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1L, 1ES, 1S
Titre : Réduire les disparités
socio-spatiales : un des enjeux de l’aménagement des villes.
Etude de cas : étude comparée des
projets d’urbanisme du Mirail et de la Z.U.P du Garros.
Les notions de fractures sociales et de
fractures spatiales ne sont pas des
notions de géographie. La disparité (lat. disparatus :
inégal) désigne l’absence d’uniformité, le
caractère de ce qui est inégal. Les disparités
socio-spatiales sont donc les manifestations dans l’espace et sur le
territoire des inégalités sociales. Dans le Paris de
l’ère industrielle, ces disparités pouvaient se manifester
de façon verticale (immeubles haussmanniens) ou horizontale (opposition
entre l’ouest et l’est plus ouvrier et populaire). Au 19ème
siècle la volonté d’améliorer le logement
s’inscrit dans des réflexions idéologiques et urbanistiques
(voir une
leçon qui évoque en
partie ces préoccupations) mais….
Problématique : ..., aujourd’hui, ces disparités ont-elles disparu
des villes françaises ? Si non, comment se
manifestent-elles aujourd’hui ? Cherche-t-on à les
réduire ? Avec quel succès ?
I Le constat de disparités sociales et spatiales
….
a)
…Les
disparités socio-spatiales
L’étude
de l’enquête INSEE (2008) sur les signes de la diversité
toulousaine souligne l’existence dans Toulouse et les communes de son
agglomération (Colomiers, Tournefeuille, Balma par exemple) de quartiers aisés
caractérisés par des revenus des ménages
élevés (Carmes, Ozenne, Saint-Etienne, le Busca , la Côte
Pavée) et de quartiers pauvres qui
ne sont pas exclusivement situés dans la périphérie (Le
Mirail, Bagatelle, Bellefontaine, Empalot, mais aussi Arnaud Bernard, Saint Michel
et Saint-Agne). Ces disparités socio-spatiales s’observent dans
d’autres métropoles françaises. Dans
l’agglomération parisienne, le 16ème
arrondissement, les communes d’Auteuil, de Neuilly ou de Passy
n’ont rien à voir avec la Goutte d’or ou certains quartiers
de Saint-Denis et d’Aubervilliers. A l’échelle nationale,
aujourd’hui, 13% des français (soit 8.3 millions de personnes) vivent dans
les quartiers pauvres.
b)
,… sont
le résultat de dynamiques profondes …
Dans
le contexte démographique du baby-boom, de grands ensembles sont construits à partir des années
50 pour satisfaire les besoins de logements. Ils sont le plus souvent
réalisés en périphérie où le foncier est
moins cher. De nouvelles techniques sont utilisées permettant de
bâtir de façon quasi industrielle (chemins de grues, centrales
à béton, préfabrication). En 1957 est adopté le
décret qui permet la création des Z.U.P. Dans le Gers, à Auch où la poussée
démographique est de 25.5% entre 1954 et 1962 (exode rural, les flux migratoires internationaux, rapatriements d’Algérie),
est donc réalisée la Z.U.P du Garros dans la deuxième
moitié des années 60. Les architectes sont Paul Gardia, Maurice
Zavagno, puis Bernard Bachelot. C’est également pour satisfaire
les besoins en matière de logement que l’architecte Georges Candilis
réalise le projet de ville
nouvelle du Mirail. Même s’ il ne veut pas la désigner
ainsi, c’est une nouvelle centralité fonctionnant de façon autonome qu’il souhaite
créer de l’autre coté de la Garonne et du
périphérique. Ce quartier est à l’origine
destiné à tous. Candilis et ses collègues Josic et Woods
s’inscrivent dans un mouvement qui envisage la destruction par l’architecture de tout système de classe.
Sans tous ces aménagements aujourd’hui contestés, les
villes n’auraient pas pu absorber les flux de population des
années 60-70. Ainsi en 1973, est atteint le chiffre record de 550000
nouveaux logements en en une année. Ils ont permis de faire
disparaître les bidonvilles (Nanterre en région Parisienne-loi de
1965). Des opérations de rénovation
urbaine ont permis de réduire l’habitat insalubre dans les
quartiers centraux délabrés
(quartier Saint-Georges à Toulouse, le quartier de la Treille
à Auch entre le Gers et la CAF à proximité de la caserne
Espagne). Certains de ces projets étaient mal pensés ou
n’ont pas été totalement réalisés
(Mirail-Meaux Beauval-1959). Ces quartiers se sont parfois retrouvés enclavés (Mirail- le Garros
jusqu’à la réalisation du pont du Mouzon au début
des années 80). Ils ont pu devenir à leur tour des cités-dortoirs comme
Meaux-Beauval [LOYER F.]. L’opinion publique est donc restée
attachée à la maison
individuelle. Les pouvoirs publics ont dès la fin des années
60 cherché à accompagner cette tendance puisque le concours
Challandon, du nom du Ministre de l’Equipement et du Logement, a conduit
à la création de milliers de pavillons individuels : les challandonnettes.
