ordres
socioculturels et économiques. Dans les familles, les filles sont
consacrées aux tâches ménagères. Les
familles sont également réticentes à
l’idée d’investir dans l’éducation de filles destinées à être mariées. Les préjugés sexistes et les
interdits religieux restent nombreux comme en Afghanistan.
b)
Les liens entre éducation des filles et
développement.
A l’évidence, la connaissance est un facteur de développement et de croissance. L’éducation des filles
participe au développement des
Etats. Celle-ci contribue largement à la maîtrise de la démographie. En effet, l’éducation des femmes rend
les programmes de contrôle des
naissances ou de planning familial plus efficaces. L’accès à la connaissance contribue donc à la baisse de la natalité,
le nombre de naissances rapporté à la population totale exprimé en pour mille.
D’une certaine façon, l’éducation accélère ainsi la transition
démographique, Cette corrélation
entre éducation et maîtrise de la démographie
s’observe dans la plupart des pays en développement.
En donnant accès à la connaissance, l’éducation
contribue à la baisse de la mortalité et
donc à la hausse de l’espérance de vie. Il est vrai qu’en permettant la
généralisation des gestes fondamentaux d’hygiène et le bon traitement des
nouveaux nés, l’éducation permet un
recul de la mortalité chez les plus jeunes, la mortalité infantile. Cela participe à l’amélioration générale de l’état sanitaire de la population et à l’augmentation de l’espérance de vie à la
naissance en général. Cet indicateur participe au calcul de l’IDH.
L’accès à la connaissance est
donc particulièrement important pour améliorer le niveau de vie du plus grand
nombre. L’éducation des
femmes est un levier particulièrement important dans ce domaine. Si le taux
d’alphabétisme dans le monde est aujourd’hui de 86% certaines régions du monde
restent à la traîne comme l’Afrique subsaharienne, l’Asie centrale et
l’Asie du Sud. Parmi les pays les moins
alphabétisés on trouve le Niger et l’Afghanistan. Cette inégalité s’explique
par des préjugés sexistes et parfois par des interdits religieux comme en
Afghanistan. Le niveau d’éducation est donc à la fois un
reflet et un facteur du développement. L’alphabétisation des hommes comme
des femmes est donc un facteur indispensable pour le développement. C’est
d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle l’accès à l’éducation est considéré
comme un droit humain fondamental.
Il est inscrit dans la Déclaration
universelle des droits de l’homme de 1948. Par ailleurs aujourd’hui, l’éradication de l’analphabétisme des
femmes est devenue l’un objectifs prioritaires fixés de l’ONU.
Transition
démographique : passage d’un ancien régime
démographique à natalité et mortalité élevé à un nouveau régime démographique
caractérisé par une mortalité et une natalité faible.
Taux de
mortalité infantile : rapport entre le nombre d'enfants décédés à
moins d'un an et l'ensemble des enfants nés vivants. Il est généralement
exprimé en pour mille.
IDH : indice
de développement humain. Il est compris entre 0 et 1. Il est calculé par le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD) qui retient le niveau de santé (espérance de vie
à la naissance), le niveau d’instruction (taux d'alphabétisation et nombre
moyen d’années d’études), le revenu, représenté par le PIB par habitant
Espérance de vie : Cet
indicateur représente la durée de vie moyenne d'une génération fictive, compte
tenu des conditions de mortalité par âge pour l'année considérée.
Conclusion : L’alphabétisation des
femmes débute de façon relativement précoce dans des pays dits développés comme
la France. Même si des progrès ont été faits à l’époque moderne, la République
a fait beaucoup pour l’accès des femmes à l’éducation. Dans d’autres pays cet
accès est encore loin d’être garanti. C’est pourtant la condition sine qua non
du développement et de la croissance.