Encouragées par le développement du crédit et les lois
d’accès à la propriété des années
70-80, les classes moyennes ont quitté ces quartiers pour gagner les
lotissements de la grande périphérie. Cela fait le succès
des maisons Bouygues et Phénix. Finalement, depuis les années 70,
dans un contexte de crise et de chômage de masse, ne sont plus restées
dans ces quartiers que des populations très fragilisées
socialement et souvent issues de l’immigration. Dans les
centres-villes, la tendance
à la métropolisation a
pour conséquence une augmentation du coût du foncier et de
l’immobilier en général. Ils ne sont donc plus accessibles
qu’aux populations les plus aisées. On parle de gentrification. Progressivement, s’affirme la
tendance à la ségrégation sociale et spatiale [MERLIN P. CHOAY F]. Certains parlent aussi de ghettoisation [Mucchielli L.]
Gentrification : (de l’Ang gentry : ensemble des
nobles non titrés) processus par lequel certains quartiers le plus
souvent centraux, voient progressivement les populations les plus modestes
remplacées par des populations plus aisées. Ce processus est
parfois le résultat de rénovations
urbaines.
Grands ensembles : groupes
d’immeubles locatifs comportant un nombre élevé de
logements. Il ne s’agit pas d’un terme juridique, mais d’un
point de vue administratif il désigne des sites pouvant accueillir 1.000 habitants au minimum. [Pays d’art et
d’Histoire-Grand Auch]
Rénovation urbaine : à l’échelle d’un
quartier, politique de destruction des îlots les plus insalubres pour une
reconstruction et de réhabilitation des immeubles
dégradés.
Z.U.P (zone
à urbaniser par
priorité) : il s’agit de zones
prédéfinies qui font l’objet d’une planification en
matière d’urbanisme et d’architecture.
c)
…susceptibles
de générer de nouvelles problématiques.
Dans
ces quartiers où le chômage des moins de 26 ans atteint 40%, l’économie informelle, les
trafics se développent. La délinquance qui en résulte
est réelle mais le compte rendu qui en est fait renforce parfois
exagérément le sentiment
d’insécurité. L’image de ces quartiers fait fuir les classes
moyennes qui développent des stratégies d’évitement scolaire par exemple. Les entrepreneurs
hésitent à développer là des activités
industrielles ou commerciales. Par ailleurs, dans un contexte de poursuite de l’extension
périurbaine, la distance croissante entre le domicile et le travail
génère une augmentation des déplacements à l’origine
de phénomènes de congestion
urbaine (embouteillages, saturation du réseau ferroviaire).
II …. rend nécessaire des politiques et
des aménagements
a)
…Des
politiques de la ville…
Entre
1989 et 2012, l’Etat a donc
consacré plus de 90 milliards d’euros à la politique
de la ville. Les collectivités territoriales sont également des
actrices de ces aménagements urbains qui se déclinent selon au moins quatre logiques :
La
première consiste à réduire
les handicaps des quartiers considérés comme difficiles. Dans
le domaine de l’éducation et de la formation, sont créées en 1981 des zones d’éducation prioritaire
(ZEP) où on espère lutter contre l’échec scolaire en
renforçant l’encadrement. L’actuelle ministre de l’Education Madame Najat
Vallaud-Belkacem a annoncé cette semaine une nouvelle carte de
l’éducation prioritaire (ZEP, REP). Carte. Depuis le début des années 2000,
se mettent en place des écoles de
la deuxième chance (E2C) destinées à proposer de
nouveaux parcours de formation à des jeunes sortis non
diplômés du système scolaire (cf E2C de Bellefontaine
à Toulouse). Depuis 1981, des politiques d’aides aux quartiers ont
été mises en place. En 1996, des zones urbaines sensibles (ZUS) bénéficiaires
d’aides spécifiques ont été définies. On en
compte aujourd’hui 751. Des zones
franches urbaines (ZFU) ont également été
délimitées en 1996 et en 2004 pour favoriser l’installation
d’entreprises. Il en existe désormais 85. Les exonérations
concernent l’impôt sur les bénéfices, les taxes
professionnelles à condition
que les embauches concernent des résidents des quartiers à
hauteur de 20%).
La
deuxième logique en matière de politique de la ville consiste
à favoriser la mixité
sociale. La loi Solidarité et renouvellement urbain de 2001 promeut
une politique de mixité sociale en obligeant les communes de plus de
3500 habitants à avoir plus de 20% de logements sociaux. Cette
mixité sociale doit être prévue dans les documents de planification à
l’échelle des communes (Plan Local d’Urbanisme-PLU) et des intercommunalités (Schéma de Cohérence
Territoriale -SCOT).
Le
troisième aspect de cette politique de l’aménagement urbain
consiste à rénover ou
à réhabiliter l’habitat
dans ses quartiers qui souvent vieillissent mal. C’est le cas du Garros
dans les années 80 et aujourd’hui. Dans le Val de Marne où
se trouvait la cité Balzac
(Vitry sur Seine), la rénovation urbaine a entrainé la
destruction de 4800 logements et la
réalisation de 5200 logements sociaux neufs. Au Garros, la
réhabilitation prend la forme d’un Développement Social de Quartier (DSQ) qui est
réalisé entre 1982 et 1993. C’est une rénovation
profonde qui est désormais prévue pour le Garros avec la
destruction de la barre d’immeuble d’Artagnan et le percement d’un
axe transversal de circulation.
Enfin,
on cherche à rompre
l’enclavement des quartiers sensibles en développant les transports
en commun. C’est en partie dans cet esprit qu’a été
dessinée la ligne A du métro toulousain. C’est aussi un
enjeu du projet de Grand Paris qui vise à relier les territoires de la
grande périphérie de la capitale.
Zones franches urbaines : zones où les entreprises
bénéficient d’avantages fiscaux.
Zones urbaines sensibles (ZUS) : quartiers bénéficiant
d’aides spécifiques des pouvoirs publics afin de lutter contre le
chômage élevé et les difficultés sociales.
Réhabilitation : elle consiste à améliorer l’habitat
existant. Elle peut être légère, moyenne, ou lourde.
b)
… aux
résultats mitigés.
Globalement,
le bilan de la politique de zones
franches est quantitativement positif. 10000 entreprises auraient
été créées, ainsi que 45000 emplois occupés
à 25% par des habitants de la zone. Mais certains estiment que pour
l’essentiel les emplois créés n’ont été que transférés. La
succession des grandes émeutes de
banlieues (1981,1990, 2005, 2007) et
l’annonce répétée de nouvelles politiques pour
les banlieues prouvent malheureusement que bien des problèmes ne sont
pas réglés. La
réduction des budgets consacrés aux banlieues (2010) fait douter de la volonté affichée dans ce
domaine. Le saupoudrage des aides est
parfois dénoncé. Par
ailleurs, un certain nombre de communes des banlieues aisées, de
l’ouest parisien notamment, refusent de jouer la carte de la mixité sociale et
préfèrent payer le prix des sanctions que de promouvoir le
logement social sur leur territoire. Neuilly-sur Seine qui ne compte que 3.6%
de logements sociaux sur son territoire, aurait dû payer une amende de 3.3 millions
d’euros si elle n’avait pas versé 12 millions d’euros
aux bailleurs sociaux (2012).Le 16 décembre, le président de la
République François Hollande a annoncé un plan de
rénovation urbaine qui prévoit un investissement de 5 milliards
d'euros étalé sur dix ans , concernant 200 quartiers
prioritaires, dont le Garros.
Conclusion :
Les villes
françaises restent donc marquées par de fortes disparités
socio-spatiales que les politiques de la ville successives ne parviennent pas
à résorber. Le zonage, les aides à
l’investissement, le développement des transports, du logement social, de l’éducation et de la
formation sont des aspects de l’aménagement des villes dont on
peine à voir les objectifs se réaliser. Les
inégalités sociales continuent donc à se manifester sur le
territoire des agglomérations.
Auteur :
Nérée Manuel
Bibliographie :
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LOUPIAC C., La ville entre représentations et
réalités, scéren (CNDP) [CDI]
Merci à Laurence
Arruartena et à Julien Defillon chargés de la valorisation du
patrimoine au Grand Auch (Pays d’Art et d’Histoire)
Dernière mise à jour : 12-14